Cette semaine a été particulièrement meurtrière avec quatre crimes enregistrés par la police en autant de jours. Si deux des présumés meurtriers étaient réputés pour être des gens violents, les deux autres ne semblaient pas prédisposés à commettre un tel acte. Leur entourage revient sur leurs principaux traits de caractère.
Deenarain Lokee : L’homme aux multiples «frasques»
Père et époux affectueux pour sa famille. Homme «aux multiples visages» pour d’autres… Qui est exactement Deenarain Lokee, ancien président de la Mauritius Planters Vegetables Association (MPVA), arrêté pour le meurtre de son demi-frère Khemraj Ramdhonee ? Pour l’un de ses voisins, il était tout simplement un personnage «difficile à comprendre», un «sournois».
Le mardi 17 janvier, cet homme apparemment très complexe a été arrêté pour le meurtre de son frère. Après une dispute avec celui-ci pour une histoire d’ordinateur, Deenarain Lokee aurait utilisé un marteau et un sabre pour l’agresser mortellement. Cette fois, il se retrouve devant la justice pour répondre d’un acte beaucoup plus grave que ceux dont il a dû répondre jusqu’ici.
Car si Deenarain Lokee, 44 ans, marié et père de trois enfants, est surtout connu des Mauriciens comme l’ancien président de la MPVA pendant quelques années, il est aussi connu pour ses démêlés avec la justice. Des ennuis qui l’ont d’ailleurs poussé à quitter cette association pour aller fonder sa propre compagnie : la Mauritius Planters Vegetables Association Ltd.
Retour sur les «frasques» de Deenarain Lokee. En 2004, il accuse le chef commissaire de Rodrigues de l’époque, Serge Clair, d’être anti-mauricien. Il crie haut et fort que le dirigeant de l’OPR est contre le fait que les Mauriciens viennent se lancer dans l’agriculture sur le sol rodriguais. Des propos vivement contestés par l’homme politique dans l’express du 13 juin 2004 : «Ce monsieur raconte n’importe quoi. J’ai reçu de lui des menaces. Ma secrétaire et moi-même avons consigné une déposition à la police (...)»
En 2005, alors que Deenarain Lokee est à Rodrigues, une jeune habitante de la région de Port-Mathurin l’accuse de harcèlement par le biais de SMS. La plaignante qui travaillait comme secrétaire pour le compte de la MPVA de Rodrigues, avait fait une déclaration à la police de Port-Mathurin en ce sens. Dans le sillage de cette affaire, Deenarain Lokee avait été condamné par la cour intermédiaire à payer une amende de Rs 150 000. Toutefois, l’affaire avait été finalement rayée en Cour suprême car le chef d’inculpation qui pesait sur lui avait été mal choisi par ceux chargés de l’enquête.
En septembre 2008, l’homme est à nouveau dans le collimateur de la police. Cette fois, il est accusé d’avoir falsifié le procès-verbal d’une réunion de haut niveau au sein du ministère de l’Agro-industrie concernant la vente de pesticide à Rodrigues.
Il y a quelque temps, la cour de Curepipe l’avait condamné à payer une amende dans un cas de recrutement de travailleurs étrangers au noir. Il avait convaincu dix Comoriens de venir à Maurice pour suivre un cours en maçonnerie et travailler dans ce domaine plus tard. Le Bureau des passeports et de l’immigration avait découvert le pot aux roses à l’expiration du contrat de séjour des dix Comoriens.
Et le voilà maintenant inculpé provisoirement du meurtre de son frère. Lors de son passage en cour de Rose-Hill cette semaine, sa préoccupation majeure était vraisemblablement de se rendre à… Rodrigues. Car il a demandé au magistrat s’il pouvait voyager pour se rendre dans le dixième district. Sacré Deenarain.
Khemraj Ramdhonee : Tué pour une histoire d’ordinateur
Il voulait parler à une amie sur le Net. C’est pour cette raison que Khemraj Ramdhonee, divorcé et père d’un enfant de 4 ans, a été mortellement agressé par son demi-frère, Deenarain Lokee dans la maison familiale à Quatre-Bornes dans la soirée du 17 janvier. Deenarain Lokee aurait reproché à son frère de trop abuser d’Internet et une dispute a éclaté entre les deux frères. Dans sa déposition, Deenarain Lokee plaide la légitime défense. Il allègue que son frère s’est dirigé vers lui armé d’un sabre et d’un marteau et qu’il s’est défendu en se saisissant des deux armes avec lesquelles il a fini par agresser son frère mortellement avant de se constituer prisonnier. Les voisins de Khemraj Ramdhonee parlent de lui comme un homme au «grand cœur» : «Il était à l’opposé de son frère qui a fini par le tuer. Pourtant c’est le même Deenarain qui a grandi Khemraj.»
Ticou : Un récidiviste notoire accusé de meurtre
À son casier judiciaire déjà bien rempli s’est ajouté un meurtre. Joynathsing Roy Boodhoo, connu sous le sobriquet de Ticou, est fiché à la police pour divers délits de drogue et a fait de la prison à diverses reprises. Cette fois, il a été arrêté pour avoir tué Jean Fabrice Hungley, alias Long Royos un ancien basketteur devenu toxicomane.
Dans un premier temps, le récidiviste Ticou, 36 ans et habitant Stanley, a fait croire à la police que c’est en légitime défense qu’il a tué Long Royos, âgé lui de 29 ans et résidant Plaisance. Vers 16h05, le samedi 14 janvier, le suspect, qui travaille à son compte, appelle la police pour solliciter son aide. Il déclare aux membres des forces de l’ordre qu’un inconnu a fait irruption chez lui pour voler deux portables.
En arrivant sur place, les policiers découvrent Jean Fabrice Hungley, un autre récidiviste fiché au poste de Stanley, allongé sur le sol, à l’extérieur de la maison, dans une mare de sang et avec de multiples blessures sur le corps. Son décès sera constaté à l’hôpital de Candos. Selon le rapport d’autopsie, Long Royos a rendu l’âme suite à un coup au coeur.
Arrêté, Ticou est, quant à lui, revenu sur sa première version des faits. Il a déclaré aux enquêteurs avoir assené plusieurs coups à Long Royos à l’aide d’un couteau de cuisine suivant une dispute avec lui. Les deux hommes avaient eu un différend concernant une affaire de drogue. Ticou a remis l’arme du crime aux enquêteurs.
Dans son entourage, le suspect Ticou est considéré comme un emmerdeur de première classe. À Tagore Lane où il habite, ses voisins ne lui adressent plus la parole car ils en ont marre de voir la brigade anti-drogue débarquer à son domicile pour des fouilles. Joynathsing Roy Boodhoo était connu dans son entourage pour avoir un sérieux penchant pour la drogue. C’est d’ailleurs à cause de cela qu’il a été arrêté et incarcéré à plusieurs reprises.
Sa mère aussi en avait ras-le-bol de cette situation. Interrogée sur les agissements de son fils, elle n’a pas voulu faire de commentaire. Elle affirme toutefois avoir coupé les ponts depuis belle lurette avec ce fils dont elle prétend même ne pas se rappeler l’âge.
La mère de Jean Fabrice Hungley : «Il sera toujours mon fils»
Marie-Noëlle, la mère de Jean Fabrice Hungley, garde un très bon souvenir de ce dernier malgré ses démêlés avec la justice suite à des histoires de drogue : «Il sera toujours mon fils. Je ne garde que de bons souvenirs de lui.» Elle souligne que son fils a sombré dans l’enfer de la drogue à cause de ses mauvaises fréquentations : «C’était un bon garçon. C’était aussi un grand basketteur. Il avait joué dans de grandes équipes. Il avait subitement mis fin à sa carrière à cause de la drogue. Et il a fini par mourir de manière atroce.»
Mario ou l’itinéraire d’un homme «violent»
Des coups de trop. Mario Laval Josephine, 56 ans, avait l’habitude de frapper sa concubine Anjoo Baillache, 30 ans, mais dans la nuit du lundi 16 au mardi 17 janvier, il l’a battue à mort. Alertée, la police est arrivée sur les lieux du drame vers 10 heures le 17 janvier et a découvert la victime allongée sur un lit, inerte, avec de multiples blessures au visage. Elle avait déjà rendu l’âme.
Son compagnon a été arrêté peu après. Cet habitant de cité EDC à Circonstance, St-Pierre, déjà fiché à la police pour vols et agressions, est passé aux aveux et a confié aux enquêteurs qu’il avait frappé Anjoo après une dispute, lui assénant des gifles et des coups de poing. Il a également déclaré lui avoir cogné la tête contre le mur.
À en croire des proches de la défunte, ce drame devait arriver un jour ou l’autre. Preety, la sœur d’Anjoo, raconte que celle-ci vivait un véritable calvaire : «Ma sœur était régulièrement battue. Elle a fait plusieurs séjours à l’hôpital et bénéficiait d’un protection order. Elle faisait le va-et-vient chez Mario depuis trois ans. À chaque fois, elle y retournait, ayant développé un penchant pour l’alcool.»
Anjoo était devenue, selon sa sœur, alcoolique et pouvait assouvir son vice aux côtés de Mario qui aurait aussi un sérieux problème avec la boisson. Il est aussi connu pour son côté bagarreur et serait fiché à la police pour vol. C’est pour ces nombreuses raisons que les proches d’Anjoo n’appréciaient pas la relation que celle-ci entretenait avec Mario. Et le fait que la jeune femme était régulièrement maltraitée par son concubin, divorcé depuis plusieurs années, n’arrangeait pas la situation.
Le suspect est aussi considéré comme le vilain petit canard de sa famille. Une de ses soeurs confie que ses proches ne le fréquentent pas : «Nous avons rompu le contact avec lui car il a mauvais caractère. Il aime se battre surtout lorsqu’il est saoul.» Ils désapprouvaient aussi ses disputes fréquentes avec Anjoo. Les Josephine ne comprennent d’ailleurs pas pourquoi elle lui restait fidèle.
Selon la sœur de Mario, c’est sans doute parce qu’Anjoo était devenue accro à la bouteille. Au lieu de bien s’alimenter, Mario et elle préféraient s’acheter une bouteille et se nourrir de pain sec et des gâteaux piments. Les rares fois où ils préparaient à manger, ils le faisaient au feu de bois. La maison où ils vivaient n’était pourvue ni en eau ni en électricité.
C’est dans ce sinistre environnement qu’Anjoo a fini par connaître une fin terrible sous les coups de Mario. «Je regrette qu’Anjoo ait eu une triste fin. Elle ne méritait pas de mourir ainsi», regrette la sœur du suspect. Une charge provisoire d’assassinat pèse sur Mario Laval Josephine qui est en détention à Moka.
Preety : «Ma soeur serait peut-être encore en vie si...»
Selon Preety, sa soeur Anjoo (photo) a tenté de la joindre sur son portable au moins cinq fois la nuit du drame, la dernière fois vers 3 heures. «Ma sœur serait peut-être encore en vie si j’avais répondu. Hélas, je n’ai pu prendre ses appels car j’avais pris des calmants pour dormir. La dernière fois où je l’ai vue c’était le 9 janvier. Elle m’avait accompagnée à l’hôpital où j’avais été admise pour une intervention à l’oreille. Je suis rentrée chez moi huit jours plus tard. Elle m’avait appelée tous les jours pour prendre de mes nouvelles. Elle devait venir me voir chez moi le mardi 17 janvier. Elle ne l’a pas fait. Je lui ai alors téléphoné. C’est un policier qui a pris l’appel et m’a annoncé la triste nouvelle.»
Anjoo est la benjamine d’une famille de quatre enfants. Selon ses proches, elle était très malchanceuse en amour. Il y a huit ans, elle s’était retrouvée seule lorsque son époux avait été arrêté dans une affaire de meurtre. Personne ne sait dans quelles circonstances elle s’est éprise de Mario Josephine. Une rencontre que son entourage n’arrête pas de maudire.
Jeff Coulon : d’homme sans histoire à suspect
Il n’a jamais connu les bancs de l’école. Dès son jeune âge, il a accumulé les petits boulots pour venir en aide à sa famille. Mais cette vie n’était pas celle dont rêvait Jeff Coulon. Las de cette situation, le jeune homme finira par quitter le toit familial, à Grand-Port pour aller de maison en maison tout en gardant le contact avec les siens.
Mais ceux qui le connaissent, notamment sa concubine Emma Jhurry, affirment : la violence, ce n’était «pas son truc». Pourtant, dans la soirée du 14 janvier, il n’a pas su maîtriser sa colère. Au point d’ôter la vie à l’ex-petit ami d’Emma Jhurry. Michael Moussa a été mortellement agressé avec une fourchette (voir hors-texte).
Mais comment expliquer cette folie meurtrière chez une personne apparemment non violente ? Selon Emma Jhurry, ce serait la victime qui aurait provoqué son compagnon. «Michael le taquinait souvent. Il disait qu’il avait été le premier à m’avoir connue et qu’il me voyait toujours derrière son dos. Ce qui était faux.»
La jeune femme revient sur son histoire avec les deux hommes. «Jeff et moi vivons ensemble depuis presque deux ans. Je travaillais avec sa mère dans une usine à Curepipe et celle-ci venait me rendre visite de temps à autre car elle savait que je vivais seule, sans le père de mes trois enfants. Un jour, Jeff l’a accompagnée. C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés», raconte Emma Jhurry qui a aussi été entendue par la justice dans cette affaire.
À ce moment-là, Emma voyait Michael Moussa de temps à autre. Mais ce dernier, dit-elle, a fini par mettre un terme à leur relation. «Après ma rupture avec Michael, j’ai commencé à voir Jeff régulièrement. Puis il a fini par venir habiter chez moi. Il travaillait parfois comme maçon. Quand il n’avait pas de boulot, il m’aidait à préparer des beignets qu’on vendait à proximité d’une usine à Curepipe.»
Jeff Coulon, 25 ans, a reconnu les charges qui lui sont reprochées. Il a participé à une reconstitution des faits jeudi après-midi. Il est maintenant derrière les barreaux au grand désespoir de sa compagne. «Depuis quelque temps, on songeait vraiment à avoir un bébé. Il était affectueux et mes enfants s’entendaient bien avec lui», confie Emma Jhurry, en larmes.
Michael Moussa : Il meurt sous les coups de son rival
Ses nuits et ses jours ne sont plus que pleurs. Ce, depuis qu’elle a enterré son fils Michael Moussa. «La concubine de Jeff raconte à qui veut l’entendre que c’est mon fils qui cherchait des ennuis. C’est faux. Michael est décédé et elle se permet de raconter n’importe quoi», lâche Dominique Moussa; écrasée par le chagrin.
Selon elle, Michaël Moussa n’avait jamais eu d’ennuis avec personne avant. «Dans la nuit du 14 janvier, c’est Emma qui a couru chez moi pour me dire que Michael avait eu des ennuis. À mon arrivée sur place, j’ai vu mon fils gisant dans une mare de sang. En route vers l’hôpital, il ne cessait de m’appeler en disant “mama, mama”. Il a rendu l’âme en chemin.»
Dominique Moussa pense que Jeff Coulon, le présumé meurtrier de son fils, avait une dent contre celui-ci. «Le 29 décembre, Michael et Jeff ont eu une sérieuse altercation à propos d’Emma. Jeff pensait que Michael la voyait toujours. Mais c’était faux. Et Jeff avait promis de se venger de mon fils ce jour-là.»
Textes : Laura Samoisy et Jean Marie Gangaram