Pour l’homme, il est important de connaître l’histoire.
Lorsque l’on parle de rastafari, on pense dreadlocks, reggae, ganja. Pourtant ce mouvement représente bien plus que ces clichés. En marge du 177e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, petit voyage au cœur d’une philosophie de vie…
Le calme. Doucement troublé par le clapotis des vagues et le chant des oiseaux. C’est dans cette atmosphère sereine, aux abords d’une cabane nichée au cœur d’arbres acacia, à Sable-Noir, Grande-Rivière-Nord-Ouest, que José Rose, aussi connu comme Ras José, président de l’association socioculturelle Rastafari, nous reçoit.
Dans ce lieu symbolique, adopté par les disciples mauriciens d’Hailé Sélassié depuis des années, c’est la nature qui domine. «Ici on ressent l’appel de la nature…», souligne notre hôte. À trois jours de la commémoration du 177e anniversaire de l’Abolition de l’esclavage, ce mercredi 1er Février, l’homme de 54 ans est plus que jamais déterminé à réaliser un vieux rêve : la construction d’un temple à Triangle, Chamarel, village très important pour la communauté rasta : «C’est là-bas que tout a commencé, là-bas que prend racine toute une histoire faite de souffrance, de lutte et d’injustice.»
Ce sera sa prochaine bataille et il espère que les autorités l’écouteront «enfin» : «Ça fait très longtemps, trop longtemps que nous attendons une réponse, un geste… » Car pour Ras José, il est important de rétablir l’histoire. Et à quelques jours de cette journée importante pour les descendants d’esclaves, ce père de trois enfants ne peut s’empêcher de penser à l’histoire, aux «traitements inhumains» infligés à «ces hommes et ces femmes» qui ont aidé à la construction de Maurice : «L’esclavage a marqué tout un peuple».
Identité
Toutefois, affirme-t-il, même si l’esclavage a été aboli, les descendants d’esclaves subissent toujours des formes d’injustice comme celles que connaissent les «frères et sœurs rastas», victimes, dit-il, de leur train de vie : «Qu’évoque en général le mot rasta ? Le ganja, les dreadlocks, les expressions peace, cool ou yeah man !…»
Pour Ras José, il est temps d’en finir avec ces préjugés : «Le rastafarisme ne se résume pas à ces quelques caractéristiques. C’est un mode de vie qu’il faut comprendre.» Un mode de vie qu’il a choisi d’adopter alors qu’il n’avait que 22 ans. «Je sentais que je perdais mon identité. Il fallait que je sois en phase avec la réalité de mes ancêtres et un rythme de vie qui m’interpellait.»
Le mouvement rasta, développé en Afrique avec l’empereur d’Éthiopie Hailé Sélassié, considéré comme un messie, explique Ras José, est à l’origine d’une philosophie de vie basée sur la solidarité, le végétarisme et le respect de l’environnement et bercée de musique reggae. Car, la musique fait partie intégrante de la vie des rastas. Ainsi, ils expriment leurs feelings et autres louanges selon les rites rastafariens.
C’est cette réalité, «souvent méconnue» que notre homme voudrait propager, raconter, expliquer : «Pour ce faire, on souhaite mettre sur pied une institution rastafarienne qui sera un lieu de méditation, de recueillement mais aussi un centre d’information pour tous ceux qui voudront en savoir plus sur la philosophie africaine.»
Cette philosophie africaine, poursuit Ras José, est étroitement associée à l’histoire de la montagne du Morne : «C’est un lieu mémorable où plusieurs esclaves, en quête de liberté, sont morts.» Il est donc important, précise-t-il, de continuer à faire vivre cette histoire qui est plus que jamais associée à celle des descendants africains.
La revalorisation de la culture, explique Ras José, est très importante pour les rastas, ces adeptes qui suivent les enseignements de Marcus Garvey qui avait mené une lutte inlassable contre la colonisation et le déracinement du peuple noir de l’Afrique. L’histoire de tout un peuple que Ras José et les siens ne demandent qu’à transmettre au plus grand nombre…
En hommage aux ancêtres
Le 1er Février sera marqué encore une fois cette année par une série d’activités. Comme à l’accoutumée, l’Association socioculturelle rastafari (ASCR) effectuera son pèlerinage annuel à la montagne du Morne. «Nous nous dirigerons vers le village du Morne et de là, nous marcherons vers Trou-Chenille, ce lieu qui est devenu un symbole pour nous. Nous y effectuerons un dépôt de gerbes», explique José Rose, président de l’association.
À l’occasion du 177e anniversaire de l’Abolition de l’esclavage, une messe, présidée par Mgr Maurice Piat, se tiendra en la chapelle Le Seigneur-de-la-Pêche-Miraculeuse, à La Gaulette, mercredi à 8h30. La célébration verra la participation des habitants du Morne et des villages avoisinants. Le thème de cette messe, «O nom verite ek zistis zanfan le Morn leve pou to dinite», est inspiré du rapport de la Commission Vérité et Justice, présidé par le Pr Alex Borraine, rendu public en décembre 2011.
«Le rapport Borraine est accueilli par la communauté créole avec une grande joie dans la mesure où les aspirations de cette communauté ont en quelque sorte reçu leur lettre de créance de la part d’une commission d’État. Par l’application escomptée des 11 recommandations du rapport, le Morne et les villages avoisinants deviennent le symbole de l’avancement de la communauté créole à Maurice», explique le père Maurice Labour.
Le ministère des Arts et de la Culture et Le Morne Heritage Trust Fund prévoient aussi plusieurs activités dans le cadre de cette commémoration. Le mardi 31 janvier, à 16 heures, s’affectuera un dépôt de gerbes à Pointe Canon et le même jour, de 18 heures à 22 heures, il y aura une soirée séga tipik au village du Morne. La cérémonie officielle, organisée par le ministère des Arts et de la Culture, se tiendra à la plage du Morne à partir de 10 heures, mercredi. Le lendemain, jeudi 2 février, le Morne Heritage Trust Fund et le Mauritius Museum Council tiendront une exposition intitulée Best Models on le Morne Cultural Landscape à la galerie du Mauritius Institute à Port-Louis.