Le couple Treebhowon a plein de projets d’avenir.
Les Mooneea veulent rattraper le temps perdu.
Ils ont passé 18 mois d’angoisse derrière les barreaux en attendant leur procès aux assises. Avinash Treebhowon et Sandip Mooneea, qui ont toujours clamé leur innocence dans l’affaire Michaela Harte, ont été finalement déclarés non coupables. Incursion dans leur nouvelle vie d’hommes libres.
Ils respirent enfin la liberté. Ce, après 18 mois d’incarcération où ils ont vécu les pires moments de leur vie. Tout en espérant avec force qu’on les trouvera un Jour innocent du meurtre de l’Irlandaise Michaela Harte, le 10 janvier 2011. La jeune femme était alors en lune de miel à l’hôtel Legends à Grand-Gaube, rebaptisé depuis, Lux* Resorts.
Après leur arrestation, Avinash Treebhowon (qui avait avoué le meurtre pour revenir ensuite sur ses déclarations) et Sandip Mooneea avaient clamé haut et fort qu’ils n’avaient pas commis ce crime. Et finalement, la justice a tranché en leur faveur, le 12 juillet, après huit semaines de procès. Les membres du jury ont voté à l’unanimité, 9-0. Et le juge Pritviraj Fekna a prononcé son verdict : non coupables.
Depuis, Avinash Treebhowon et Sandip Mooneea ne cessent de remercier Dieu d’avoir entendu leur détresse, leurs supplications pour sortir de ce qu’ils appellent cauchemar qui a duré 18 mois. Si leur image avait pris un sacré coup après leur arrestation dans le cadre du meurtre de l’Irlandaise, c’est en héros que les deux hommes ont été accueillis chez eux par leurs familles, leurs voisins et les habitants de leurs villages respectifs (voir texte sur les retrouvailles en page 10). «Je ne pensais pas recevoir un tel accueil. C’était plus que magnifique», confie Avinash Treebhowon avec un large sourire. Nous le retrouvons chez lui au lendemain de sa remise en liberté. Assis aux côtés de son épouse et de sa mère, l’homme ne descend plus de son petit nuage. La liberté, il a toujours eu foi qu’il la retrouverait un jour. Et aujourd’hui, son espoir est enfin devenu réalité.
Sa première nuit à son domicile, à Amaury, n’a cependant pas été de tout repos. «Après les pétarades, je suis arrivé chez moi où il y avait des proches venus de loin, des voisins ainsi que des amis, des membres de la presse, entre autres. Je ne réalisais pas encore que j’étais enfin libre, enfin chez moi, dans mon monde. J’ai eu de la visite jusqu’à 1 heure du matin. On a dîné très rapidement. C’est ma sœur qui vit à Curepipe qui nous avait apporté le repas. Il y avait du farata, un curry de gâteaux piment et des chips. C’est le premier repas chaud que j’ai mangé après 18 mois», lâche Avinash.
À cet instant, une lueur de tristesse se lit dans ses yeux. Le regard tourné vers son épouse Reshma, il lui prend la main et poursuit : «J’espère ne jamais plus être séparé de ma famille. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. C’était impossible. Je revoyais ma cellule à chaque fois, l’endroit où je dormais. Je demandais à mon épouse de me pincer à chaque minute pour que je réalise que je ne faisais pas un rêve mais que c’était bel et bien la vérité. Je pense qu’il va me falloir encore un peu de temps pour reprendre mes habitudes.»
Le vendredi 13 juillet, c’est au volant d’une voiture, accompagné de sa femme, qu’Avinash a fait sa première sortie. Back to normal life… Le jeune homme, qui a déjeuné chez sa belle-mère à Rivière-du-Rempart, avant d’aller faire un petit shopping au Riverside Shopping Centre, n’est pas passé inaperçu aux yeux de ceux qui l’ont reconnu. «Ma journée a commencé par une prière, puis j’ai pris le petit déjeuner. Ensuite, je suis allé chez ma belle-mère où j’ai mangé un repas végétarien. Après, je suis allé acheter des vêtements neufs au magasin. Je voulais me faire plaisir. Et là-bas, j’ai croisé des gens qui m’ont reconnu et qui sont venus vers moi pour me féliciter et me dire des mots d’encouragement. Je remercie tous les Mauriciens pour leur soutien», lance-t-il d’un ton joyeux.
Son premier week-end, c’est entouré de sa famille qu’il va le passer. En toute simplicité. «On va dire des prières. Toujours en famille. Je me souviens qu’un jour j’avais fait une promesse devant la statue du dieu Hanuman, à la prison de Beau-Bassin. Je lui avais promis que si je retrouvais la liberté, j’irais à Grand-Bassin et j’irais jusqu’à lui, en marchant sur les genoux pour lui rendre grâce. Je tiendrai ma promesse et j’irai à Grand-Bassin dans le courant de la semaine pour accomplir ce geste symbolique», souligne Avinash.
À 32 ans, il fêtera ses trois ans de mariage le 2 août. Si pour le moment, sa femme et lui ne savent pas encore comment ils vont célébrer cet anniversaire, le plus beau des cadeaux serait pour eux de voir leur plus cher désir se concrétiser : avoir un enfant. «Ma femme était enceinte de trois mois quand j’ai été arrêté. Elle a subi tellement de pression qu’elle a perdu le bébé. Aujourd’hui, la vie nous sourit à nouveau. Et on va recommencer là où tout s’est arrêté. Je voudrais aussi récupérer mon poste à l’hôtel où je travaillais.»
«Je ne veux pas me faire piéger»
Chez Sandip Mooneea à Petit-Raffray, l’atmosphère est tout aussi détendue que chez les Treebhowon. Le vendredi 13 juillet, c’est un Sandip Mooneea affichant un air serein que nous avons rencontré à son domicile. Mais il nous faudra tout de même patienter quelques minutes sous sa varangue avant de pouvoir lui parler. Car l’homme, qui s’exprime dans un anglais impeccable, est en pleine interview avec deux journalistes irlandais. Les questions-réponses terminées, Sandip Mooneea, accompagné de son épouse Rekha, vient nous saluer avant de raccompagner les deux Irlandais à leur voiture. Mais avant de prendre la route, l’un des deux journalistes prend la pose pour une photo aux côtés de Sandip Mooneea et de son épouse Rekha en affichant un large sourire. Et clic. Mission accomplie, les journalistes irlandais s’en vont et nous faisons notre entrée dans le salon des Mooneea.
Sandip Mooneea, qui voit défiler les gens de la presse à son domicile depuis sa libération, se prête facilement au jeu de l’interview mais impose toutefois ses conditions. «Je ne veux pas me faire piéger, je ne veux pas que certaines personnes interprètent mal mes propos car je peux me retrouver derrière les barreaux», dit-il, sur un ton moqueur. L’homme qui a de l’humour à revendre est enfin dans son élément. «Jeudi, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. J’ai parlé, parlé. Il y avait tellement de choses à dire à ma femme, à ma famille. Et ce n’est pas fini, car 18 mois d’incarcération ne peuvent se raconter en une soirée. Mais je savais au fond de moi que je retrouverais la liberté. Je suis innocent et je le serai toujours», clame-t-il, haut et fort.
La tête haute, respirant à pleins poumons l’air de la liberté, Sandip Mooneea raconte ses premiers instants d’homme libre. «Avant même de franchir le seuil de ma maison, j’ai été accueilli par mes voisins qui avaient installé des pétards partout. Je les ai remerciés. L’un des voisins nous a même préparé du riz frit et a apporté une boisson gazeuse. J’ai dîné en toute simplicité, avec ma femme et ma mère», soutient celui qui a été incarcéré après seulement 37 jours de vie commune. Eh, dit-il, ça a été un coup très dur pour lui d’être séparé de sa moitié un mois seulement après avoir convolé en justes noces. «J’étais heureux, amoureux de mon épouse. Je profitais de ma nouvelle vie avec elle et puis d’un seul coup, tout s’est arrêté. Le temps perdu ne pourra jamais être rattrapé. Mais nous allons tout faire pour que les jours à venir soient remplis de bonheur», confie Sandip Mooneea qui ne quitte pas des yeux sa femme.
Prendre du temps pour vivre, c’est tout ce qui l’intéresse pour l’instant. Il n’a pas de grands projets d’avenir. «Après 18 mois d’enfermement, j’ai juste une seule envie : profiter de la liberté, jouir pleinement de la vie, me réadapter. Ce week-end, je serai chez moi à recevoir du monde. Sans plus. Vendredi, je suis allé faire quelques achats pour la maison, à Petit-Raffray. J’ai eu beaucoup de témoignages de sympathie de la part des gens, même de ceux que je voyais pour la première fois. Cela prouve que les Mauriciens étaient avec nous.»
Son épouse Rekha regrette tout autant ces 18 mois où elle a été séparée de son mari. «Nous nous sommes mariés tardivement. J’ai actuellement 38 ans et Sandip 42 ans. Après le mariage, on avait comme projet d’avoir un enfant. S’il n’était pas en prison, il est fort probable qu’à l’heure actuelle, je serais déjà devenue mère. Mais il n’est jamais trop tard», murmure-t-elle. Et Sandip d’ajouter, comme pour détendre l’atmosphère : «Je n’ai même pas pu regarder le DVD de mon mariage. Mais pour ce faire, je dois avant tout acheter un DVD.»
Sandip Mooneea et Avinash Treebhowon tiennent à remercier leurs avocats respectifs, ainsi que l’administration de la prison de Grande-Rivière et ses officiers et tous ceux qui les ont soutenus. «Justice has been done», clament les deux hommes sur qui souffle le vent de la liberté.
Le Directeur des poursuites publiques : «Des leçons à tirer»
L’acquittement aux assises des deux présumés meurtriers de l’Irlandaise Michaela Harte lui laisse un goût amer car il ne pourra pas faire appel du verdict, mais il ne compte pas en rester là. Le Directeur des poursuites publiques, Satyagit Boolell, qui est également Senior Counsel, se dit d’abord «déçu» par le verdict mais «respecte» la décision des membres du jury. Il souligne qu’il a «une pensée spéciale» pour les familles Harte et McAreavey : «C’est un autre moment très difficile pour elles». Me Satyagit Boolell précise que la poursuite «a fait son travail» mais qu’il y a des «leçons à tirer».
Ram Moothoosamy, président de Victims Support Mauritius : «C’est triste pour les familles Harte et McAreavey»
«C’est triste pour les familles Harte et McAreavey. Elles ne s’attendaient pas à ce verdict mais à ce que la justice triomphe. Le plus triste, c’est qu’on n’a pas eu le(s) coupable(s). Mon ONG, qui est la seule à se soucier des victimes à Maurice et à Rodrigues, va garder contact avec les proches de Michaela. On va continuer à les soutenir. On était d’ailleurs les seuls à le faire lorsqu’ils étaient en cour. Le Victims Support d’Irlande va aussi les suivre.»
Les deux hommes de retour au LUX* ?
Les deux suspects dans l’affaire Michaela Harte reprendront-ils leur travail au LUX* Grand-Gaube ? Acquittés par la justice mauricienne, les deux hommes espèrent désormais retrouver une vie normale et envisageraient même de travailler à nouveau à l’ex-Legends où toute cette affaire a éclaté le 10 janvier 2011. Sollicitée, la direction de l’hôtel n’a pas souhaité faire de commentaires. Elle a toutefois déclaré par le biais d’un communiqué de presse avoir «pris note du verdict de la cour le 12 juillet 2012 et réitère sa confiance en la justice mauricienne. Nos pensées vont à l’époux de Michaela Harte, aux familles Harte et McAreavey et à tous ceux touchés par cette tragédie».
Textes : Laura Samoisy et Jean Marie Gangaram