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Les grands enjeux d’une campagne éclair selon des observateurs

Faizal Jeeroburkhan et Kris Valaydon.

Ça y est ! Le compte à rebours est officiellement enclenché. Avec la dissolution de l’Assemblée nationale le vendredi 4 octobre, nous sommes entrés de plain-pied dans une campagne électorale qui s’annonce courte, intense et déterminante pour l’avenir du pays. Les votants seront appelés aux urnes le 10 novembre et pendant les 35 jours à venir, les partis politiques, mais surtout les deux principaux blocs, vont se livrer à une bataille sans merci pour convaincre les 1 002 857 électeurs et décrocher le précieux sésame pour les cinq prochaines années. À quel type de campagne peut-on s’attendre ? Quels en sont les enjeux ? Quels sont les facteurs qui vont déterminer l’issue du scrutin ? Les observateurs politiques, Faizal Jeeroburkhan et Kris Valaydon donnent leur avis.

Un moyen de déstabiliser ?

 

Si la dissolution du Parlement est loin d’être une surprise, là où Pravind Jugnauth surprend plus ou moins, estime l’observateur Faizal Jeeroburkhan, c’est la durée de la campagne électorale qui sera rapide. «Cela a été mûrement concocté pour déboussoler l’opposition parlementaire aussi bien qu’extraparlementaire. L’objectif principal était sans doute de fragiliser et d’affaiblir l’adversaire.» Selon lui, c’est une tentative de déstabiliser davantage ses adversaires et de surfer sur la vague de la série d’annonces faites ces dernières semaines et, plus récemment, l’annonce du traité entre la Grande-Bretagne et Maurice sur les Chagos. Une tentative de convaincre qui va, selon lui, tomber à l’eau. «Les observateurs avertis sont convaincus que ce traité hypothétique a été conclu en mode accéléré pour influencer l’opinion des électeurs dans le cadre de l’annonce de l’élection législative. De ce fait, de nombreuses questions restent sans réponses concernant sa constitutionalité, sa viabilité concernant le resettlement des Chagossiens, la nature du financial support promis par l’Angleterre, le bail renouvelable de 99 ans, entre autres. L’opposition fera certainement feu de tout bois sur les faiblesses de cet accord.»

 

Cependant, lance notre interlocuteur, c’est une stratégie qui ne fonctionne pas. «Elle a échoué pour la simple raison que ce petit jeu antidémocratique et malsain était anticipé et même évoqué par l’opposition depuis belle lurette. On savait pertinemment bien que l’élection partielle au n° 10 n’était qu’un leurre malhonnête comme c’était le cas en 2019. On savait aussi que la date des élections allait être annoncée à la dernière minute pour semer la panique dans les camps de l’opposition.»

 

En effet, estime Kris Valaydon, une campagne longue n’est jamais en faveur du gouvernement en place. «Je ne pense pas que la surprise soit totale chez les partis politiques et même dans une bonne partie de l'opinion. On savait qu'il n’y aurait  pas de partielle, que l’Assemblée nationale sera dissoute avant le 10 octobre et que la campagne allait être courte. Toutefois, vouloir gagner des élections par la surprise suppose que la conscience populaire se construit en quelques jours et que le peuple n'a aucun sens de mémoire, qu'il oublie facilement le comportement et agissements des politiciens qui ont régné sur le pays pendant les cinq dernières années.»

 

De plus, lance l’observateur, il serait naïf de penser que les partis politiques de l'opposition parlementaires et extraparlementaires n'ont pas fait leurs calculs : «Ils ne pouvaient certes pas prévoir la date précise des élections, mais dire qu'ils ne sont pas préparés signifierait qu'ils attendaient le communiqué du Réduit pour mettre en marche leur  machinerie de campagne.»

 

Une stratégie bien rodée

 

Nous allons assister, au cours des semaines à venir, à une bataille sans merci entre les partis politiques. Chacun usera de stratagèmes et de coups bas pour affaiblir son adversaire. Pour Faizal Jeeroburkhan, la pré-campagne électorale a été dominée par l’usage à outrance des ressources, de la machinerie de l’état et du support du secteur privé pour influencer les électeurs : «Le récent jugement du Privy Council dans l’affaire Dayal a ouvert une porte pour l’utilisation sans contrôle des bribes électorales. L’alliance au pouvoir ne lésinera pas sur les moyens pour capitaliser sur les emplois et les promotions en masse, les augmentations de salaires, des allocations sociales et des pensions de vieillesses, les permis d’opérations (taxis, pêcheurs, etc), la distribution des logements sociaux.»

 

De plus, l’absence de contrôle sur le financement et les dépenses des partis politiques va faire que l’argent va couler à flot. Il faudra aussi compter sur les attaques personnelles, les coups bas, les fake news  avec l’usage des nouvelles technologies de la communication qui domineront à coup sûr cette campagne politique. «Les partis de l’opposition utiliseront tous les moyens disponibles pour révéler la mauvaise gestion des affaires du pays, les nombreux scandales, les atteintes à la démocratie et autres.  Ce sera de bonne guerre à condition qu’il n’y ait pas de dérapages politiques partisanes.»

 

Pour Kris Valaydon, tout va se jouer maintenant. «Ils vont devoir précipiter la mise en   œuvre effective de leurs stratégies, mobiliser leurs activistes, organiser la logistique de leurs campagnes, dévoiler, et là aussi pas tout de suite pour des raisons de tactique, leurs programmes et manifestes.»

 

Des enjeux cruciaux

 

Une campagne décisive et déterminante pour la postérité du pays et ses générations futures. C’est ce qu’estime Faizal Jeeroburkhan. «Le pays se trouve actuellement en mauvaise posture sur le plan politique, économique, social et environnemental. La population et les forces vives réclament des changements drastiques au niveau de notre constitution, notre système de gouvernance, notre modèle économique, notre type de société, notre politique environnementale.» Les enjeux de cette campagne électorale, souligne l’observateur, dépendront de l’intelligence, de la clairvoyance et du patriotisme de l’électorat. «Voudront-ils se laisser berner égoïstement par les gains à court terme, les nombreuses bribes électorales et les promesses qui ont fait surface à la dernière minute ? Ou voudront-ils plutôt privilégier un changement radical du système en place pour un développement durable basé sur la création efficace de la richesse et le partage équitable de cette richesse pour le bien-être de la population dans son ensemble ? Les débats devront se focaliser sur le programme des partis et des alliances et non pas sur les dénigrements, les surenchères politiques et les fausses promesses.»

 

Pour Kris Valaydon, les enjeux de cette campagne électorale sont extrêmement importants pour les deux principaux blocs. D’un côté, il y a le gouvernement sortant : «Ils seront jugés sur la manière dont ils ont géré le pouvoir pendant les cinq dernières années. Ils auront à défendre le bilan positif, mais aussi ils auront à se défendre contre les scandales et les abus de droit, les actes de corruption, les excès de la police, le règne des petits copains, les attaques contre le DPP. Ce sont là des événements peu flatteurs. On n’oublie pas la mort d'un de leurs agents et l'histoire des terres de l’État qui ont aussi noirci leur image. Ils ne peuvent se permettre de perdre ces élections, sinon ils auront des comptes à rendre à la population.»

 

De l’autre, le bloc de l’opposition qui est resté sur la touche pendant une décennie : «Cela fait 10 ans qu'ils sont dans le karo kann et ils ont tout intérêt à gagner ces élections, parce que cela signifierait un coup dur, non pas pour les leaders qui sont sur le point de départ, mais aussi pour les partisans qui ont connu une longue et tumultueuse traversée du désert.» Au milieu de tout cela, il ne faut pas, dit-il, oublier les partis émergents qui pourront eux aussi faire la différence, que ce soit au niveau de leur discours et de leur programme.