Lise Coindreau
Entre sa discothèque qui a été frappée d’un «stop order» pour pollution sonore et sa participation à l’émission Enquête exclusive, la femme d’affaires de Flic-en-Flac a été sous les feux des projecteurs cette semaine. Elle nous livre ses impressions…
Elle ferait figure d’exception et serait l’une des rares créoles à avoir réussi à Maurice. C’est du moins ce qu’affirme la dernière édition d’Enquête exclusive sur la chaîne M6 en parlant de Lise Coindreau. Si pour beaucoup, cette partie du reportage Rêves, fortunes et trafics au soleil : les secrets de l’île Maurice n’a été que du «show off» diversement commenté, la principale concernée, elle, dit ne pas avoir à rougir de ce qui a été montré dans l’émission.
«Me concernant, tout ce qui a été diffusé est vrai et je n’ai eu que des réactions positives. Je veux être un exemple pour tous les Mauriciens. Je suis l’exemple de quelqu’un qui a commencé petit et qui a gravi les échelons», nous a-t-elle déclaré.
Présentée dans l’émission comme une businesswoman qui «a fait fortune dans l’immobilier» – après que le reportage eut démontré que les créoles auraient du mal à réussir – Lise Coindreau a eu droit à un reportage élogieux. On découvre la directrice de Jet 7 Real Estate menant une vie très… «jet-set», au volant d’une décapotable, puis dans une voiture avec chauffeur ou encore sur un chantier où se construisent plusieurs de ses «nombreuses villas» qu’elle ne compte plus elle-même.
Pour démontrer sa réussite, l’équipe d’Enquête exclusive s’est aussi invitée dans sa grande demeure à Pointe-aux-Sables où les téléspectateurs apprendront que la femme d’affaires a trois masseurs, un coach ainsi qu’un coiffeur personnel. On découvre également son grand dressing où sont entassées ses «700 paires de chaussures». Interrogée sur cette partie clinquante de sa vie, elle réplique : «Je vous le redis, je n’ai pas à rougir de ce qui a été montré. Ma démarche en participant à l’émission était de donner du courage aux gens. Je veux qu’ils se disent qu’ils peuvent aussi arriver. L’espoir existe et on peut tous avoir notre chance.»
Sereine
Alors que le reportage a aussi évoqué le succès de Shotz, sa boîte de nuit à Flic-en-Flac qui a été créée parce que sa fille et elle «s’ennuyaient», la discothèque a été frappée d’un «stop order» au cours de la semaine écoulée. Mais pour Lise Coindreau, cela n’a rien à voir avec l’émission : «Même si je ne comprends pas cette sanction, je ne pense pas que c’est lié au reportage sur M6.»
Selon la femme d’affaires, sa piste de danse est fermée mais son bar est toujours ouvert : «La police de l’environnement nous a fait savoir qu’elle a reçu des plaintes pour pollution sonore, d’où la sanction.» Elle dit, toutefois, rester sereine : «Nous allons coopérer avec les autorités. On va respecter leur demande car nous sommes pour le consensus et pour la paix dans le pays. Je dois aussi préciser qu’il y a d’autres établissements à Flic-en-Flac qui jouent aussi de la musique. Pourquoi ne les accuse-t-on pas de pollution sonore ?» Sa piste de danse ayant été fermée ce week-end, Lise Coindreau se dit «très triste pour tous ceux et celles qui ont été privés de leur lieu d’amusement». Mais elle promet, que «les choses vont très vite retourner à la normale».
Une enquête et des réactions
La diffusion du reportage Rêves, fortunes et trafics au soleil : les secrets de l’Ile Maurice, sur M6 le 23 janvier, n’a pas laissé indifférent, alors là pas du tout. Depuis, les réactions, notamment des personnalités, se sont multipliées.
■ Navin Ramgoolam, Premier ministre : «Il y a plusieurs faussetés dans ce reportage. Ils ont fait référence à un rapport de l’Organisation des Nations unies pour évoquer la situation de la drogue à Maurice, mais ce ne sont pas de vrais chiffres. Nous les en avons déjà informés à travers une correspondance.»
■ Paul Bérenger, leader de l’opposition : «Il y a une part de vérité dans le reportage de M6 mais il y a aussi beaucoup de mise en scène dans ce qui a été montré.»
■ Jean-François Dobelle, ambassadeur de France : «La vérité est toujours complexe, mais il ne faut pas être pessimiste. Les Français ne vont pas déserter la destination Maurice. Tous les aspects négatifs présentés dans le reportage ne vont pas décourager les touristes à venir passer des vacances ici. Maurice dépasse de loin ce qui a été diffusé dans le reportage».
■ Xavier-Luc Duval, ministre des Finances : «Ce reportage est caricatural et pas correct car les vrais chiffres démontrent une baisse de 16 % en 2010 du taux de criminalité. Nous faisons de progrès. Bien sûr, il y a des problèmes et la pauvreté existe à Maurice mais il y en a moins qu’aux Etats-Unis, par exemple. Il ne faut pas faire une émission à sensation.»
■ Shakeel Mohamed, ministre du Travail : «Il ne faut pas prendre les travailleurs étrangers qui opèrent au noir pour des victimes d’exploitation. Si nous apprenons qu’un travailleur étranger opère au noir, son permis sera immédiatement révoqué et il sera déporté. L’employeur sera, quant à lui, poursuivi.»
■ Arvin Boolell, ministre des Affaires étrangères : «Même si ce reportage ébrèche l’image de rêve que l’on se fait de notre pays, l’île Maurice reste un pays où il fait bon vivre. M6 est une chaîne qui aime montrer le côté négatif des choses. Avant de critiquer, elle devrait regarder dans son jardin et nous montrer les bidonvilles de France. Il faut dénoncer tous ceux qui évoquent des problèmes pour nuire à notre société.»
■ Michael Sik Yuen, ministre du Tourisme : «Le reportage de M6 est superficiel et ne ternira pas notre image. Maurice a une très bonne cote de popularité en Europe et particulièrement en France. Pour ces pays, c’est le paradis.»
■ Ally Lazer, travailleur social : «Ce reportage n’a pas fait honneur au pays. C’est une honte ! Un journaliste étranger qui en sait beaucoup plus que l’ADSU sur un dealer de drogue, c’est du jamais vu.»
Les Mauriciens d’ailleurs réagissent
Si l’émission Enquête exclusive a fait des remous à Maurice, il en est de même du côté des Mauriciens vivant à l’étranger. Beaucoup d’entre eux n’ont pas hésité à poster leurs opinions sur le forum du site de l’émission. Entre ceux qui concèdent que le reportage a mis le doigt sur quelques points sensibles de notre société et ceux qui déclarent avoir été choqués par le portrait de Maurice dans ce reportage, les réactions sont virulentes.
«Vouloir parler des problèmes que rencontre Maurice c’est une chose, mais glaner des infos sans aucun fondement çà et là témoigne d’un manque de professionnalisme», écrit une internaute répondant au pseudonyme de Mauricienne24.
«Je suis fière d’être mauricienne, créole de surcroît. Je ne me drogue pas et j’ai un BAC+5 de l’université Paris IV Sorbonne. Je déplore l’image qu’on a montrée de la communauté créole mauricienne dans Enquête exclusive», souligne une autre compatriote.
Si pour d’autres, ce reportage est décevant et superficiel, Bobiie, une internaute franco-mauricienne fustige les clichés qu’il présente : «Ce sont des généralités et vu la manière dont vous abordez les choses, ça ressemble plus à des clichés qu’à autre chose. Et puis après, quoi ? Les Chinois sont tous des boutiquiers ? Je m’attendais à un reportage enrichissant et critique. Tout ce que j’ai vu, c’était beaucoup d’exagération et un emploi très faible du conditionnel.»
Amy Kamanah , Christophe Karghoo