La liesse qui a accompagné le jugement positif du Privy Council envers le gouvernement, le rassemblement des partisans oranges au Sun Trust, le discours du Premier ministre (entouré de ministres buvant ses paroles) s’appuyant sur cette victoire pour vanter notre système électoral «crédible et intègre», ses critiques envers une opposition «assoiffée de pouvoir» font partie d’un show légitime, positionnant Jugnauth officiellement dans le fauteuil du candidat premierministériel. Si d’aucuns pensaient que le spectre d’une éventuelle défaite devant le Privy Council allait forcer le leader du MSM à dissoudre l’Assemblée nationale avant l’échéance de 2024, il n’en fut rien. Les faits lui donnent aujourd’hui raison !
Désormais, qu’on apprécie ou pas le chef orange, force est de reconnaître qu’il n’a aucune épine légale au pied. Tandis qu’en face, son challenger, Ramgoolam, dont le parti vient de subir une défaite devant le Conseil privé du roi sur une question fondamentale de corruption, vit sous une épée de Damoclès, avec la réouverture d’un nouveau procès dans l’affaire des coffres-forts. En attendant le premier round des débats, début novembre, avec d’abord une motion du leader des Travaillistes contestant les accusations envers lui, Jugnauth, de son côté, se prépare vigoureusement à la prochaine échéance électorale.
Il pourrait désormais attendre, sans contrainte, jusqu’au dernier moment pour affiner sa stratégie populiste et ne lésinera sûrement pas sur des cadeaux allant de l’augmentation de la pension de vieillesse à d’autres gestes généreux en fixant son échiquier, dont il garde jalousement la date des élections générales. Le Premier ministre l’a encore répété ce lundi, à l’issue de sa victoire légale : «Nou ena ankor letan pou ariv ziska la fin nou manda. Nou ena ankor ene bidze lane prosenn…»
Le voilà, donc, revigoré, et c’est sans surprise qu’il a fait une entrée triomphale ce mardi au Parlement sous les applaudissements nourris de son équipe – à l’exception des membres du ML –, plus encline que jamais à idôlatrer le chef qu’il faut amadouer dans la perspective d’un éventuel ticket électoral.
C’est aussi sans surprise que l’on aura assisté à une première séance où, encore une fois, les expulsions ont plu par rafales, pendant que le Speaker se comportait, comme à son habitude, de manière grossière envers l’opposition, transformant la première séance de la reprise en une scène digne des Komiko !
Est-ce le verdict victorieux qui donne des ailes au gouvernement, à ses membres ainsi qu’au Speaker qui continue à illustrer un comportement indigne ?
Pour combien de temps encore ces prétendus propriétaires du Parlement vont interdire à l'équipe de l’opposition d’exercer leur devoir pour lequel ils sont payés ? Les membres du MSM auraient tort de penser que ce verdict légal, loin d’être celui des urnes, basé sur des points techniques, leur donne tous les droits d’un continuel agissement autocrate.
Car si pour l’heure, personne ne sait comment le jugement du Privy Council influencera les votes futurs des électeurs, en revanche, ce qui est sûr, c’est que ce dénouement en faveur du MSM ne diminue en rien la série de scandales qui éclabousse l’image du pays : Stag party, salaires mirobolants pour des directeurs sans diplômes, contrats douteux au sein des corps paraétatiques, à l’exemple de la dernière polémique Corex Solar/CEB, mainmise sur nos institutions, parfum persistant de corruption, pour ne citer que ceux-là.
La coïncidence du calendrier nous rappelle également que cela fait trois ans depuis la mort de l’agent Kistnen (le 16 octobre 2020), victime d’un assassinat que la police voulait transformer en suicide pour des raisons que nous ignorons toujours. Trois longues années plus tard, malgré un combat inlassable de sa veuve qui, dès le début avait soupconné un foul-play, on en est toujours au point de départ !
Entre-temps, on aura assisté à la démission forcée d’un ministre, accusé d’un délit d’emploi fictif, à la mise en scène de l’allocation des contrats en faveur du copinage politique et à une enquête judiciaire qui a mis sévèrement en exergue tout un ensemble de manquements de la police, laissant planer dans l’air de sérieux doutes sur la mort de cet agent politique !
Est-ce que la nouvelle démarche des Avengers, sous forme de mise en demeure envers le Premier ministre, avec pour objectif de récupérer les images de Safe City, à travers la compagnie chinoise Huawei va aboutir ? N’est-ce pas cette préoccupation-là, qui est celle de faire la lumière sur le meurtre d'un homme, qui a plus d’importance aux yeux du public qu’une victoire au Privy Council ?