Qu’est devenue Christine Duvergé, cette ancienne championne d’athlétisme qui faisait rêver les Mauriciens dans les compétitions internationales ?
J’ai pris ma retraite sportive en 1992. Je suis mariée avec Tom. Nous avons un fils, Thomas, qui a seize ans. En 2003, j’ai obtenu un doctorat en littérature française de l’University of Arizona. Depuis 2001, je suis professeur de français à l'University of California, Riverside. Mon premier roman, « Camp Agonie » (Pamplemousses Éditions) est sorti le 3 octobre 2014.
Est-ce que vous continuez à pratiquer le sport ?
Oui, absolument. Tous les jours mais comme loisir. Je fais soit de la musculation soit des séries sur la piste. Je mets le chrono et j’essaye d’améliorer mon sprint à chaque fois. Je ne peux pas m’arrêter de courir. Cela fait partie de mon ADN. Le sport me procure un équilibre physique et mental.
Qu’est-ce que le sport, l’athlétisme, a apporté dans votre vie personnelle ?
La discipline, la volonté de réussir et mon envie de devenir meilleure. Je termine toujours ce que je commence, et je n’entreprends jamais un projet à moins d’être certaine de réussir et de produire de bons résultats. Je n’aime pas rester sans rien faire. Je n’ai pas peur du travail. Je suis très dure envers moi-même, ce qui peut être torturant pour moi et mon entourage.
Vous pensez que votre bourse sport-études a été un tournant décisif dans votre vie ?
Absolument. En partant pour l’Amérique, les portes du monde se sont ouvertes devant moi. J’ai beaucoup voyagé, connu d’autres cultures, fait la connaissance des personnes intéressantes. Ma bourse m’a aussi conduite vers l’univers intellectuel. J’étudiais et je m’entraînais avec la même ardeur. Ma bourse a servi de tremplin pour mes études avancées, un terrain qui m’était jusque-là étranger.
Vous avez des regrets ?
Je crois que tout le monde en a. Cela forme partie de la vie. Je n’ai pas de grands regrets. J’ai fait des erreurs, mais rien de grave. Ce qui compte, c’est la leçon qu’on en tire. Je viens de publier mon premier roman. C’est un parcours de six ans qui vient de s’achever. Je préfère me concentrer sur mon nouvel accomplissement.
Vous estimez qu’un sportif mauricien doit obligatoirement partir à l’étranger pour progresser ?
Cela aide sans aucun doute. Maurice est insulaire, et il faut le contact avec les autres pour progresser. Par les autres, je veux dire les meilleurs que nous. Mes plus belles performances se sont réalisées dans des compétitions de haut niveau où j’avais des adversaires plus fortes que moi. De plus, courir sur des pistes étrangères rend l’athlète plus solide mentalement, ce qui ensuite l’aide physiquement.
Vous continuez d’être en contact avec vos anciens partenaires d’athlétisme ?
Oui, à travers Facebook. C’est vraiment sympa de voir le beau parcours que mes anciens coéquipiers ont fait et de voir qu’ils ont réussi. J’admire l’énergie de Gilliane Quirin, Nadine Benoît, Khemraj Naiko et Sydney Laroulette. Ils sont très actifs dans l’organisation du CNEA. C’est très important d’être à l’écoute des jeunes et de les guider. On parle d’organiser une réunion d’anciens et jeunes athlètes à Maurice l’année prochaine.
Vous continuez de suivre l’évolution de l’athlétisme mauricien ?
Je lis les journaux mauriciens en ligne. Et je crois que le pays a de très bons éléments. Il ne faut pas négliger ces talents. Les bourses sport-études aux États-Unis existent pour les jeunes athlètes internationaux. Il faudrait de nouveau explorer cette possibilité.
Votre meilleur souvenir comme athlète ?
J’en ai deux. Ma victoire aux 4x400 mètres lors des Jeux des îles de l’océan Indien en 1985 et ma médaille de bronze au 4x400 mètres lors des Championnats d’Afrique en 1992. Ces deux sacres sont mémorables pour moi parce que l’un marque le début de ma carrière et l’autre la fin, et à chaque fois, ils se sont déroulés à Maurice. Je n’oublierai jamais la chaleur du public. Pour moi, ce genre de soutien était crucial et nécessaire.
Le plus mauvais…
C’était lors d’une compétition universitaire dans le Minnesota. C’était en avril et il neigeait ce jour-là. Les flocons de neige tombaient. La piste était glissante. Mes jambes étaient carrément gelées et refusaient d’avancer. J’ai très mal couru ce jour-là.
Qu’est ce que cela vous inspire de voir Christian Boda courir encore à l’âge de 50 ans et d’être champion ?
Christian est une grande inspiration non seulement pour les plus âgés mais pour les jeunes aussi. Il a l’âme d’un champion. Sa détermination ne se limite pas aux sportifs, elle s’étend dans tous les aspects de la vie. C’est-à-dire quand on veut une chose, quand on aime cette chose il faut le faire avec enthousiasme.
Un conseil pour les jeunes athlètes…
Il faut rêver. Mais surtout il faut avoir envie de réussir ce rêve. Il faut que cela soit important et il faut l’entreprendre avec cœur. Ce conseil n’est pas réservé aux jeunes athlètes seulement. N’importe quel jeune bénéficierait de cette leçon de vie.
Pourquoi avoir décidé de prendre une plume pour écrire un roman ?
J’ai commencé à écrire par nécessité. Ce besoin commence en 2008. Six ans plus tôt mon père meurt brutalement, et je n’arrive toujours pas à remplir le vide qu’il a laissé. L’Amérique est secouée par une crise économique. Beaucoup perdent leurs maisons et se retrouvent au chômage. J’ai peur de ce que l’avenir réserve à mon fils. Tout à coup plus rien n’est certain. Alors je me mets à écrire. L’écriture devient un exutoire, un moyen de gouverner la vie, et de la comprendre aussi.
D’où est venue l’inspiration ?
L’idée de mon roman, Camp Agonie, m’est venue dans un rêve en 2010. Une fille fuit son pays et vingt ans plus tard son oncle lui téléphone et lui annonce la mort de ses parents et qu’elle a maintenant la charge de son petit frère qu’elle ne connaît pas. Je me réveille avec cette image, et un besoin de mieux connaître cette fille. Je commence alors par me poser des questions. Qui est-elle ? Pourquoi a-t-elle fui son pays ? De quoi ses parents sont-ils morts ? etc… Petit à petit je fais la découverte du monde de Dolorès, mon personnage principal, et je deviens fascinée par elle, obsédée par sa vie. Je veux savoir comment se termine son histoire.
Vous avez des projets pour écrire d’autres livres ?
Absolument ! Je suis lancée et je ne peux pas m’arrêter. Je viens de terminer mon deuxième manuscrit. C’est le récit d’une femme qui ne sait pas qui elle est. Elle va à la recherche de sa genèse et elle découvre les secrets de sa famille. Il est différent du premier mais similaire par rapport aux thèmes. L’aliénation, l’amour et le pardon me sont très chers, et animent mes histoires. J’ai un autre projet, celui d’écrire un roman sur le sport, pour les jeunes, un roman qui inspirera et motivera la jeunesse. Je me considère aussi comme un mentor, et je pense que les jeunes ont besoin d’être entendus et guidés.
Un livre sur vous-même, votre carrière de sportive, vous tente-t-il ?
Je ne pense pas que ma vie soit assez intéressante pour y dédier tout un livre. J’aime trop imaginer pour me mettre au centre de mes histoires. Je préfère raconter des histoires avec des personnages que je mets dans des situations où je n’aimerais pas me trouver. Je trouve cela plus amusant et plus riche. Par contre, j’aimerais un jour écrire des petits récits de ma vie, des épisodes qui m’ont marquée positivement, et qui pourraient inspirer les autres.
La co-équipière par excellence
Christine Duvergé, née à Maurice, a connu ses heures de gloire sur les pistes d’athlétisme. Elle faisait partie de la génération des Sheila Seebaluck, Sandra Govinden, et Patricia Serret et était une spécialiste du tour de piste.
1985 fut une année mémorable pour elle et le sport mauricien avec la tenue de la deuxième édition des Jeux des îles de l’océan Indien sur notre sol. Christine Duvergé, qui faisait équipe avec Patricia Serret, Sheila Vyapury, Sheila Seebaluck au relais 4X400 mètres rafla la médaille d’or devant un public en liesse dans le tout nouveau stade de Réduit un après-midi d’août.
La jeune femme participa à de multiples compétitions internationales, notamment les Championnat du monde juniors, celui d’Athènes et Ontario en 1986 et 1988 respectivement, et le Championnat d’Afrique en Algérie.
Les années 80-90 furent une époque-phare avec l’éclosion de plusieurs athlètes qui ont marqué l’athlétisme mauricien. C’est ainsi que plusieurs d’entre-eux bénéficient d’une bourse d’étude à l’étranger par les autorités mauriciennes. Christine Duvergé mit le cap sur les Etats-Unis notamment au Michigan State University en 1988.
Christine Duvergé décrocha une autre médaille d’or aux JIOI de 1990 dans le 4X400. Aux States, elle enchaîna les compétitions inter-universitaires, plus particulièrement le Big Ten Championship (la ligue qui regroupe les meilleures universités américaines du mid-west). Elle mit un terme à sa carrière en 1992 après les Championnats d’Afrique, qui avaient eu lieu à Maurice, où elle remporta une médaille de bronze au 4X400.
Après un parcours en athlétisme, elle enchaîne avec un doctorat en littérature française, et enseigne à l’université de Californie, état où elle vit avec son mari. Elle a récemment lancé son premier roman, Camp Agonie, édité par Pamplemousses Éditions et disponible en librairie et dans les grandes surfaces à Rs 450.