L’impact des deux balles, encore visibles sur la Toyota Corolla, aurait pu lui être fatal.
Le responsable de la prison de Beau-Bassin affirme qu’il reprendra bientôt le travail sans aucune frayeur.
Victime d’une tentative de meurtre à la rue Colonel Maingard, ce haut gradé du service pénitentiaire reconnaît avoir vu la mort de près. Pourtant, il affirme n’éprouver aujourd’hui aucune frayeur, et envisage l’avenir avec sérénité.
Vishnu Hanumunthadhu a échappé au pire. En rentrant chez lui cet après-midi-là, l’Assistant Commissioner of Prisons (ACP) ne se doutait pas qu’il allait vivre l’une des pires expériences de sa vie. Qu’il se retrouverait avec une arme pointée sur lui, qu’il allait voir la mort en face. Aujourd’hui, le choc passé, l’homme ne se laisse pas abattre et affronte la situation avec courage et combativité. «Ce tireur ne me fait pas peur», dit-il.
Retour sur ce mardi 13 mars fatidique où il a failli perdre la vie. À la prison centrale, à Beau-Bassin, c’est un jour comme les autres qui s’écoule. Le responsable du pénitencier, 51 ans, enchaîne les rendez-vous avant de décider, vers 16h15, de rentrer chez lui à Terre-Rouge. Au volant de sa Toyota Corolla grise, le haut gradé de la prison emprunte la rue Colonel Maingard, à Beau-Bassin, comme à son habitude.
Toutefois, il se rend vite compte, à quelques mètres des feux de signalisation, que quelque chose ne tourne pas rond. «J’ai entendu un bruit mais je ne me suis pas inquiété. Je me suis dit que c’était sûrement une pétarade», confie-t-il. Mais la situation tourne alors au cauchemar. Vishnu Hanumunthadhu, qui roule au ralenti, finit par remarquer le motocycliste qui s’arrête à sa hauteur, pointe une arme dans sa direction et tire avant de s’enfuir.
Autour de lui, le monde s’arrête subitement de tourner. Figé par le choc, ce père de famille reste sans réaction pendant quelques secondes : «J’étais en état de choc, je ne comprenais pas ce qui se passait. J’ai arrêté de réfléchir, j’ai stoppé la voiture et j’ai alors compris que j’avais failli mourir.» Il reprend avec peine ses esprits, sort de sa voiture et constate avec stupeur que deux balles se sont logées dans sa portière suite aux coups de feu. Vishnu Hanumunthadhu est confronté à la dure réalité : on a tenté de le tuer. Mais il essaie tant bien que mal de garder son calme et ne pense qu’à une chose : «C’est Dieu qui m’a épargné.»
Alors que les passants s’amassent autour de lui, il appelle le commissaire des prisons, Jean Bruneau, qui le rejoint aussitôt, et son épouse Brinda. Mise au courant de la situation, cette dernière est bouleversée alors que sa fille, très proche de son père, fond en larmes. «C’est effrayant. Quand son époux quitte la maison pour se rendre au travail, on ne s’attend pas à apprendre ce genre de nouvelle par la suite. Nous avons été soulagées quand nous l’avons vu sain et sauf», confie Brinda.
Depuis cet attentat manqué, le responsable de la prison centrale, qui a pris quelques jours de congé pour remettre ses idées au clair, n’a qu’une hâte : qu’on mette la main au plus vite sur le tireur : «Ce sera un grand soulagement si la police l’arrête aussi vite que possible. J’ai confiance en la justice.» Pour Vishnu Hanumunthadhu, «cet acte lâche et barbare» a été sans doute commandité de l’intérieur de la prison, thèse également privilégiée par les limiers de la police. La CID de Beau-Bassin travaille actuellement sur le profil des caïds qui pourraient être derrière cet attentat raté. L’enquête policière (voir hors-texte) suit son cours.
Fervent adepte de la discipline, Vishnu Hanumunthadhu est connu pour sa sévérité et sa rigueur à la maison comme au travail où il n’hésite pas à taper du poing sur la table quand il le faut. Et il n’est pas prêt à changer d’attitude, dit-il, malgré ce qu’il vient de vivre : «Je vais reprendre le travail avec la même rigueur, sans aucune frayeur car ce tireur ne m’intimide pas. Je ne vais pas reculer face à l’adversaire. Ce n’est pas un lâche qui me fera oublier mes responsabilités et mes valeurs.»
Il faut dire que son travail est aussi sa plus grande fierté : «Nous faisons un travail difficile, délicat et dangereux, pour la sécurité publique. Mon but est de faire régner l’ordre, la discipline, la sécurité mais aussi de veiller à ce que les droits humains des détenus soient respectés. Je n’ai pas peur d’appliquer les mesures et les sanctions nécessaires quand quelqu’un a fauté.» Est-il aujourd’hui victime de sa sévérité légendaire ? Peut-être, dit-il.
Nombreuses menaces
Avec 23 ans de carrière au sein du service pénitentiaire, celui qui se décrit comme un responsable tolérant mais dur, juste mais ferme, selon les circonstances, ne laisse pas la peur prendre le dessus sur lui malgré les nombreuses menaces proférées à son encontre par des détenus dans le passé. Car pour travailler dans cet environnement dur, il faut être «physiquement et mentalement fort» : «Je n’ai jamais connu la peur dans ma carrière professionnelle tout comme je n’ai jamais joué un rôle passif auprès des criminels.»
Pour Vishnu Hanumunthadhu, l’officier de prison est un gardien de la paix qui a non seulement le rôle de protéger la société civile mais qui doit aussi agir auprès des détenus comme un agent de la réhabilitation et de la réinsertion. «Nous les aidons à accepter leur sentence et ensuite à viser à un meilleur avenir. Pour cela, nous avons mis sur pied tout un programme de réhabilitation», explique-t-il.
Son métier, c’est une passion qu’il cultive depuis 1984. C’est cette année-là qu’il intègre le service pénitentiaire comme Prison Officer. Bien vite, il se démarque par sa devotion et sa détermination. Après avoir décroché un diplôme en Social Work, il est nommé Prison Welfare Officer, puis Assistant Superintendent of Prisons. Quelques années plus tard, il gravit encore les échelons. Il est promu au poste de Superintendent of Prisons puis opère en tant que Senior Superintendent of Prisons avant de devenir ACP et responsable de la prison centrale. Parallèlement, il décroche un BSc en Public Administration and Management et un MSc en Public Sector Management.
Aujourd’hui, le haut gradé, fort du soutien de sa famille et de ses collègues, regarde l’avenir avec sérénité, sans aucune frayeur. Ses proches, notamment son épouse Brinda, lui apportent tout le soutien nécessaire. «Il est très dévoué et a mené jusqu’aujourd’hui une belle carrière. Malgré ce qui s’est passé, je vais continuer à l’encourager et le soutenir dans sa carrière», souligne-t-elle. Vishnu Hanumunthadhu est, lui, déterminé à reprendre le travail le plus vite possible avec le même enthousiasme et la même rigueur.
Cependant, conscient du manque de sécurité auquel sont confrontés les gardes-chiourmes et suite aux nombreuses agressions dont ont été victimes les officiers de la prison, l’ACP Vishnu Hanumunthadhu souhaite que les mesures appropriées soient prises en vue d’un renforcement de la sécurité. Un vœu partagé par tous les officiers de la prison…
Jean Bruneau, commissaire des prisons : «On a revu les dispositifs de sécurité des officiers»
La direction des services pénitentiaires ne reste pas insensible à l’agression de l’assistant commissaire des prisons (ACP), Vishnu Hanumunthadhu. Le management s’est ainsi rencontré pour discuter principalement de la sécurité des officiers, nous apprend le commissaire des prisons Jean Bruneau : «On a revu les dispositifs de sécurité des officiers. Je ne peux pas vous donner des détails à ce sujet pour des raisons bien évidentes. Je peux, cependant, vous affirmer qu’il y a eu un grand élan de solidarité envers l’ACP Hanumunthadhu. Cette agression nous a permis de resserrer les liens. Les officiers sont plus que jamais déterminés à faire leur travail comme il se doit et ne se laissent pas intimider par cette tentative de meurtre.» Il précise que la direction de la prison collabore pleinement avec les enquêteurs et laisse l’enquête suivre son cours.
Quand des officiers sont pris pour cible
Ce n’est pas la première fois que des officiers de la prison se font agresser. Dans le passé, plusieurs d’entre eux ont été pris pour cible, dont le surintendant de police (SP) Bhunjun en 2007, l’assistant surintendant de police (ASP) Omrahoo, en 2009 et le SP Arokiasami, la même année. La vengeance est à l’origine de ces trois affaires.
Le SP Bhunjun dirigeait le Prison Security Squad lorsqu’il a été agressé à l’acide par deux motards. À chaque fois qu’il y avait un problème à la prison centrale, son unité intervenait à coups de matraques. Une méthode qui n’a pas plu à tout le monde. Le surintendant est resté dans le coma pendant 45 jours et a ensuite passé trois mois sur un lit d’hôpital avant de reprendre le travail dans un autre centre de détention.
Deux ans plus tard, en avril 2009, le SP Arokiasami sera, lui, tabassé par deux hommes. Il a été agressé à proximité de l’hôpital psychiatrique, après la saisie d’un téléphone portable à la prison centrale. Admis à l’hôpital, il a dû subir une intervention chirurgicale. En décembre de la même année, l’ASP Omrahoo a aussi vécu un cauchemar. Il pilotait sa moto lorsque deux personnes se sont attaquées à lui à coups de sabre. Il a été grièvement touché au poignet et a dû subir une délicate opération qui lui a permis de préserver son membre. Un de ses agresseurs a été condamné à cinq ans de prison dans cette affaire.
Les enquêteurs sur le qui-vive
Rien n’est laissé au hasard. Les limiers chargés de l’enquête sur la tentative d’assassinat de l’ACP Hanumunthadhu étudient toutes les pistes possibles afin d’arrêter son agresseur. Ce dernier rentrait chez lui, le mardi 13, mars lorsqu’un inconnu, à moto a fait feu à deux reprises sur sa voiture. La police pense que l’officier a peut-être été pris pour cible par un homme de main de certains trafiquants de drogue qui sont actuellement en détention. Les enquêteurs travaillent sur le profil de ceux qui ont eu des problèmes avec l’ACP dans le passé.
Deux suspects ont également été interpellés avant d’être autorisés à rentrer chez eux. Les enquêteurs ont cependant saisi leurs vêtements respectifs à des fins d’analyse pour savoir si ceux-ci portent des traces de résidus émanant des douilles du calibre 38 ayant servi à tirer sur la voiture de Vishnu Hanumunthadhu. Les limiers sont également d’avis que le tireur connaissait parfaitement les faits et gestes de l’officier. C’est aussi pour cette raison qu’ils pensent qu’il s’agit d’un ex-détenu ou de quelqu’un qui aurait un complice à l’intérieur de la prison. Les images de certaines caméras de surveillance sont visionnées pour en savoir plus. Les policiers sont déterminés à mettre le tireur et son ou ses éventuels complices derrière les barreaux.
Siddick Lallmohamed, président de la Prison’s Officers Association :«Nous condamnons sévèrement cet acte lâche et ignoble !»
Le président de la Prison’s Officers Association (POA) est catégorique : «Nous condamnons sévèrement cet acte lâche et ignoble contre l’ACP Hanumunthadhu, qui fait son travail correctement avec rigueur et discipline.» Les officiers des prisons expriment leur solidarité et leur soutien à ce dernier et assurent qu’ils ne vont pas céder à la panique. «Nous ne nous laisserons nullement intimider et nous continuerons à exercer notre métier avec autant de courage et de détermination. Nous voulons que les détenus et les anciens détenus comprennent que les lois et les règlements ont été faits pour être respectés et appliqués pour leur propre sécurité, comme pour celle d’autrui», souligne Siddick Lallmohamed. Il précise que les officiers des prisons oeuvrent «pour le maintien de la sécurité publique» : «Dans le passé, certains des nôtres ont été victimes d’agressions ou de tentatives d’agression, alors que cette fois c’est une tentative d’assassinat avec une arme à feu. Nous avons confiance dans la police et nous souhaitons que les assaillants soient arrêtés au plus vite. Nous réclamons aussi que les autorités prennent les mesures de sécurité qui s’imposent sans plus tarder.»