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Propos «insultants» de Ravi Rutnah : Regards de citoyennes engagées

Les dérapages de Ravi Rutnah et de Showkutally Soodhun posent la question du respect des femmes dans la sphère publique.

Un retour du respect envers l’humain. C’est ce que demandent ces femmes suite aux récents événements…

Dérapage en live. Les propos de Ravi Rutnah, lors d’un rassemblement politique du ML à Trèfles le mardi 19 septembre, ont provoqué la polémique, cette semaine. Les vidéos de ses petites paroles pas tendres ont enflammé les réseaux sociaux. Le député de la majorité et Deputy Chief Whip du gouvernement avait lancé : «Enn fam zournalis ki ekrir ? Ravi Rutnah enn ‘‘aboyeur’’. Sa femel la, linn deza get so figir ? (…) Sa femel, eski li vo pou enn femel lisien liem ?» Il n’a pas apprécié, dit-il, que la journaliste le traite d’aboyeur (dont le sens usité lui a, visiblement, échappé). Sur le plateau de Radio Plus, le député a présenté ses excuses aux femmes mais pas à la journaliste qu’il a insultée. Il a fallu l’intervention du Premier ministre Pravind Jugnauth (qui a condamné les propos du député) sur les ondes de la radio privée pour qu’il concède : «Je retire complètement mes propos avec humilité.» Laeticia Mélidor, journaliste à l’express, a, elle, affirmé qu’elle n’avait jamais utilisé le terme «aboyeur»

 

Dans la mémoire des Mauriciens également : l’altercation entre Showkutally Soodhun et Nirmala Maruthamuthu lors d’un atelier de travail. Là où le vice Premier ministre a osé un «ferm ou la bouss» (attitude que Pravind Jugnauth a, par contre, tenté d’excuser) à cette femme qui avait décidé de lui dire qu’il était «out of subject» lorsqu’il a décidé de s’appesantir sur Navin Ramgoolam. Justement la mésaventure du leader du PTr avec un micro, un gros mot et Nita Deerpalsing s’est insinuée dans la polémique, alimentant la colère populaire. Suite aux propos de Ravi Rutnah, une vague de colère féminine (mais pas que) et citoyenne a inondé le pays. Les femmes des partis de l’opposition sont montées au créneau et ont demandé la démission du député (demande relayée par de nombreux citoyens). Certaines associations féminines ont poussé un cri outré. La ministre de l’Égalité des Genres,  Fazila Jeewa-Daureeawoo, a aussi été critiquée : elle était présente à Trèfles mais n’a pas bronché (le lendemain, elle demandera à Ravi Rutnah de s’excuser tout comme le leader du ML, Ivan Collendavelloo). Un mouvement lancé par des femmes journalistes a demandé des excuses publiques brandissant le hashtag #nilisiennifemel. Elles sont soutenues par d’autres journalistes et citoyens.

 

Des citoyennes engagées ont fait part de leur indignation face à ces propos qu’elles jugent insultants. Nous vous proposons les réactions de six d’entre elles pour nourrir la réflexion autour du respect. Adi Teelock estime que les femmes ne doivent plus se laisser faire. Trinida Chetty et Shameema Patel sont du même avis. Magali Deliot fait un appel à la solidarité. Aïchah Soogree est persuadée d’une chose : il est temps de retrouver le sens de l’humanité. Pour Jasmine Toulouse, la formation des politiciens est un must.  Elle a fait passer un message en vidéo et en chanson, avec ses copines chanteuses (Linzy Bacbotte-Raya, Anne-Sophie Paul, Darriana Amerally et Mary Jane Gaspard) pour le respect cette semaine : «Il y a de nombreuses femmes qui se révoltent. Et même si c’est sur les réseaux sociaux, c’est dans le silence parce qu’on ne les entend pas. Nous avions la possibilité de faire entendre leurs voix. Et c’est ce que nous avons fait...»

 

Shameema Patel : «Une bassesse extrême»

 

 

«Les propos de Ravi Rutnah m’ont dégoutée. Quelle bassesse extrême ! Aucune femme – aucun être humain – ne mérite un tel traitement. J’ai également vu la vidéo où Showkutally Soodhun a expulsé une femme d’un atelier de travail parce qu’elle avait eu le courage de lui dire une vérité. J’estime aussi que ce n’était pas l’endroit pour parler de politique. Je suis apolitique, je tiens à le préciser. Qu’importe le pouvoir en place, j’estime qu’il est temps que les Mauriciens et les Mauriciennes, malgré notre passivité, fassent entendre leur voix. Je crois que la clé, c’est de parler et de communiquer. Pour mon association, j’ai beaucoup communiqué et ça a changé la vie de beaucoup de personnes. Ayant été une femme maltraitée par un homme, c’est aussi ma mission de dire aux femmes de sortir de leur coquille, de se faire entendre…»

 

Trinida Chetty : «Exigeons le respect»

 

 

«J’ai été contente de voir cet élan de solidarité pour exiger des excuses publiques à Ravi Rutnah. Je crois que, comme moi, beaucoup de Mauriciens ont été estomaqué d’entendre le langage utilisé par cette homme élu par le peuple. Un homme qui a de telles responsabilités se doit d’être vigilant quand il parle. Qu’importe ce qu’il reproche à une journaliste ! Et à ces femmes qui étaient présentes à ce moment-là et qui n’ont rien dit ou fait, je dis : vous avez tort ! 

 

Nirmala Maruthamuthu, elle, a tenu tête à Soodhun. Je crois que je l’aurais fait aussi. D’ailleurs, c’est quelque chose que je commence à faire. Aujourd’hui, nous sommes suffisamment connectés pour savoir ce qui se passe dans le pays. Et pour avoir notre propre opinion. Il est temps de se mobiliser, de ne plus se laisser marcher sur les pieds. Et d’exiger le respect si cela s’avère nécessaire.»

 

Magali Deliot : «Plus de solidarité»

 

 

«Les propos de Ravi Rutnah m’ont choquée. Comme toutes les autres femmes que je connais (ou pas). On ne traite pas les femmes comme ça. Surtout quand on est un homme politique et qu’on doit donner l’exemple. Idem pour Soodhun dans cet atelier de travail. Elle a eu raison cette dame : on n’a pas tous envie d’écouter de la politique ! Il était hors-sujet. Et le peuple a le droit de remettre les politiciens à leur place quand ils digressent. 

 

J’ai une association (Planète Enfant), je suis sur le terrain et je sais que dans le contexte de certaines familles mauriciennes, on n’accepte pas que les femmes tiennent tête et qu’elles sont victimes de violence. Qu’elles subissent un système. Mais il est temps de dénoncer et de ne plus accepter. Pour ça, il faut plus de solidarité, que les femmes sortent, parlent. Au lieu de rigoler, quand Ravi Rutnah a insulté la journaliste, il fallait sortir, s’indigner !»

 

Jasmine Toulouse : «Montrer l’exemple»

 

 

«On dit que l’exemple vient d’en haut. C’est grave que ces signes de manque de respect viennent des dirigeants du pays. Se sa bann dimounn-la ki pe koz koze pa serye. Ena enn problem ! Ces gens auraient dû montrer l’exemple aux enfants, aux jeunes et aux hommes. J’estime qu’il est temps que les politiciens suivent une formation. Pour avoir un emploi, c’est ce qu’on demande, non ?Pourquoi ce ne serait pas le cas de nos dirigeants ? Il faudrait qu’ils apprennent ce qu’ils peuvent dire ou pas, entre autres choses. Mais dans tout ça, il ne faudrait pas oublier qu’il y a plus de respect envers les femmes dans les échanges quotidiens. Il y a encore du travail à faire ; mais we’ve come a long way

 

Aïchah Soogree : «Révoquer les députés»

 

 

«Les propos de Ravi Rutnah ? Pour moi, c’est normal. Car qu’est ce qu’on voit aujourd’hui ? Des féminicides et de plus en plus d’attaques sur les personnes (pas juste les femmes). Le respect de la personne, d’un être vivant, n’est plus. Cette violence touche les femmes, les transgenres ainsi que les prostituées…Et ce serait réducteur de ne pointer du doigt que ce gouvernement. Il y a les partis d’avant qui ont nourri la croyance qu’une personne doit avoir un titre, un statut, une maison, de l’argent… Mais on ne doit pas réduire un humain à ça.

 

Ravi Rutnah s’est senti libre d’utiliser ces mots. C’est qu’il avait la possibilité de le faire sur cette plateforme. Paul Bérenger, après la cassure, qui s’adresse avec violence à ses partisans qui ont donné leur vie au parti ; c’est la même chose. Cette même violence on la retrouve avec la destruction des maisons dans le cadre du Metro Express…Ce n’est pas le problème des femmes, uniquement. C’est le problème des gens ! Il faut, d’ailleurs, leur redonner leur importance. Il faut leur redonner leur pouvoir. Si la population pouvait révoquer des députés, vous pensez qu’ils agiraient ainsi ? Qu’ils ne tiendraient pas leurs promesses ?»

 

Adi Teelock : «Ravi Rutnah s’est dénigré lui-même»

 

 

«J’ai trouvé ces propos choquants. C’était une réponse hors de proportion à ce qui aurait été écrit sur le politicien (je le mets au conditionnel). C’est un langage qui ne peut être tenu qu’importe la situation. Et plus encore, si on est député et Deputy Chief Whip du gouvernement ; il faut savoir se maîtriser. On ne peut pas traiter une femme de cette façon. Et on ne peut insulter personne - que ce soit un homme ou une femme. Ça ne règle aucun problème. En tentant de dénigrer cette femme, Ravi Rutnah s’est dénigré lui-même.  

 

Face à cette violence verbale, des journalistes ont pris l’initiative de dénoncer. C’est une démarche qui mériterait d’aller plus loin, d’être indépendante des partis politiques et d’englober tous les membres de la société. Et elle ne doit pas concerner uniquement l’utilisation d’un langage abusif. Nous entrons en période électorale avec la partielle au n°18,  et c’est le moment où les politiciens s’enflamment. Ça a été le cas dans le passé et des politiciens – et pas des moindres ! – ont eu des mots inacceptables. Les femmes sont sans cesse confrontées à des brimades de toutes sortes. Il ne faut pas se laisser faire. Il ne faut pas rester tranquille.  Sinon c’est l’escalade. Il faut oser dire les choses. Avec cette levée de boucliers, je pense, enfin, j’espère que les hommes vont faire plus attention à ce qu’ils disent en public. En privé, il sera difficile de s’en assurer. Mais j’ose croire qu’ils réalisent qu’il y a des choses qui ne peuvent être dites ou faites.»