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Par Elodie Dalloo
29 janvier 2025 09:44
Il était un époux et un père exemplaire. Débrouillard et bosseur, Veerr Luckeenarain, plus connu sous le nom de Ruttan, travaillait très dur pour que sa petite famille ne manque de rien. Propriétaire d’un snack à Lallmatie, qu’il gérait avec son épouse Priya, cet habitant de Belvédère, Brisée-Verdière, était aussi chauffeur à temps partiel. L’argent qu’il mettait de côté, il comptait l’utiliser pour assurer l’avenir de ses deux enfants – deux fils âgés de 19 et 23 ans. Malheureusement, il a été brusquement, tragiquement arraché à la vie avant d’avoir pu concrétiser les nombreux projets qu’il avait pour eux. Ce lundi 20 janvier, dans la matinée, il n’a pas survécu après que son van est entré en collision avec un autobus, un drame qui est survenu à seulement quelques jours de son 44e anniversaire. Ce violent choc frontal entre les deux véhicules a aussi fait une trentaine de blessés, dont sept ont été hospitalisés.
L’épouse de Veerr Luckeenarain est brisée, meurtrie. Le vide laissé et les changements de vie qui lui ont été imposés l’ont plongée dans une profonde tristesse. Cette perte lui semble si douloureuse qu’elle lui paraît insurmontable. Symboliquement vêtue de blanc, les yeux rougis après avoir trop pleuré, elle nous raconte ses derniers instants avec l’homme qui a partagé sa vie pendant plus d’une vingtaine d’années. «La veille, après ses courses, il m’a rejoint dans notre snack. Nous avons travaillé ensemble avant de rentrer nous reposer à la maison. Nounn koze enn tigit, nounn met matla deor, nounn dormi inpe. Apre bann zanfan inn vinn dir nou zot anvi al lamer. Mon époux était très fatigué. Il ne voulait pas y aller mais nous avons insisté. Nous nous sommes finalement rendus près d’une rivière et nous y avons passé deux heures avant de rentrer.» Avec son emploi du temps chargé, précise Priya, son époux «passait chacun de ses moments libres en famille ou alors il se reposait». Après qu'ils sont rentrés, la journée de travail de Veerr Luckeenarain n’était pas pour autant terminée. «Li ti ena enn kours Tribeca. Il m’a demandé de l’accompagner parce qu’il était épuisé. Puis, nous avons déposé les travailleurs chez eux et nous sommes rentrés.»
Un appel à glacer le sang
Comme chaque matin, Veerr Luckeenarain s’est levé aux aurores le lundi 20 janvier bien que mort de fatigue. Il est sorti du lit à 4 heures, a pris une douche, a fait ses prières et a quitté son domicile vers 4h45 pour sa première course. «Linn telefonn mwa pou lev mwa. Il m’a récupérée à 6 heures et m’a déposée au snack, puis il a été faire une autre course. Il devait déposer des travailleurs à Camp-Thorel», relate Priya. Un peu plus tard cependant, celle-ci devait recevoir un appel à lui glacer le sang. «Enn sofer ki travay avek nou inn sonn mwa pou demann mwa kot mo misie ete parski finn ena enn aksidan St-Julien. Il disait avoir vu un véhicule ressemblant à celui de mon époux. J’ai raccroché pour tenter de le joindre sur son cellulaire mais il ne décrochait pas. Mo leker inn koumans bat vit parski zame li rat mo lapel.» Elle s’est donc ruée vers le poste de police de Lallmatie, situé à quelques mètres du snack, pour s’enquérir de la situation. Au bout de seulement quelques minutes, les officiers ont pu confirmer avec leurs collègues du poste de police de Camp-de-Masque que l’un des véhicules impliqué dans un accident survenu à St-Julien était bien celui de Veerr Luckeenarain. «Dan sa ler-la, koup mwa pena disan.»
Sans tarder, Priya s’est rendue sur le lieu du drame accompagnée de ses enfants, soit sur la route principale de l’Unité, sur le St-Julien bypass. *«Les policiers présents nous ont dit que les blessés avaient déjà été conduits à l’hôpital et nous nous y sommes rendus dans l’espoir de l’y trouver. Nous étions toujours à sa recherche lorsque mon frère m’a contactée pour me demander de revenir à l’endroit où avait eu lieu l’accident. Linn dir mwa mo misie ankor kwinse dan van, ki linn fini mor. Kan monn arive, lapolis pann less mwa get li. Zot ti fini met li dan van pou amenn li lamorg. Zot finn dir mwa al rod so lak de nesans ek vinn lopital Jeetoo.» *
L’autopsie pratiquée par le Dr Prem Chamane, médecin légiste de la police, a attribué le décès au choc de ses multiples blessures. D’après l’enquête policière, l’autobus impliqué circulait en direction de St-Julien-d’Hotman lorsqu’il est entré en collision avec le van. Le conducteur, dont l’alcootest s’est révélé négatif, ainsi que le receveur et plusieurs passagers ont été conduits à l’hôpital Sir Anerood Jugnauth, à Flacq, en ambulance et par des volontaires. Sept d’entre eux ont été admis, dont le conducteur qui a eu les deux jambes fracturées. Une enquête a été ouverte afin de faire la lumière sur les circonstances du drame.
Priya et ses enfants peinent à s’en remettre. Ne contenant pas ses larmes, la veuve ne cesse de répéter avec regret : «So gramatin kan linn vinn pran mwa, sel zafer linn dir mwa se ki li fatige. Monn dir li taler kan li fini li va repoz li. Li ti enn dimounn zovial, kontan koze, riye, badine. Li ti tou pou nou.» Comme elle, les fils de Veerr Luckeenarain sont anéantis. Ils relatent que leur père «ne s’énervait jamais. Il s’adressait toujours à nous avec calme, même pour nous faire la leçon. On pouvait tout lui dire». Il a malheureusement quitté ce monde sans avoir pu concrétiser ses nombreux projets. Il souhaitait faire construire une maison pour son aîné et était sur le point d’entamer des démarches pour que son benjamin obtienne un bon travail après ses cours de plomberie. «Linn fer an sort nou pa mank nanye me linn kit tou lamem linn ale», lâche Priya, le cœur en morceaux.
Les funérailles de Veerr Luckeenarain ont eu lieu ce mardi 21 janvier.
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