• Un adolescent de 15 ans arrêté pour le meurtre de la mère de sa petite amie : horreur, choc et révolte à Vallée-Pitot
  • Les grands enjeux d’une campagne éclair selon des observateurs
  • Des Mauriciens appellent à la «conscience» et à la «vigilance»
  • Législatives 2024 - Pravind Jugnauth : «Continuons notre chemin ensemble…»
  • L’alliance MSM et ses alliés confirmée, Xavier-Luc Duval se fait une place au soleil
  • Élections générales du 10 novembre : tous sur le pied de guerre !
  • Chagos : 50 ans de lutte
  • Maurice récupère la souveraineté des Chagos : entre réjouissance et résistance
  • 23e journée : Full Blast grâce à la vista de Meyer
  • THE PEOPLE’S SUPER MILE TROPHY : Hasta Manana pour le triplé classique

Trouver un emploi après la prison : Un véritable parcours du combattant

Marlène Toi, 58 ans, tricote des vêtements pour enfants, entre autres, pour manger à sa faim.

Une fois hors des murs de la prison, les ex-détenus doivent trouver un emploi pour vivre et se réinsérer dans la société. Mais cela est difficile car, au lieu d’un certificat de moralité, ils ne peuvent produire qu’un certificat de caractère faisant état de leur bilan criminel. Ce qui leur ferme la porte de bien des entreprises. Comment font ceux qui se retrouvent dans cette situation ? De quoi vivent-ils ? Que revendiquent-ils ? Nous les avons rencontrés.

C’est un petit jardin qui s’est transformé en un véritable lieu de rencontres pour les anciens détenus. C’est ici, à l’arrière du poste de police de Beau-Bassin, que ces ex-prisonniers se rencontrent durant la journée, histoire de se retrouver entre eux. Entre «exclus»de la société. Et les conversations n’entraînent pas des éclats de rire,hélas, mais des flots de larmes, de souffrances et de revendications dans l’esprit de la dignité humaine.

 

Car s’ils peuvent tant bien que mal supporter le regard des autres et faire face à ce qui se dit sur eux après leur sortie de prison, ils ont beaucoup de mal à vivre le fait qu’il leur est quasiment impossible de trouver un emploi. C’est ce qu’il y a de plus difficile à endurer pour un ex-détenu, disent-ils. «Nous avons déjà payé notre crime en prison. Mais ce passé criminel nous poursuit toute la vie. Nous sommes des citoyens de seconde classe, des exclus. Ne méritons-nous pas une deuxième chance ? Ne devons-nous pas manger à notre faim ?»lâche Marlène Toi, 58 ans.

 

Hélas, cette impossibilité à se réinsérer financièrement et socialement entraîne souvent les ex-détenus à récidiver. Marlène en sait quelque chose. Elle qui a fait tellement de va-et-vient en prison. «J’ai été condamnée à plusieurs reprises pour des délits de vol. C’est une offense, je le sais. Et j’ai appris de mon erreur la première fois que j’ai fait de la prison. Je m’étais promis de ne plus recommencer. À ma sortie de prison, personne n’a voulu me recruter car je ne pouvais pas produire un certificat de moralité. Pour manger, j’ai recommencé à voler. Mais j’avais la volonté de m’en sortir. Après ma dernière sortie de prison en 2000, je n’ai plus eu de problème avec la justice. Malheureusement, je n’ai toujours pas de travail.»

 

Marlène a étudié jusqu’en Form IVet peut faire de nombreux jobs. Mais personne ne veut lui donner sa chance. Pour manger à sa faim, elle se débrouille comme elle peut en tricotant des vêtements pour enfants et des nappes, entre autres. Une activité à laquelle elle se livre dans le petit jardin de Beau-Bassin, assise sur un banc, qu’il pleuve ou qu’il fasse beau. «Mo bizin trase. Kapav gagn klian ninport kiler», confie-t-elle en poursuivant méthodiquement sa tâche.

 

«Kan ena manze nou manze»

 

Sabrina Mavissa se retrouve dans la même situation. Condamnée à 15 mois de prison pour un délit de drogue, elle a retrouvé la liberté en 2015. Depuis, dit-elle, elle cherche désespérément du travail afin de nourrir ses enfants, âgés de 17 et 14 ans.«On demande un certificat de moralité même pour nettoyer des toilettes publiques», lance-t-elle, amère. Pour s’en sortir, elle n’a d’autre choix que de se reposer sur l’aide de sa famille qui est déjà dans une situation très précaire. «Kan ena manze nou manze, kan pena nou pa manze. Ki pou fer. Nou sor ki kumsa.»

 

Laval Gaëtan Auguste, 52 ans, est désespéré. Il a retrouvé la liberté depuis 2006, après avoir purgé une longue peine de prison pour un délit de drogue. Et comme la plupart des ex-détenus, il n’a pas de travail à cause de ce petit bout de papier exigé par les employeurs. «On ne peut pas avoir un certificat de moralité. On nous donne un certificat de caractère qui retrace tous nos délits criminels. Est-ce que c’est parce qu’on a fait de la prison qu’on n’a pas le droit à un travail, de vivre décemment comme tout le monde ? Le gouvernement doit abolir ce système car il n’est pas en notre faveur», lance-t-il haut et fort.

 

Pourtant, à la prison, des formations sont proposées aux détenus afin de les former à des métiers tels que la menuiserie, la pâtisserie, la coiffure, le jardinage, entre autres. Tandis que l’école primaire située dans l’enceinte de la prison dispense des cours d’alphabétisation et d’autres cours académiques afin de faciliter la réinsertion des détenus dans la société. Mais les efforts fournis par l’administration pénitentiaire pour que les prisonniers puissent se réinsérer par la suite s’avèrent souvent vains car ceux-ci ne trouvent pas de travail au final.

 

«Ces cours dispensés à la prison, c’est juste pour la galerie. Le gouvernement veut faire croire qu’il s’intéresse au sort de ces détenus. Mais lorsqu’il s’agit de faciliter leur recrutement, il ne veut pas amender la loi et enlever une fois pour toutes cette mesure discriminatoire envers les prisonniers», s’insurge Bruno Moolee, le responsable du centre Elan, une ONG qui milite pour la réinsertion des ex-détenus dans la société. Dépité, il continue tout de même le combat qu’il mène depuis qu’il a pris les commandes de cette ONG. «Nos revendications restent vaines. Le gouvernement ne nous écoute pas. Les ex-prisonniers sont des humains et il faut leur rendre leur dignité. Cela passe aussi par un emploi. Mais si on ne leur donne pas un emploi, de quoi vivront-ils ? Sont-ils condamnés à voler toute leur vie ?»s’interroge Bruno Moolee.

 

Pour cause, dit-il, si la perception tend à démontrer que les ex-détenus commettent des délits à leur sortie uniquement pour retourner derrière les murs de la prison, la réalité serait autre, selon lui. «Qui n’aime pas sa liberté ? Un ex-détenu ne commet pas un délit juste pour se faire entretenir à la prison par les fonds publics. Mais bien souvent parce que la faim le pousse à le faire. Je ne justifie pas l’acte. Mais j’essaie de comprendre et j’ai beaucoup d’exemples comme cela.» Celui qui accompagne ces ex-détenus qui cherchent désespérément du travail continue sa lutte dans l’espoir qu’un jour ses revendications seront prises en considération. Entre-temps, le parcours du combattant des anciens prisonniers se poursuit.