Publicité

Brian Dorinne, 26 ans, père d’un bébé de quatre mois, décède après l’explosion d’une bouteille d’oxygène

Son épouse : «Limem ti mo zepol, mo lame drwat»

22 mars 2025

Il a quitté ce monde dans de tristes et tragiques circonstances, à l’âge de 26 ans. Brian Dorinne, un plongeur, n’a pas survécu après l’explosion d’une bouteille d’oxygène, ce jeudi 20 mars, sur son lieu de travail. Sa famille, anéantie, crie à la négligence et réclame justice. Témoignages.

Son amour pour la mer ne connaissait aucune limite. Animé par une passion sans bornes pour les profondeurs abyssales, décrocher un travail au sein de la compagnie Blue World Explorer Ltd, prestataire de services de plongée sous-marine, était un rêve devenu réalité pour Brian Dorinne. Son premier emploi au sein de cette compagnie, le jeune homme, âgé de 26 ans, l’avait décroché avant ses 20 ans mais il avait dû donner sa démission après la pandémie de Covid-19. Il y a environ deux ans, lorsque la possibilité lui a été donnée de récupérer son poste de plongeur après des négociations sur ses conditions de travail avec son employeur, il l’a saisie, heureux de vivre de sa passion. Cela, bien que les membres de sa famille voulaient à tout prix qu’il change de voie, conscients des dangers qu’il pouvait rencontrer dans son travail. «Nous lui disions de changer de métier mais il refusait. Il ne gagnait pas beaucoup mais il ne travaillait pas pour l’argent ; sa priorité était simplement de faire ce qu’il aimait», disent-ils. C’est à contrecœur que ses proches l’ont laissé vivre de sa passion, sans se douter qu’il finirait par y laisser la vie.

Marié civilement depuis bientôt un an, Brian Dorinne s’était installé à Pamplemousses avec son épouse et les deux enfants de cette dernière juste après. Quelques mois plus tard, il a goûté au bonheur d’être père avec l’arrivée de leur fils. Il était aux anges. Cependant, la petite famille avait dû revenir vivre chez les proches du jeune homme temporairement à Résidence Malherbes, Curepipe, à cause des allergies du bébé, qui avait du mal à supporter la chaleur. C’est ce jeudi 20 mars que leur vie a basculé à tout jamais, un jour à marquer d’une pierre blanche. «Ce matin-là, avant de s’en aller, nous étions tombés d’accord sur le repas du soir. Avan li al travay, linn riye, linn dir mwa, tanto farata party. Zame mo ti pou doute ki sete dernie fwa mo pe trouv li vivan.» Son père l’a ensuite déposé à l’endroit où ses collègues le récupéraient habituellement avant de se rendre, à son tour, sur son lieu de travail. Lorsqu’il est arrivé à l’hôtel Le Méridien, à Pointe-aux-Piments, Brian Dorinne a appelé son épouse pour lui dire qu’il était arrivé à bon port, comme d’habitude. Il s’agissait de leur toute dernière conversation, quelques minutes seulement avant la tragédie.

Le jeune homme, qui travaillait comme plongeur, laisse derrière lui une famille brisée et meurtrie.

Au même titre que plusieurs hôtels, Le Méridien avait un contrat avec la compagnie Blue World Explorer Ltd, qu’il sollicitait pour ses services de plongée sous-marine pour ses clients. D’après les informations glanées par les enquêteurs auprès de ses collègues, il était environ 9h30 lorsque Brian Dorinne s’est rendu dans le compressor room de l’établissement avec sa bouteille d’oxygène pour la remplir quand celle-ci a explosé. Le choc a été si violent qu’un morceau de la toiture en tôle de la pièce a été arraché. Grièvement blessé aux deux jambes, le jeune homme était toujours conscient mais incapable de bouger. «Pa tarde.» Ce sont les dernières paroles qu’il a prononcées avant de pousser son dernier soupir en s’adressant à ses collègues, qui lui promettaient de revenir rapidement avec de l’aide. Malheureusement, lorsqu’un premier médecin est arrivé sur les lieux pour l’examiner, il était déjà trop tard. Son corps a ensuite été transféré à la morgue de l’hôpital Dr A. G. Jeetoo pour une autopsie. Celle-ci a été conduite par le Dr Jankee-Parsad et a attribué son décès au choc de ses multiples blessures.

Des questions sans réponses

Les proches de Brian Dorinne ont appris la mauvaise nouvelle bien plus tard. Son épouse se souvient dans les moindres détails de ce premier appel téléphonique l’ayant accablée. «Ses collègues m’ont contactée pour me dire qu’il avait été victime d’un accident, qu’ils comptaient me récupérer pour me conduire au poste de police. Durant le trajet, j’ai insisté pour qu’ils me conduisent à l’hôpital. Je pensais qu’il était blessé et je voulais à tout prix être à son chevet pour le soutenir. Je n’avais encore aucune idée de ce qui s’était réellement passé.» Ce n’est que lorsqu’elle est arrivée au poste, lorsqu’elle a voulu comprendre pourquoi on lui réclamait la carte d’identité et l’acte de naissance de son mari, qu’un officier de police lui a platement répondu : «Linn mor.» En une fraction de seconde, son monde s’est écroulé. Par ailleurs, les parents de Brian Dorinne ont appris son décès des voisins, venus leur présenter leurs condoléances, alors que la nouvelle avait déjà fait le tour des réseaux sociaux. «Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Qu’a-t-il fait de mal pour connaître une fin pareille ?» Toutes ces questions qui continuent d’inonder l’esprit des membres de son entourage demeurent sans réponse.

Bien que plus rien ne pourra désormais leur ramener leur proche, l’entourage de Brain Dorinne ne compte pas baisser les bras tant que la police et les autorités n’auront pas situé les responsabilités dans cette affaire. Ils crient à la négligence, convaincus que la compagnie pour laquelle travaillait le jeune homme utiliserait des équipements défectueux. L’épouse de la victime, qui a fait sa connaissance il y a deux ans sur leur lieu de travail, est, elle-même, une ex-employée de la compagnie et connaît tous les rouages du métier. Elle s’interroge : «L’employeur a-t-il veillé à ce que les équipements utilisés soient correctement entretenus avant leur utilisation ? Eski linn fer enn servicing so bann laparey ?» Pendant deux ans, elle a été la secrétaire de l’entreprise, période durant laquelle elle dit avoir été témoin de plusieurs incidents. Elle allègue que certains hôtels auraient déjà mis fin à leur contrat avec cette compagnie pour négligence, notamment à cause d’un accident de décompression dont aurait été victime un client lors d’une partie de plongée. Pour ces raisons, elle dit avoir insisté auprès de Brian Dorinne pour qu’il démissionne, craignant qu’il lui arrive quelque chose en mer. «Mo ti dir li rod enn travay lizinn ou enn travay mason, kot li pa ti pou mett li an danze koumsa, me li ti tro kontan lamer.» Selon elle, «Brian a toujours été vigilant et connaissait son métier. Ce n’était, toutefois, pas son rôle de veiller à ce que les bouteilles d’oxygène soient en bon état. Je reste convaincue qu’il a perdu la vie parce qu'il y a eu négligence».

Après le décès de Brian Dorinne, ce sont plusieurs vies qui se retrouvent à jamais chamboulées. «Nou frer ti enn bon dimounn, enn garson responsab, ki ti kontan ede. Il était de bon conseil, quelqu’un de réfléchi, toujours présent pour sa famille. Zame finn gagn problem avek li. Tou dimounn kinn konn li ti kontan li», pleurent ses sœurs et son frère. Des projets, il en avait beaucoup, particulièrement pour son fils. «Li ti anvi fer aranz enn lakaz pou so garson pou ki dime so zanfan pa mank nanye.» Mais avant cela, il envisageait de se marier à l’église. Son épouse, anéantie, lâche : «Li ti enn bon papa, enn bon mari. Après la naissance de notre fils, il avait pris un mois de congé durant lequel il lui avait consacré tout son temps. Il n’était pas du genre à se plaindre. Lorsqu’il a appris comment lui donner le bain, il insistait à chaque fois pour que ce soit lui qui le fasse. C’était le meilleur compagnon dont on puisse rêver. Il était mon soutien dans les moments difficiles, me redonnait du courage lorsque ça n’allait pas. Limem ti mo zepol, mo lame drwat. Li ti enn dimounn bien pozitif, ki ti pe trouv enn solision a sak fwa ki ena enn problem. Nou le ki li gagn so lazistis.»

À ce stade, la police continue d’enquêter afin de faire toute la lumière sur cette affaire. Après la tragédie, l’hôtel Le Méridien a, pour sa part, émis un communiqué dans lequel il se dit «profondément attristé par l’incident qui s’est produit au Diving Centre de l’établissement. Les services d’urgence ont agi promptement. Une enquête a été initiée par les autorités concernées, notamment la police». Idem pour Mukesh Buldewa, à la tête de la compagnie Blue World Explorer Ltd. Sollicité, il assure que «tous nos équipements répondent aux normes requises. Nous collaborons pleinement avec la police et attendons la suite de l’enquête pour savoir ce qui a provoqué ce triste incident. Pour l’heure, la compagnie opère toujours, sauf au Méridien, à cause de l’enquête en cours». Il donne également la garantie qu’il apportera son soutien aux proches de Brian Dorinne à tous les niveaux, particulièrement à son épouse et à son enfant.

Les funérailles de Brian Dorinne ont eu lieu à 15 heures, ce vendredi 21 mars, date à laquelle son fils célébrait ses quatre mois.

Publicité