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Par Elodie Dalloo
7 septembre 2025 13:01
Les années sont passées mais leur chagrin et leur révolte sont tout aussi vifs. Et le verdict prononcé par la la Cour d’assises ce jeudi 4 septembre ne fait qu’ajouter à leur peine. Pour les soeurs de la policière tuée lors d’une opération sous couverture dans l’aire de stationnement de Bo’Valon Mall le 24 novembre 2020, ce jugement est loin de correspondre à ce qu’elles ont perdu et à ce qu’elles endurent depuis cinq ans. Les émotions à fleur de peau, elles se confient à nous.
Une décision judiciaire qui ne change rien à la détresse des proches de la victime. Près de cinq ans après que la Woman Police Constable (WPC) Dimple Raghoo a perdu la vie tragiquement dans l’exercice de ses fonctions, la Cour d’assises a prononcé son verdict. Ce jeudi 4 septembre, Wazil Ally Meerkhan et Bryan Josué Dylan Carman, les accusés dans cette affaire, ont écopé de 23 et 12 ans d’emprisonnement respectivement. Le premier a été reconnu coupable de meurtre sans préméditation et le second, de coups et blessures mortels sur la policière. L’attente a été longue, lourde et douloureuse pour les membres la famille de la victime, mais les peines prononcées par le juge Luchmyparsad Aujayeb ne semblent pas refermer ce chapitre douloureux de leur vie. Le cœur en mille morceaux, s’exprimer sur la sentence infligée à ceux qui leur ont brutalement arraché leur pilier leur demande énormément d’effort. «Sa santans-la ti bizin boukou plis ; li pa vo lavi enn dimounn», lâchent les sœurs de la policière, déçues et attristées.
C’est le 10 décembre 2007 que Dimple Raghoo – aussi connue sous le nom de Vanessa, Van ou Vani pour les intimes – a intégré la force policière, réalisant son plus grand rêve et celui de sa mère par la même occasion. Le sens du service ayant été l’une de ses plus grandes qualités en grandissant, elle se réjouissait de pouvoir gagner sa vie tout en faisant ce qu’elle aimait le plus : être au service des autres. Au fil des années, son assiduité et sa discipline lui ont valu un poste au sein de l’Anti Drug and Smuggling Unit (ADSU). Passionnée par son métier, elle n’hésitait pas à dépanner ses collègues lorsque c’était nécessaire. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a répondu présente lorsqu’elle a été appelée en renfort le 24 novembre 2020, bien qu’elle était en congé. L’opération sous couverture à laquelle elle a pris part sur l’aire de stationnement du Bo’Valon Mall a, hélas, pris une tournure tragique.
Ce jour-là, aux alentours de 17 heures, la policière et son collègue Gilbert Arlanda avaient dû se faire passer pour des trafiquants de drogue cherchant à acheter 600 grammes de drogue synthéthique, d’une valeur marchande de Rs 500 000. Wazil Meerkhan était arrivé au volant d’une Honda, accompagné de Dylan Carman, pour la livraison. Au moment où les deux hommes se sont rendu compte qu’ils avaient été pris dans une embuscade, le conducteur a démarré en trombe, cherchant par tous les moyens à fuir la scène et percutant les deux officiers au passage. Gilbert Arlanda a été projeté sur le côté et a perdu connaissance, tandis que Dimple Raghoo a été traînée sur plusieurs centaines de mètres après que ses vêtements sont restés accrochés au véhicule. Elle n’a pas survécu, succombant au choc de ses multiples blessures. Lors de l’autopsie, le médecin légiste a noté plusieurs blessures, notamment à la tête, au visage, à la poitrine et à l’abdomen de la jeune femme, qui était passée sous les roues de la voiture. Blessé au visage et à la tête, le policier Gilbert Arlanda a dû, pour sa part, être hospitalisé pendant plusieurs jours.
«C'est une injustice»
Bien que cinq années se soient écoulées depuis la tragédie, l’entourage de Dimple Raghoo continue de souffrir atrocement de son absence. Cadette d’une famille de sept enfants, composée uniquement de filles, la policière était devenue l’épine dorsale du foyer après le décès de leur mère et de leur père, survenu en 2008 et 2012 respectivement. «Se nou ser ki ti pe pran responsabilite nou tou. Ninport ki problem ki ti ena, li ti la pou nou», confie Prima, bouleversée. Elle poursuit : «Sa sink lane-la finn bien difisil. Kouma nou avoka finn dir dan lakour, sa dimounn-la ti bien kapav pez so frin. Nou bien ankoler. Kan nou’nn aprann zot santans, sa finn atriste nou boukou. Cela ne fait que remuer le couteau dans nos plaies toujours ouvertes. C’est une injustice. Dan Moris, li bien rar ki enn kriminel gagn enn santans sever ; mo pa konpran sa sistem-la. Se pa zis mo ser ki inplike, enn deziem dimounn ousi inn manke perdi so lavi. S’ils bénéficient d’une rémission de peine, ils pourront reprendre le cours de leur vie normalement au bout de seulement quelques années, tandis que nos vies ont été brisées à jamais. Zame nou lavi pou kapav revinn kouma avan. Nou tousel ki kone ki linportans li ti ena pou nou. Nou finn perdi enn pilie.»
Aujourd’hui encore, le départ si brusque de leur sœur continue de peser lourd. «Linn pran nou sink an pou kapav remet lipie dan Beau-Vallon. Nous nous y rendions uniquement une fois par an, chaque 24 novembre, pour déposer des gerbes à l’endroit où une stèle a été érigée en sa mémoire. Li pa ti fasil pou nou real dan sa landrwa-la parski li ti bien tro dir», relate Prima. Idem pour la maison familiale, entièrement rénovée par la défunte de son vivant, où tout leur rappelle ses innombrables sacrifices. «L’une de nos sœurs a même dû quitter les lieux pour aller vivre ailleurs car tout lui rappelle l’absence de Van.» Ce qui désole davantage les sœurs de Dimple Raghoo, disent-elles, «se kan nou mazine ki kot li ete, li pe trouv sa santans-la, ki li’nn sakrifie li dan so travay pou enn rezilta parey. Si enn dimounn desede akoz so prop neglizans, li diferan. Mais quand on l’arrache à la vie de cette manière, surtout pendant qu’elle faisait son travail, c’est dur à accepter. Eski ti bizin ariv enn lot problem pou ki zot gagn pinision ki zot merite ? Ki garanti nou ena ki zot pa pou residive kan zot libere ? Mem si zot finn pled koupab e ki sa finn zwe an zot faver, enn krim rest enn krim».
Le sentiment de tristesse, de colère et de déception est le même pour l’amie et collègue de Dimple Raghoo, qui a souhaité garder l’anonymat. «Ces deux hommes l’ont arrachée à la vie de manière atroce. Ils ont écopé d’une sentence comparable à un simple délit. Kan zot pou sorti, zot pou ankor kapav viv zot lavi, me se mo kamarad ki nepli la. Nou finn perdi enn ser, enn koleg, enn fami. Li pa fasil pou dizer sa pert-la. Nou ankor pe plor so labsans. Sa zizman-la finn sok mwa ; sa fer nou reflesi lor nou sistem zidisier», s’insurge-t-elle. Contenant difficilement ses larmes, notre interlocutrice relate : «Dimple était une bonne vivante, une bosseuse ; elle se donnait à fond dans son travail. Elle était intègre. Sauver d’autres vies lui a coûté la sienne. Combien de personnes souffrent à cause de l’ampleur que prend le fléau de la drogue ? Elle s’est sacrifiée pour arrêter ces deux individus. Mo pa konpran kouma zot finn gagn enn santans ousi feb. Li dekourazan, li pa motiv nou dan nou travay.»
Reconnu coupable de meurtre sans préméditation sur la policière et de tentative de meurtre sur l’agent Gilbert Benoit Arlanda, Wazil Ally Meerkhan a écopé de 23 ans de prison pour le premier chef d’accusation et de 12 ans pour le second. Tandis que Dylan Bryan Josue Carman a, pour sa part, été reconnu coupable de coups et blessures mortels sur Dimple Raghoo et de blessures infligées à l’agent Gilbert Arlanda. Il a été condamné à 12 ans de prison pour la première accusation et à un an pour la seconde. À ce stade, l’entourage de la défunte tente encore de digérer cette annonce. «C’est encore très dur. Nous n’avons pas encore décidé de la suite des événements. Nou pa kone si pou ena enn lazistis enn zour, me nou krwar dan Bondie. Nou zis espere ki nou ser so nam an pe. Lemal pa kapav kontign domine, nou les Bondie desid de zot sort par laswit. Nou zis swete ki kan bann-la sorti, zot pa fer sa avek lot dimounn.»
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