Jennifer Lam Vo Hee
Maryline Legoff
Toute première fois, toute, toute première fois…Ils n’ont pas le temps de fredonner cette chanson de Jeanne Mas, tellement leur vie en ce moment est réglée comme du papier à musique. Réveil à l’aurore, marathon en journée et la nuit tombée, meeting, réunion et porte-à-porte. Voilà la vie de politicien qu’ils découvrent. Dure réalité disent les femmes, mais leur envie d’aider le pays est beaucoup plus forte. Voilà des hommes et des femmes engagés au service de Rodrigues.
Fernando Augustin (OPR)
La course de ma vie
Il court, il court. Mais c’est plus qu’un 400 mètres. C’est plutôt un marathon que fait Fernando Augustin, notre quarter miler. Candidat de l’Organisation du peuple de Rodrigues (OPR) dans la région 2 (Maréchal), cet habitant de Grand Var aborde ce scrutin avec philosophie. «Pour moi, c’est comme courir un 400 mètres dans un grand championnat. La victoire ira à celui qui arrive à allier intelligence et tactique. Et c’est ce que je fais», affirme le jeune homme qui a acquis une notoriété dans l’île. Ce n’est pas une fin en soi, concède Fernando Augustin, il faut malgré tout faire campagne. Il carbure au café et ne compte plus le nombre d’heures de terrain. «Depuis quelques semaines, je dors trois heures uniquement par nuit. Ce n’est pas plus mal. J’ai l’habitude», dit-il.
Cette première participation à ces élections régionales fait le bonheur de sa famille, qui a toujours été proche de l’OPR. «Ce sont mes parents qui m’ont poussé à accepter ce ticket», précise le travailleur social et moniteur d’aérobic, qui aspire à être commissaire à la Jeunesse et aux Sports. «J’ai côtoyé les sportifs ici et ailleurs. J’ai eu ma carrière d’athlète professionnel. Je connais les réalités mais surtout les difficultés des athlètes rodriguais. Pour moi, c’est mettre mes compétences et mon expérience au service des jeunes et de mon pays», explique Fernando Augustin. Son premier meeting, c’était dans la région de Rivière Coco. Fernando Augustin en garde un très bon souvenir et soutient que sa formation à l’école politique de l’OPR a été d’une importance capitale. Il réfute l’accusation des adversaires qui parlent des jeunes du parti comme de pantins entre les mains de Serge Clair. L’OPR, dit-il, ce n’est pas Serge Clair, c’est le peuple de Rodrigues. «Voyez le programme, ce sont les jeunes du parti qui l’ont fait. Le leader reste un guide pour nous», poursuit celui qui dit être un modèle pour les jeunes Rodriguais.
L’idée de troquer son survêtement de sport contre un costume-cravate ne le dérange pas. Cela ne le changera pas, dit-il. La combativité, la compétitivité, le respect de l’adversaire, ce sont autant de valeurs que le sport lui a apprises et qui vont désormais dicter sa vie d’homme politique.
Jennifer Lam Vo Hee (MR)
Le compte est bon
À deux reprises, elle a refusé le ticket du Mouvement rodriguais (MR). Cette fois, elle s’est dit «now is the time». Aujourd’hui, elle avoue avoir acquis une certaine maturité. Mais elle est prête aussi, s’il le faut, à mettre en veilleuse sa carrière de prof de comptabilité pour travailler pour le pays. Pour sa première participation à ce scrutin, elle est colistière de Gaëtan Jhabeemisar, le chef commissaire sortant, à La Ferme. Un «avantage» certes, mais il faut quand même «travailler le terrain» à raison de 12 heures par jour, soutient cette mère de deux enfants qui trouve néanmoins la campagne très courte. «Je suis candidate dans une région qui compte 39 petits villages. Mon but est de visiter tous les habitants, mais le temps fait défaut», dit-elle.
Dynamique et déterminée, elle ne se laisse pas décourager même si elle croise souvent «des électeurs mécontents» devant le manque d’infrastructure ou les projets pas encore complétés. Sa réplique : «Le gouvernement régional ne peut pas tout faire.» Déjà, elle s’est rendu compte de la dure vie de politicienne. Jennifer Lam Vo Hee est tombée dans la marmite politique très jeune, mais c’est surtout le social qui l’intéressait. Depuis qu’elle est en campagne, elle a enfilé une carapace. Les critiques des adversaires sont virulentes, dit-elle, mais cela ne suffira pas pour l’arrêter. Grande timide, elle estime avoir gagné en confiance le temps de cette campagne. Elle attendra le 6 février pour se décider si elle retournera en classe ou prendra en main, aux côtés de ses collègues du parti, la destinée de Rodrigues.
Maryline Legoff (FPR)
Entreprendre au féminin
Elle s’est engagée pour soutenir son leader Johnson Roussety. Maryline Legoff parcourt des kilomètres dans un véhicule rouge, avec sa photo accrochée en poster, au quotidien. La popularité, ce n’est pas ce qu’elle recherche en étant candidate. Puisqu’elle jouit déjà d’une très bonne notoriété dans l’île. Engagée dans le social, entrepreneure, militante anti-VIH/sida, ce petit bout de femme a une vie trépidante depuis qu’elle est candidate à La Ferme. «Je vis toujours à cent à l’heure. Même si c’est ma première campagne je ne sens pas trop la fatigue», dit-elle avec le sourire. Le nom de Johnson Roussety revient dans toutes ses phrases. Pourquoi cette admiration ? «Sa détermination, son charisme et son dynamisme m’impressionnent. Rodrigues a besoin d’un leader comme lui», répond Maryline Legoff.
Entre ses rencontres avec l’électorat, elle trouve du temps pour son fils et ses activités sociales. Son cheval de bataille reste l’avenir de la femme. Très en verve dans les meetings, son argument tourne d’ailleurs autour de la femme rodriguaise. Ses besoins, sa réalité, sa soif d’entreprendre. Elle considère qu’elle peut, grâce à son expérience dans l’entrepreneuriat féminin, jouer un rôle prépondérant à la Commission des femmes. Pour Maryline Legoff, la femme rodriguaise évolue, elle s’affirme davantage et aspire à contribuer aux revenus de la famille et du pays.
Jean-Luc Emile (de Rodrigues)
Un scrutin sous tension
Les dernières 48 heures ont été sous haute tendues à Rodrigues. Des échauffourées ont éclaté entre activistes de l’OPR et du MR. Dans la nuit de vendredi à samedi, La Ferme a été le théâtre d’un incident qui aurait pu avoir des conséquences graves en cette fin de campagne.
Le Chef commissaire sortant, Gaëtan Jhabeemissar, a porté plainte à la police. Sa voiture personnelle a été endommagée. La police a procédé, samedi matin, à l’arrestation d’un jeune de 34 ans, Jean Paul Tolbize, cousin du candidat de l’OPR, Justar Tolbize. Une charge de damaging property by band sera retenue contre lui. Ses proches s’insurgent contre cette arrestation, affirmant qu’au moment des faits il y avait «plus de 200 personnes sur place». À l’heure où nous mettions sous presse, la police envisageait d’autres interpellations. Sur le plan politique, pas de grande effervescence dans les rues hier. Le grand défilé des partis dans les rues de l’île avait déjà eu lieu dimanche dernier. Les partis politiques ont tenu les derniers rassemblements, vendredi. Serge Clair a clôturé sa campagne en appelant ses activistes à rester mobilisés. Il a dénoncé ce qu’il qualifie de «campagne mensongère» du MR et a affirmé que l’OPR est en route «pour son grand retour aux affaires».
Le Mouvement rodriguais, qui avait réuni ses partisans à La Ferme, a demandé à l’électorat de faire confiance à «une équipe unie, solide et sincère», qui veut œuvrer pour le bien-être des Rodriguais. Quant à Johnson Roussety, il avait réuni ses partisans à Mangue. Son discours était accès sur la mauvaise performance de ses ex-alliés et le mépris de Port-Louis à l’égard de Rodrigues. La commission électorale s’active afin que le scrutin de ce dimanche se déroule dans les meilleures conditions. Les centres de vote seront ouverts de 6h30 à 15h30. Les résultats seront connus lundi, et la commission électorale envisage de proclamer les élus à la proportionnelle aux alentours de 17 heures ce lundi.