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Covid-19 : le sport en souffrance ?

5 mai 2020

Est-ce que le monde sera comme avant ? C’est une question qui revient sans cesse. Les effets du Covid-19 se feront définitivement ressentir même après la fin de la pandémie et le monde sportif ne sera pas épargné comme beaucoup de secteurs d’activités. A Maurice, comme partout ailleurs, toutes les manifestations sportives sont à l’arrêt, et le gouvernement l’a annoncé durant la semaine, tout comme une réduction dans le budget du ministère concerné. Avant cela, certaines fédérations ont préféré couper court à leur saison 2019-20. C’est le cas pour le football local avec l’arrêt des différents championnats, Super League, D1, D2 et MFA Cup, par la Mauritius Football Association (MFA) et l’Association mauricienne d’athlétisme (AMA), qui a mis un terme à la deuxième moitié de sa saison. La crise sanitaire et le confinement ont eu raison de ces événements.

 

Mais ces annulations ne sont pas les seules préoccupations du moment. Au moment où le monde traverse par des situations compliquées sur le plan économique et social beaucoup se demandent si le sport ne sera pas sacrifié pour des besoins plus urgents. Stephan Toussaint, ministre de la Jeunesse et des Sports n’est pas de cet avis. Ce dernier pense qu’il est encore trop tôt pour avoir une vision aussi dramatique de la situation. Il est d’avis que la priorité du moment reste de sortir de la crise.

 

«Nous ignorons encore quand le monde va retrouver sa stabilité. Il va de soi qu’il ne faut pas mettre la vie de nos sportifs en danger avec la crise sanitaire que nous traversons en cette période. Nous ne pouvons rien dire maintenant vu qu’il y a beaucoup de paramètres à prendre en considération. Le plus important est d’attendre la fin du confinement et voir comment la situation va évoluer. À partir de là, nous auront une idée plus claire», commente Stephan Toussaint.

 

Il rappellera que la décision d’annuler les compétions n’est pas celle de son ministère, mais que cette prérogative revient aux fédérations sportives étant donné que ce sont elles qui organisent ces événements. «Ce sont les fédérations sportives qui organisent les compétitions et les tournois, pas le ministère. Ces instances ont pris en considération la sécurité et la santé de tout un chacun avant de prendre la décision d’annuler ces manifestations. Je tiens à rappeler à la population que pour le moment, la priorité est de continuer à rester vigilant et de ne pas prendre la situation à la légère car ce virus n’est pas quelque chose de simple», ajoute le ministre des sports.

 

Son ministère pense aussi à l’après-Covid-19 et invite toutes les fédérations à venir de l’avant avec un plan de reprise. «Les fédérations sportives devront au préalable discuter avec le ministère concernant le plan de relance de leurs activités respectives et éventuelles organisations sportives. Les fédérations sont invitées à s’enquérir des nouvelles de leurs licenciés afin de s’assurer surtout de leur état de forme physique et venir de l’avant avec un programme de mise en forme durant toute la période de confinement et après-confinement ,» indique le ministère de l’Autonomisation de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs, à l’issue d’une réunion durant la semaine avec les dirigeants du Mauritius Sports Council (MSC) et le Mauritius Multisports Infrastructure Ltd (MMIL).

 


 

Témoignages

 

Melvin Appiah (Badminton) : «Faut pas se décourager»

 

Le badiste Melvin Appiah est pleinement conscient de la situation actuelle. Le jeune étudiant pense que tout ne sera pas pareil à la reprise. Il est d’avis que le sport ne bénéficiera pas des mêmes soutiens qu’avant, et qu’il faudra se montrer compréhensible tout en gardant le cap sur ses objectifs. «Vu la situation dans le monde et dans le pays, nous ne savons pas encore si le gouvernement sera en mesure d’apporter son soutien au sport, à la reprise, comme cela se faisait avant la crise. D’ailleurs, je ne pense pas que nous allons reprendre les entraînements tout de suite puisque les regroupements sont toujours interdits et au badminton il faut être à plusieurs pour pouvoir jouer. C’est difficile de dire ce qui va se passer, avec le report des Jeux olympiques à l’année prochaine et l’annulation de bon nombre de compétitions internationales, je ne crois pas qu’un retour au plus haut niveau se fera de sitôt, d’autant qu’il est, et sera encore très compliqué, de voyager pendant un certain temps. Je pense que la priorité du gouvernement sera la stabilité économique, sociale et sanitaire des Mauriciens avant de se tourner vers d’autres secteurs. C’est une situation que nous traversons en ce moment, et il ne faut pas pour autant se décourager. Le plus important est de continuer à travailler en attendant de voir ce qui va se passer», déclare Melvin Appiah. Entre-temps, le jeune badiste poursuit ses études en ligne tout en se gardant la forme.

 

Jonathan Charlot (Ju-Jitsu) : «Le travail continue»

 

Jonathan Charlot ne jure que par le sport. Jujitsuka de carrière, il travaille comme professeur d’éducation physique dans un établissement secondaire et suit actuellement des études avancées dans le même domaine. La crise sanitaire ne laisse pas insensible le double champion d’Afrique de 2016 et ce dernier espère que le gouvernement continuera à soutenir les sportifs à travers leurs allocations du High Level malgré les contraintes économiques et sociales. «Vu la situation actuelle je pense que le gouvernement se focalisera beaucoup plus sur les affaires les plus importantes. Ce qui me préoccupe est qu’en tant que bénéficiaire d’une bourse de High Level, j’espère que nous continuerons à bénéficier de cette allocation. Sinon ce sera très dur pour beaucoup d’athlètes, notamment ceux qui dépendent entièrement de cette aide. J’ai la chance d’avoir un sponsor, mais ce soutien de l’état est également très important car cet argent me permet de couvrir mes frais médicaux et faire le suivi au niveau de la nutrition. Privés de cette allocation, beaucoup de sportifs auront du mal à s’en sortir. Pour ce qui est des compétitions, avec le report des World Games en 2022, il n’y aura pas de grands événements dans l’immédiat mais en tant que sportif professionnel, nous devons rester en forme car nous avons un niveau et un classement mondial à maintenir. Ce qui fait que le travail continue toujours», précise Jonathan Charlot.

 

Shalinee Valaydon (haltérophilie) : «Les performances vont régresser»

 

La leveuse de fonte, Shalinee Valaydon, n’est pas indifférente aux difficultés actuelles. Forte de son expérience, celle qui s’apprêtait à mettre un terme à sa carrière internationale à l’issue des championnats d’Afrique qui devaient se tenir en avril à Maurice, a vu ses plans complètement chamboulés. «Les championnats d’Afrique ont été reprogrammés pour le mois de juin, mais il se peut que l’événement soit de nouveau reporté pour plus tard dans l’année ou en 2021. Cette manifestation aurait été le dernier tournoi international de ma carrière, mais là il faudra continuer jusqu’à la compétition. Ce report et le confinement ne nous ont pas trop pénalisés car tous les athlètes se retrouvent dans la même situation et c’est sûr que les performances vont régresser. On essaie de se garder en forme, mais ce n’est pas comme à l’entraînement. J’espère également que les autorités vont être compréhensives et ne pas couper les soutiens comme les bourses du high level, le transport et d’autres aides aux athlètes. La situation que nous traversons est inattendue et compliqué mais cela ne veut pas dire que dès que le confinement sera enlevé nous allons tout de suite entamer des stages ou faire des déplacements à l’étranger, il faudra un peu de temps avant un retour à la normale. Entre-temps. Il ne faut pas oublier que pour certains athlètes, le sport c’est leur vie et si on leur prive de ses accompagnemements beaucoup vont devoir arrêter. Nous vivons tous des moments difficiles et je ne crois pas que les autorités vont sacrifier nos sportifs. Maintenant attendons la reprise pour voir comment cela va se passer», souligne Shalinee Valaydon.

 

Kevin Jean Louis (football) : «Ça va être compliqué»

 

Le football est la première discipline à avoir annulé la saison en cours à cause du Covid-19. Et du coup nul ne sait quand est- ce que les footballeurs pourront reprendre le chemin des terrains, même si, d’ordinaire, la nouvelle saison débute fin octobre/début novembre. Déjà, la FIFA vient d’annoncer qu’elle va aider financièrement les fédérations membres, soit une somme de Rs 19 millions par pays, dans un premier temps, et que d’autres fonds seront débloqués pour aider cette discipline en cette période de pandémie.

 

Cela n’enlève en rien au sentiment d’inquiétude qui ronge les footballeurs à Maurice. Leur cachet leur sert à faire rouler leur ménage, malgré que le statut de professionnel ne soit plus en vigueur. D’autres ont des fourmis dans les jambes et veulent retrouver les terrains, à l’instar de Kevin Jean-Louis. Le gardien de but de la sélection nationale et du Club M dit peiner pour s’entraîner à la maison avec le confinement. «Il y a des exercices qu’on ne peut pas réaliser chez soi. On ne sait pas quand la situation va s’améliorer», déplore-t-il

 

Selon lui, les choses risquent d’être compliquées pour le football mauricien dans le court terme. «Le foot est un sport de contact, avec de l’engagement physique et des duels. Voyez-vous un match sans contact si ce n’est que faire circuler le ballon avec les pieds ? Si dans les vestiaires on pourra observer la distanciation sociale d’un mètre, ce sera impossible sur un terrain de football. Sans contact physique et engagement ce ne sera pas du football. Rassurez-vous, moi je ferais tout pour empêcher mon équipe d’encaisser des buts quitte à aller au contact», fait ressortir Kevin Jean- Louis. De plus, celui qui compte six titres de champion de Maurice avec le Pamplemousses SC, estime que l’avenir des clubs mauriciens est inquiétant. «Pas sûr que le gouvernement et les sponsors vont injecter de l’argent dans le football à cause de cette pandémie. Cela va compliquer l’existence des clubs», ajoute le gardien de but mauricien.

 

Kelly Webb (basket-ball) : «Je vois mal les joueurs se désinfecter les mains après chaque passe »

 

L’internationale mauricienne des Malherbes Harlems avoue d’emblée manquer les séances d’entraînements avec ses coéquipières : «c’est hyper dur de s’entraîner seule à la maison». Kelly Webb pense que la reprise des compétitions de basket-ball à Maurice ne se fera pas de sitôt. «Il faut d’abord passer par le déconfinement avant de penser à une reprise. Lors des entraînements, c’est impossible de faire le social distancing dans un jeu comme le basket, c’est un sport de contact, il y a beaucoup de manipulation avec le ballon. Je vois mal les joueurs se désinfecter les mains après chaque passe».

 

Est-ce qu’une situation pareille va atténuer l’engagement des joueurs sur le terrain ? A cette question, Kelly Webb pense que la passion aura le dessus. «Si l’amour et la passion pour le sport sont toujours présents je ne vois pas pourquoi les sportifs se donneront moins qu’avant. Si d’autres se sont laisser aller pendant le confinement, ce sera éventuellement plus difficile pour eux de retrouver le niveau d’avant et il faudra redoubler d’effort. Pour la motivation, tout va dépendre de l’enjeu, certains pratiquent pour le plaisir et d’autres veulent atteindre des buts spécifiques. S’il n’y a pas de compétitions, définitivement cela jouera sur le moral de certains», répond-elle.

 

N’empêche que la jeune femme se fait du souci pour l’avenir du sport à cause du Covid-19. «C’est sûr que la pandémie a déjà et aura un impact sur le sport. Plusieurs championnats ont dû être reportés incluant les Jeux olympiques. J’ai des amis dans d’autres disciplines qui ont aussi vu leurs compétitions être annulées. Cela affectera la performance à coup sûr car l’état mental et physique ne seront plus les mêmes. Je ne suis pas vraiment inquiète pour ma discipline, il faudra bien sûr tout reprendre, revoir les bases, la manipulation et l’endurance entre autres, mais les répercussions seront bel et bien présentes», conclut-elle.

 

Textes : Qadeer Hoybun et Rehade Jhuboo

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