Alain Jeannot «Cette technologie est certes un outil de dissuasion, mais elle n’est pas une réponse magique à un comportement criminel»
Raj Dayal «Je suis d’avis que c’est un bon moyen de faire reculer le taux de criminalité et autres infractions»
Des vidéos ont été, cette semaine, au centre des discussions dans l’affaire Michaela Harte. Alain Jeannot, engagé dans plusieurs actions citoyennes, et Raj Dayal, ex-commissaire de police, donnent leur avis sur l’utilisation des caméras de surveillance comme moyen de prévention contre le crime.
Pensez-vous que l’usage des caméras de surveillance pourrait dissuader les actes de vandalisme, les vols et autres crimes ?
Alain Jeannot : Si les peines encourues pour des offenses causées sont elles aussi dissuasives ! Notre population carcérale, estimée à 3 000, est, elle, en proportion au nombre d’agressions, de vols ou autres actes de vandalisme. De quoi le mécréant devrait-il avoir peur ? Ce sont des questions fondamentales qui sont étroitement liées au bien-fondé des caméras de surveillance. De plus, nombreuses sont les offenses perpétrées dans le privé, au sein même des familles, loin des yeux des caméras. Combien sont-ils à voler leurs parents pour se procurer de la drogue, et cela loin des caméras ? Combien sont-ils à agresser leur femme ou compagne, loin des caméras ? Cette technologie est, certes, un outil de dissuasion, mais elle n’est pas une réponse magique à un comportement criminel.
Raj Dayal : Il y a beaucoup de choses qui agacent autour de l’usage des caméras de surveillance. Certains pensent que c’est une entorse à la liberté de comportement et de mouvement. D’autres estiment que la caméra viole leur intimité et empiète sur la vie privée de tout un chacun. Mais cette pratique date de plusieurs années et la caméra de surveillance est particulièrement utilisée pour pallier le manque d’effectifs dans la force policière. Les policiers ne peuvent pas être partout. La caméra de surveillance est, par exemple, très utile dans des endroits où il y a des foules et qui sont réputés pour être à risques. Je suis d’avis que c’est un bon moyen de faire reculer le taux de criminalité et d’autres infractions.
Que pensez-vous de l’installation de ces caméras à travers l’île : à Grand-Baie, Flic-en-Flac ou encore à Quatre-Bornes ?
Alain Jeannot : C’est une bonne mesure qui suit un peu la tendance internationale. Les caméras de surveillance deviennent l’oeil des forces de l’ordre, qui ne peuvent être partout à la fois. Surtout dans ces endroits qui sont devenus plus à risques de par leur taux de fréquentation et les nombreux commerces qui s’y développent. Un cas de viol collectif n’a-t-il pas été résolu à Flic-en-Flac, il y a quelques années, grâce à une caméra de surveillance placée sur le toit d’une station-service ? Cette nouvelle technologie est rassurante pour le public, aussi bien que pour les opérateurs commerciaux, et va donc dans le sens du développement économique et social. Cependant, l’efficacité de ces appareils dépend de plusieurs facteurs, dont la formation de ceux qui seront appelés à s’en servir.
Raj Dayal : En 1995, j’avais proposé un plan pour l’installation de caméras dans des lieux où généralement, il n’y a pas de policiers postés en permanence. À cette époque, il y avait donc un manque d’effectifs et il fallait trouver un moyen pour contrôler et avoir l’œil sur les régions où il y avait une prévalence de la criminalité, ou encore dans les lieux à risques où sévissaient des pickpockets. J’étais un visionnaire et je m’étais surtout inspiré des pays qui utilisaient déjà cette technologie. Mais je me souviens très bien que certains opinion leaders disaient alors que j’étais en train de faire de Maurice un police state.
Qu’en est-il de l’aspect de la vie privée des citoyens ?
Alain Jeannot : La vie privée est certes importante, mais la sécurité l’est tout autant. Dans un pays où il y a autant de téléphones portables munis de caméras que d’habitants, je ne me pose plus ce genre de question.
Raj Dayal : Je l’ai tout le temps dit : cette technologie doit être utilisée à des fins de sécurité, par des personnes qualifiées et non par celles qui en feraient un mauvais usage.