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Les raisons des drames

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Selon Ronald Moutou, la montée des eaux contribue à la noyade. Vijay Ramharai mise sur une meilleure éducation pour prévenir les cas de noyade.

Le grand bleu a fait neuf victimes depuis le début de l’année. Si des sauveteurs bénévoles s’accordent à dire que la montée des eaux augmente les risques de noyade, la National Coast Guard estime de son côté que les baigneurs ne prennent pas suffisamment de précautions avant une baignade. Quant aux familles des victimes, elles n’arrivent toujours pas à comprendre et à accepter ces drames qui bouleversent leur existence pour toujours.

Alerte à la plage ! La mer se révèle particulièrement meurtrière en ce début d’année. Rien que pour le mois de janvier, neuf cas de noyade ont été enregistrés – et 14 depuis décembre. Cette semaine encore, trois personnes ont péri en mer. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi y a-t-il autant de noyades ces temps-ci ? Est-ce la faute à la mer (mauvaise ?), aux victimes (négligentes ?) ou aux autorités (pas assez présentes ?) ? Des questions que beaucoup se posent dont les proches de victimes qui, tout à leur désespoir, essaient de comprendre comment l’irréparable s’est produit.

C’est le cas des Chaundee notamment. Cette famille de route Palma, à Quatre-Bornes, a vécu une terrible tragédie, le dimanche 29 janvier. Nagamootoo Palen Chaundee, 52 ans, s’est noyé alors qu’il nageait à Flic-en-Flac. Pourtant, selon son fils Steven, il était un excellent nageur, qui adorait les parties de pêche entre amis et faisait régulièrement de la plongée sous-marine. Mais comment expliquer qu’il se soit noyé ?

Peut-être est-ce parce qu’il est allé nager après avoir mangé ? Selon Steven, son père avait consommé un plat de riz frit avant d’aller dans l’eau tout seul. «Il était sorti avec sa concubine et quelques proches, histoire de passer la journée à la plage de Flic-en-Flac. Dans l’après-midi, soit 15 minutes après avoir consommé un plat de riz frit, il est allé nager. Il avait pour habitude de s’aventurer hors du lagon car il était un excellent nageur. Personne ne comprend comment il s’est retrouvé en difficulté», explique le jeune homme qui a du mal à contenir son émotion.

Celui-ci, marié et père d’un enfant, raconte que ce sont des volontaires qui ont porté secours à son père. «C’est un jeune homme qui l’a sorti de l’eau. À ce moment-là, il respirait toujours mais il écumait beaucoup et avait visiblement du mal à respirer», avance Steven, complètement bouleversé par cette horrible tragédie.

Selon un communiqué de la National Coast Guard (NCG), la victime nageait à environ 15 mètres hors du lagon dans une eau profonde d’un mètre cinquante. Une équipe de la NCG, qui patrouillait dans l’eau au moment du drame lui a prodigué les premiers secours. Mais aucun signe de vie n’avait été noté chez la victime dont le décès a été constaté à l’arrivée du SAMU à 15h10. L’autopsie a révélé que Nagamootoo Palen Chaundee est mort d’une asphyxie due à la noyade.

L’homme a péri dans cette même mer qu’il chérissait tant. «Mon père travaillait à gauche et à droite. Il faisait parfois des petits boulots de maçonnerie, de jardinage, de gardiennage, entre autres. Mais son passe-temps préféré était de se rendre à la plage. Et c’est le grand bleu qui l’a finalement emporté», pleure Steven Chaundee.

Deux autres victimes à déplorer

Quelques heures après le décès de Nagamootoo Palen Chaundee, un autre quinquagénaire a connu le même sort : Veeman Pariatambee, 51 ans. Cet habitant de Trou-d’Eau-Douce a été repêché dans le lagon, au débarcadère de sa localité. Ce sont des membres de la police de Trou-d’Eau-Douce qui ont vu son corps flottant dans l’eau, aux alentours de 19h30, faisant un pied de profondeur.

Dans une déclaration à la police, un ami de la victime, un pêcheur habitant la même localité, a affirmé que Veeman Pariatambee était allé en mer à la recherche de quelques appâts pour une partie de pêche. Mais Dieu seul sait comment il s’est noyé.

Deux jours plus tard, soit le 31 janvier, c’est un habitant de Camp-Diable qui a été repêché dans le lagon de Pointe-aux-Roches. Ce jour-là, Mohamad Reshad Mungur était allé à la plage avec quelques amis. Ce sont ces derniers qui lui ont porté secours quand il s’est retrouvé en difficulté en mer. Il a été transporté d’urgence à l’hôpital de Souillac où les médecins n’ont pu que constater son décès. L’autopsie a attribué la mort à l’asphyxie due à la noyade.

Devant le grand nombre de noyades enregistrées ces dernières semaines, les autorités concernées, la police, la NCG, sont en alerte et appellent à la vigilance du public. Le commissaire de police a même donné des directives à la NCG pour sensibiliser les gens aux précautions à prendre avant de se jeter à l’eau. Toutefois, dans un communiqué, cette unité déplore le fait que malgré les conseils et les campagnes de sensibilisation réalisées à travers le Community Policing Forum aux dangers de la mer, certaines personnes continuent de s’y aventurer sous l’influence de l’alcool ou après avoir consommé un repas copieux, au péril de leur vie.

Redoubler de vigilance

Selon la NCG, une noyade se produit silencieusement et surtout très rapidement. C’est pour cela, qu’il faut redoubler de vigilance. Selon l’inspecteur Bholah de la NCG, «il est impératif de nager en groupe, parallèlement à la plage, à des endroits où on a pied dans l’eau uniquement». Il conseille aussi aux gens de ne pas s’aventurer dans l’eau lorsque les conditions climatiques ne sont pas favorables. Par exemple, quand la mer est démontée ou dans les zones d’activités nautiques. «Il faut aussi respecter les consignes lorsqu’il y a des panneaux interdisant aux baigneurs de s’aventurer en mer.»

La NCG conseille aussi aux adultes de désigner une personne responsable qui se chargera de la surveillance des enfants quand ces derniers iront dans l’eau. «Ces adultes doivent se concentrer sur cela uniquement et ne doivent pas être impliqués dans d’autres activités. Par exemple, faire la lecture, jouer aux cartes ou aux dominos, consommer de l’alcool ou encore discuter au téléphone, entre autres», souligne le communiqué. L’inspecteur Bholah conseille également de porter une bouée ou encore d’apprendre tout simplement à nager afin d’éviter tout risque de noyade.

Les clubs de secouristes sont aussi sur le qui-vive et tiennent à sensibiliser le public aux dangers de la mer et aux précautions à prendre pour éviter les drames. Selon Ronald Moutou, entraîneur chef du Club des Sauveteurs (association active qui forme des sauveteurs bénévoles), outre la négligence de certaines personnes qui font fi des règles de sécurité, il y aurait une autre raison derrière le nombre de cas de noyade. Il affirme que la montée des eaux y est aussi pour quelque chose. «Depuis quelques années, les océanographes ont noté que le niveau de la mer a considérablement augmenté. Cela est dû au réchauffement climatique qui a un impact direct sur nos lagons. De ce fait, aujourd’hui, les nageurs n’ont plus pied à des endroits où ils l’avaient avant», explique Ronald Moutou.

Il tient vraiment à attirer l’attention sur ce problème méconnu du plus grand nombre : «C’est un fait et cela ne se produit pas uniquement à Maurice mais partout ailleurs. Je conseille au public de ne pas nager hors du lagon et de toujours nager en groupe. Par ailleurs, il faut souligner que de nombreux Mauriciens ne savent pas nager. C’est regrettable car nous sommes entourés d’eau. La mission du Club des Sauveteurs consiste justement à former des nageurs et, dans un second temps, à les entraîner à devenir des secouristes en mer. On compte actuellement 60 nageurs. En période de fêtes, plusieurs équipes sont basées sur des plages très fréquentées pour parer à toute éventualité en cas de noyade. Le club existe depuis 1968 et on ne compte plus le nombre de vies qu’on a sauvées», souligne le président du club.

Manque de surveillance

L’Australo Lifesaving Association (une association active, notamment à Tamarin, et formée de secouristes bénévoles) pense, pour sa part, que les Mauriciens n’ont pas accès à des informations essentielles et préventives pour éviter la noyade. Selon Viraj Ramharai, le vice-président de l’association, les Mauriciens ne savent pas quelles sont les précautions qu’il est nécessaire de prendre quand ils se trouvent à la plage et ne connaissent pas les gestes qui peuvent les aider s’ils se retrouvent en difficulté. D’autant, dit-il, que le manque de surveillance sur les plages est un problème majeur.

Pour le sauveteur breveté, il faudrait donc miser sur la sensibilisation et l’éducation. Selon lui, il existe une série de gestes et de précautions simples que les Mauriciens doivent connaître et, surtout, mettre en pratique pour une journée à la plage sans risque. Au moment de la préparation de leur sortie, ils doivent vérifier les informations suivantes : «Il faut connaître l’heure des marées et être au courant des caractéristiques de la plage où vous comptez aller.»

Sur place, il faut avoir l’œil : «Y a-t-il un panneau où est inscrit “Bain dangereux” ? Si c’est le cas, ne vous aventurez pas !» Il faut, également, être responsable : «Nagez à l’intérieur de la zone de baignade (en ne donnant jamais le dos à la mer), délimitée par des bouées jaunes, ne vous retrouvez pas dans l’eau tout seul et ne quittez pas les enfants des yeux.» Surtout, s’ils utilisent des bouées gonflables (c’est aussi le cas pour les adultes) : «S’il y a beaucoup de vent et que la mer est forte, le risque qu’ils soient emportés est plus grand.»

De plus, précise-t-il, certaines pratiques peuvent être très dangereuses : consommer de l’alcool ou de la drogue avant de se mettre à l’eau, nager sans prendre en compte l’environnement (s’éloigner de la plage pour impressionner ses amis, par exemple), faire des culbutes dans l’eau, entre autres.

Si vous vous retrouvez en difficulté, faites-vous remarquer : «Il faut rester calme, ne pas nager mais essayer de flotter. De nombreuses personnes se noient parce qu’elles paniquent, alors gardez la tête froide ! Levez les mains et criez pour qu’on vous voie et pour qu’on sache que quelque chose ne va pas.»

Si quelqu’un se noie, ne vous précipitez pas pour le sauver : «Cherchez l’aide des autorités, des gens formés en secourisme. Une personne en difficulté n’a pas de réactions réfléchies. En s’agrippant à vous, elle peut provoquer votre propre noyade.» Vous ne trouvez aucun professionnel pour vous aider ? Rapprochez-vous le plus possible de la personne en question et lancez-lui quelque chose auquel elle pourra s’agripper.

Mais quel est le moment idéal pour nager ? Cette question est vitale ! «Il est conseillé de nager avant de consommer un repas lourd. Sinon, il faut attendre un minimum de trois heures, le temps que la digestion se fasse, après le déjeuner avant de pouvoir entrer dans l’eau. De plus, il est important de signaler qu’il est mieux de ne pas nager entre 11 heures et 15 heures : le soleil est fort et peut provoquer des brûlures de peau», explique Viraj Ramharai.

Pour que votre journée à la plage ne se termine pas en drame, mieux vaut mettre toutes les chances de votre côté. Pour ce faire, il n’y a pas dix mille solutions. Mettez toutes les directives de précautions en pratique et soyez très, très vigilants.

D’autres victimes…

Sa vie s’est brusquement arrêtée le dimanche 15 janvier. Ce jour-là, Hemansing Boudena, 17 ans, s’était rendu à l’île-aux-Cerfs en compagnie de ses proches. Il s’est noyé lors d’une partie de baignade quand une vague, provoquée par le passage d’un speed boat, l’a submergé.

Le 14 janvier, à Ile-des-Roches, c’est le corps sans vie de Kareemun Choolwa, 52 ans, qui avait été repêché par la NCG. Pêcheur de son état, il était en compagnie de Shivajee Pitcheea, 24 ans, et Sharmraj Joorun, 35 ans, pêcheurs également, quand les trois hommes se sont retrouvés en difficulté en mer. Les deux derniers ont pu être secourus par la NCG tandis que Kareemun Choolwa a eu, hélas, moins de chance.

Quelques jours plus tôt, soit le samedi 7 janvier, c’est Bye Issah Domah qui a péri noyé à Péreybère. Son corps sans vie avait été retrouvé, flottant sur l’eau, par les membres de sa famille. Nul ne sait à ce jour comment il s’est noyé.

Trois cas en une journée

Ils ont connu le même triste sort le même jour. Mais à des heures différentes. Eux, ce sont Jean-Pierre Edouard, Abdool Mahmood Faizal Numeebokus et Adish Hurry. Le premier nommé, un habitant de cité Atlee, à Forest-Side, nageait à Flic-en-Flac quand une grosse vague l’a subitement recouvert, vers 13 heures le dimanche 22 janvier. Son corps sans vie a été aperçu flottant sur l’eau quelques minutes plus tard. Il avait déjà rendu l’âme. Adbool Faizal Numeebokus de Rose-Belle a péri de la même manière alors qu’il nageait à la Prairie. Une grosse vague l’a emporté. Adish Hurry, étudiant en ingénierie civil en Malaisie, a quant à lui péri lors d’une baignade à Palmar. Une vague l’a submergé alors qu’il nageait en compagnie d’un cousin. Son corps sans vie a été repêché par l’hélicoptère de la police au lendemain de sa disparition. Des vacances qui se terminent en drame.

Laura Samoisy, Yvonne Stephen, Jean Marie Gangaram

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