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21 juin 2025 20:21
Des Mauriciens ont, en ce samedi 21 juin, fait résonner très fort leur voix, dans les rues de Rose-Hill et de la capitale. Non pas parce que c'était la fête de la Musique, mais pour faire entendre leur colère suite à l'annonce du gouvernement dans le dernier Budget concernant le relèvement progressif de l’âge d’éligibilité à la pension universelle (Basic Retirement Pension) de 60 à 65 ans. Des citoyens nous disent pourquoi ils ont soutenu ces deux initiatives qui ont rythmé l'île en ce samedi...
C’est définitivement le talk of the town. Car depuis la présentation du Budget 2025-2026 le jeudi 5 juin, la mesure concernant le relèvement progressif de l’âge d’éligibilité à la pension universelle (Basic Retirement Pension - BRP) de 60 à 65 ans, qui devrait être applicable à partir du 1er septembre 2025, est sur toutes les lèvres, dans toutes les conversations, dans les médias et au cœur de manifestations, comme cela a été le cas à Rodrigues il y a plusieurs jours. Et dans notre île, c’est ce samedi 21 juin, dans les rues de Rose-Hill et de la capitale, que des citoyens ont participé à des marches de contestation pour donner leur avis sur cette mesure tant décriée.
Durant la semaine écoulée, il a beaucoup été question de ces manifestations pacifiques. Il y a notamment eu la menace selon laquelle le rassemblement de Port-Louis ne pourrait avoir lieu car n’ayant pas été autorisé. Dans une lettre envoyée au commissaire de police (CP), Anil Kokil, le CEO de la Côte-d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd (COIREC), a affirmé que celle-ci n’avait pas autorisé la tenue d’un rassemblement public au Champ de Mars ce samedi 21 juin. Le bureau du Premier ministre a réagi par le biais d’un communiqué dans lequel le PM et son gouvernement ont dit se dissocier totalement de cette décision jugée inacceptable et ont recommandé au CP de ne pas en tenir compte. Et au final, ce samedi, des citoyens ont pu faire entendre leur voix, que ce soit à travers la manifestation pacifique de la Plateforme pa touss nu pension 60 ans, dans les rues de Rose-Hill, et celle de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé sous le thème «Non à la pension de vieillesse à 65 ans», à Port-Louis.
En effet, cette annonce du Premier ministre dans le dernier Budget ne fait pas l’unanimité. Entre déclarations dans les journaux, sur les ondes ou encore dans les conférences de presse, des syndicalistes, des politiciens de l’opposition et des citoyens n’ont cessé de dénoncer ce changement qui suscite de vives réactions. Au Parlement durant la semaine écoulée, avec les débats budgétaires qui ont débuté le mardi 17 juin, la réforme de la pension universelle s’est bien évidemment retrouvée sous le feu des projecteurs. Les questions et les réponses sur le sujet se sont ainsi succédé. Dans une allocution à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Navin Ramgoolam a défendu sa réforme, malgré l’annonce de l’institution de deux comités sur une approche ciblée de l’allocation de la pension de vieillesse à l’issue d’une réunion spéciale du Conseil des ministres le lundi 16 juin.
«Aucun politicien n’aime prendre des décisions impopulaires. Cependant, sans contrôle et sans réforme, l’augmentation des dépenses liées à la Basic Retirement Pension pénalisera considérablement nos enfants et nos petits-enfants. Il s’agit d’une question de justice et d’équité entre les générations. Nous n’avons donc pas d’autre choix que d’agir de manière responsable. Je comprends parfaitement que la réforme des pensions puisse être un choix impopulaire pour les électeurs d’aujourd’hui, ce qui pose un dilemme aux politiciens sensibles à l’opinion publique et à ceux qui se livrent à un populisme inconsidéré et à une démagogie débridée. Les réformes des pensions sont essentielles pour rééquilibrer les charges entre les générations actuelles et futures d’une manière juste et équitable. Cela peut entraîner des coûts à court terme pour une viabilité à long terme. C’est également la raison pour laquelle il est impératif que le grand public soit conscient de la réforme des pensions et des défis à relever à l’avenir», a déclaré Navin Ramgoolam. Joe Lesjongard, le leader de l’opposition, a aussi abordé, au Parlement cette semaine, ce volet du Budget qui fait couler beaucoup d’encre : «C’est une profonde injustice envers les travailleurs manuels et les femmes au foyer. Le gouvernement a agi sans étude d’impact, sans consultation préalable et dans un amateurisme total.» En réponse à la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, le mercredi 18 juin, Ashok Subron, le ministre de l’Intégration sociale, s’est aussi exprimé sur cette décision controversée. «Aujourd’hui, l’espérance de vie a grimpé à 74 ans. Nous devons assurer la viabilité du système», a-t-il souligné tout en précisant que la réforme vise à construire un régime «équitable, durable et fondé sur la responsabilité partagée entre employeurs et employés».
«Mon désaccord»
Au cœur des deux marches qui ont fait vibrer Rose-Hill et Port-Louis ce samedi 21 juin : des contestations et des revendications pour que les autorités fassent marche arrière.Anncy et ses parents Gaëtan et Ghislaine Rivière, des habitants de Roches-Brunes, ont apporté tout leur soutien aux deux marches qui ont dénoncé la réforme de la pension universelle. Et d’ailleurs, Gaëtan et Ghislaine ont tenu à être présents dans la capitale pour soutenir la démarche de la CTSP. Pour leur fille Anncy, c’était important pour eux d’y participer. «Mes parents sont des personnes âgées. Ils peuvent témoigner à quel point l’âge de la retraite à 60 ans est très attendu par certaines personnes. Mon papa était ambulancier en tant que chauffeur du SAMU pendant des années et il peut dire à quel point ça n’a pas été facile avec les horaires et les contraintes. C’était compliqué à la fois physiquement et mentalement. Lorsqu’il était arrivé à 55 ans, il avait commencé à ressentir une grande fatigue. C’est pour dire à quel point son travail était prenant. Ma maman, elle, était couturière. Elle aussi, au bout d’un moment, s’est sentie fatiguée, surtout en cumulant son boulot à son rôle de maman tout en s’occupant de la maison. Tout cela compte. Il y a beaucoup de gens qui ont des métiers qu’ils font car zot bizin trase. Ils attendent d’avoir cette pension à 60 ans pour avoir une certaine stabilité et garder la tête hors de l’eau. Travailler jusqu’à 65 ans devrait rester un choix. C’est très important de faire entendre notre voix. Je ne sais pas si ça va changer quelque chose, mais je pense que c’est important de le dire quand on n’est pas d’accord avec quelque chose», nous confie Anncy, qui fait partie de ceux et celles qui ne comprennent pas la mesure autour de la réforme de la pension universelle. Marie-Josée Murday, elle, a choisi de participer aux deux marches ce samedi et elle a apporté son soutien à la fois à l’organisme de Rose-Hill et à celui de Port-Louis. «C’était important pour moi. Je ne suis pas d’accord avec cette mesure. C’est quelque chose qui nous a découragés, et j’ai montré mon désaccord en soutenant les deux associations qui dénoncent cette réforme. C’est primordial que les Mauriciens puissent faire entendre leur voix sur des sujets qui les concernent», nous dit Marie-Josée, de la conviction dans la voix.
Frank Ip, citoyen engagé, membre de deux collectifs No covid vax for kids et Pa tous nou SIM card, a aussi tenu à participer à la marche de la Plateforme pa touss nu pension 60 ans à Rose-Hill. «Le gouvernement n’a à aucun moment averti la population d’un chamboulement fondamental dans la pension universelle car les gens les plus affectés au plus profond de leur être sont dans la cinquantaine et qui planifiaient sûrement leur retraite avec sérénité. Si cela avait été dit avant les élections de novembre 2024, je pense sincèrement que le résultat aurait été tout autre. Donc, quelque part, il y a une rupture de contrat moral avec le peuple. Et il ne faut surtout pas perdre de vue qui nous a mis dans ce fichu pétrin économique ! Non, le peuple sait discerner et ne se laissera plus être embobiné par les politiciens démagogiques. Ce régime aurait dû davantage dialoguer avec la population avant la mise en place du nouveau système», nous dit Frank Ip, qui estime que le régime en place est allé trop vite en besogne.
«Avant d’appliquer cela, le gouvernement aurait dû penser à la souffrance des petites gens, en abaissant symboliquement leur salaire et autres privilèges sur une période de, disons, trois ans. C’est une façon de montrer que le burden-sharing est aussi applicable pour les politiciens. Ne me dites pas qu’un ministre ne peut pas vivre avec un package mensuel de Rs 250 000, au lieu de Rs 350 000, par exemple. Les pensions et privilèges à vie peuvent être suspendus jusqu’à des jours meilleurs. Les sans-emploi à 60 ans ou ceux et celles qui arrêtent de travailler à cet âge-là doivent être soutenus par l’État, car eux aussi ont, d’une façon ou d’une autre, contribué au gâteau national à travers la TVA. Pour faire grossir les revenus de l’État, il suffit de redynamiser les divers secteurs économiques en panne depuis l’ancien régime. Et tout suivra automatiquement avec le momentum. Et aussi, il y a trop de gaspillage de fonds publics, qui se comptent par milliards. Il faut rectifier cela au plus vite avec des sanctions à la clé. L’impunité doit cesser aux yeux de tous. Le NPF doit être réactivé au plus vite avec des révisions de plafond, pour ne pas trop se fier uniquement à la pension universelle. C’est aux nouveaux gouvernants de se mettre à la tâche pour remettre le pays sur les rails pour une île plus prospère. Je le souhaite de tout cœur, pour plus d’équité et de justice sociale», ajoute Frank.
Alain, un habitant de Rose-Hill, apporte aussi son soutien à ceux qui dénoncent la réforme de la pension universelle. «Pour moi, un changement de l’âge pour toucher la pension devrait être accompagné de conditions et d’exemptions. Je pense que cette mesure devrait être ciblée, et là, je proposerais que ça soit fait à partir d’un salaire de Rs 50 000 et plus. Pour moi, il est aussi primordial de considérer la santé d’une personne et aussi le type de travail. Les marches comme celles de ce samedi sont importantes et ont toutes leurs raisons d’être pour permettre à des personnes qui ont des choses à dire contre la mesure contestée de le faire et ainsi montrer au gouvernement qu’il y a des personnes qui sont contre ce qui a été annoncé», déclare Alain. Il est rejoint par Linda Lam, qui a aussi donné de la voix lors de la manifestation de Rose-Hill. «Si on est dans ce pétrin aujourd’hui, c’est aussi la faute de l’ancien gouvernement. Il a mal géré l’économie avec les dépenses inutiles ou encore à travers des projets qui ont alourdi l’endettement du pays, comme le métro léger, etc. Maintenant, c’est la population qui souffre de cette mauvaise gestion. C’est pour cela que c’était important pour la population de faire entendre sa voix. Il ne faut pas rester un peuple mouton. On a le droit de dire qu’on n’est pas d’accord. On demande au gouvernement de revoir ses décisions et de ne pas aller de l’avant. Pa koup nou pansion iniversel 60 an. Il faut trouver d’autres moyens pour renflouer les caisses. Ti dimounn pou soufer sinon», lâche Linda Lam, fondatrice des collectifs No covid vax for kids, Nou pas bann cobaye et Pa touss nou SIM card, en revenant sur cette réforme qui vise à relever progressivement l’âge d’éligibilité à la pension universelle de 60 à 65 ans, qui est plus que jamais the talk of the town...
**Quand la rue fait entendre sa voix **
Ils ont marché. Et ils ont aussi donné de la voix. Et cela pour dire «non». Non à la mesure concernant le relèvement progressif de l’âge d’éligibilité à la pension universelle (Basic Retirement Pension) de 60 à 65 ans. Que ce soit à Rose-Hill à travers la Plateforme citoyenne Pa touss nu pension 60 ans ou à Port-Louis à travers la Confédération des travailleurs des secteurs publics et privés, des Mauriciens ont tenu à faire résonner leur voix, en ce samedi 21 juin, pour contester la mesure annoncée par les autorités dans le dernier Budget, arguant que cette décision a été prise sans consultation tout en réclamant un recul des autorités concernant la mise en pratique de cette mesure.
Dans la capitale, c’est d’une seule voix que la foule présente a crié «Pa tous nou pansion», «Pansion enn drwa» ou encore «Siblaz nou pale», entre autres slogans qui ont animé la manifestation pacifique menée par les dirigeants syndicaux. Avec le quadricolore et des pancartes en main avec des messages comme «Travay dir, lavi dir», des citoyens étaient présents pour se battre contre une mesure avec laquelle ils ne sont pas d’accord.
Portés par des slogans revendicatifs et le son des vuvuzelas, jeunes, moins jeunes, et même des personnes de plus de 65 ans, ont pris part à cette marche syndicale, à laquelle ont aussi participé plusieurs figures politiques, dont Nando Bodha, Vasant Bunwaree, Alan Ganoo, Steven Obeegadoo et Anil Gayan. La présence de Pravind Jugnauth, leader du MSM a aussi été très remarquée. «On est venus exprimer, bien sûr, notre mécontentement face aux mesures qui ont été annoncées et nous sommes solidaires avec tous les syndicats qui ont organisé cette manifestation», a déclaré Pravind Jugnauth.
Les organisateurs de la marche à Port-Louis, parlant de la bataille contre la réforme de la pension, ont souligné qu’il s’agissait là d’un premier rassemblement. «Cette manifestation montre que la masse des travailleurs et aussi les autres couches de la population ne sont pas d’accord avec le fait que la pension de vieillesse va être démantelée. Se enn traizon vizavi bann travayer sa pei-la», a déclaré Atma Shanto, membre de l’équipe organisatrice de la marche syndicale.
De nombreux Mauriciens avaient aussi répondu présent, en ce samedi, à la marche de la plateforme Pa touss nu pension 60 ans à Rose-Hill. Certains étaient habillés en blanc, d’autres arboraient fièrement le quadricolore et scandaient des slogans revendicateurs pour dire leur désapprobation concernant la mesure que défendent les autorités. Durant cette marche, la présence de personnalités politiques comme Adrien Duval et Patrick Belcourt, a aussi été remarquée.
Pour les organisateurs de la marche de Rose-Hill, d’autres initiatives vont suivre. «Se enn mesaz de warming up ki nounn anvwaye. Il y a des actions légales qu’on prépare», a déclaré Bruneau Laurette de l’équipe organisatrice. «Zafer-la pa pou aret la. Pa tous nou pansion», a lancé, pour sa part, Deenarain Lokhee, également parmi les organisateurs.
Invité à donner une réaction aux médias par rapport aux deux marches qui ont rythmé le pays en ce samedi, le Premier ministre Navin Ramgoolam, qui se trouvait à une fonction, n’a pas voulu s’exprimer sur sujet. «Gagn drwa fer manifestasion. Se la demokrasi», a-t-il seulement déclaré.
Durant la semaine écoulée, la réforme concernant la pension universelle a aussi été au coeur d’une manifestation pacifique devant l’Assemblée nationale – avec, parmi les protestataires, l’avocat Rama Valayden – et s’est retrouvée également au cœur de plusieurs conférences de presse. C’est définitivement un sujet qui n’arrête pas de faire des vagues...
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