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8 février 2015 18:08
Il est passé par toutes les émotions. Le sentiment de fierté a fait place à de l’amertume. Au point où l’arbitre mauricien, au centre de toutes les conversations, songeait même à mettre fin à sa carrière. Le 31 janvier 2015 restera un jour à jamais gravé dans la mémoire de Rajindraparsad Seechurn.
Cet officier de la force policière, affecté à la VIPSU fêtait, ce jour-là, ses 25 ans de service. Il se trouvait à des milliers de kilomètres de nous et se préparait à aller arbitrer le match Guinée Equatoriale - Tunisie dans le cadre des quarts de finale de la CAN 2015. C’était le troisième match qu’il officiait dans ce tournoi après ceux de Burkina Faso vs Gabon et Sénégal vs Algérie.
Ce match a fait polémique car son arbitrage avait été sévèrement critiqué par l’équipe tunisienne suite à un penalty dans les arrêts de jeu accordé au pays hôte. Le but (1-1) qui suivit amena les deux équipes en prolongation où la Guinée Équatoriale força la décision (2-1). La fin du match se termina sous haute tension avec les Tunisiens qui prirent à partie notre compatriote. Rajindraparsad Seechurn devint soudainement le sujet de conversation des commentateurs de la CAN 2015 et déchaîna des réactions diverses tant à l’étranger qu’à Maurice sur les réseaux sociaux. Il devait en prendre pour son grade alors que d’autres se montrent solidaires avec lui.
«J’étais très affecté»
« En 20 ans d’arbitrage, dont 10 ans sur le plan africain, je n’ai jamais connu ce que j’ai enduré les jours suivant ce match. J’étais très affecté par les réactions d’après-match et en rentrant dans les vestiaires, sur le chaud, je voulais arrêter ma carrière d’arbitre, tellement j’ai été dégoûte et abattu. Mais lorsque j’ai commencé à recevoir des mots d’encouragement de mes collègues, arbitres, amis, des Mauriciens, de ma famille cela m’a remonté le moral. J’estime que je n’ai rien à me reprocher dans ce match et durant ma carrière», affirme Rajindraparsad Seechurn, dont c’était la quatrième CAN.
Un rude coup au moral de notre interlocuteur et sa famille. Il est marié à Vanessa et à deux fils, Rohan et Adhish, et habite à Suriman. «Ça a été un moment très difficile pour moi et ma famille. J’ai arbitré des centaines de matchs, j’ai représente le pays à plusieurs reprises et jamais on m’a mis en 'Une' des journaux. Et on essaie de me détruire. J’ai la conscience et j’ai foi en Dieu. Je sais qu’il y a plein de gens qui me soutiennent car je n’ai pas fauté», ajoute cet ancien footballeur du Savanne SC, Mahébourg United et Pamplemousses Young Boys.
Un épisode qu’il n’est pas prêt d’oublier. «Les gens ne réalisent pas que le métier d’arbitre est très difficile et dangereux. Vous avez eu la preuve une nouvelle fois avec les incidents marquant le match Guinée Equatoriale vs Ghana. Les arbitres frôlent souvent la mort. Jamais je n’encouragerai mes fils à devenir arbitre».
Sans cet incident, il est fort à parier que le Mauricien aurait été en bonne position pour arbitrer la finale de ce soir. «C’était ma quatrième CAN et j’ai aussi arbitré des matchs des Championnats d’Afrique des Nations (CHAN) et d’autres matchs en Afrique. Cela démontre que la CAF a confiance en mon honnêteté, tout comme cela a été le cas pour d’autres Mauriciens dans le passé comme les Lim Kee Chong, Nunkoo, Rama entre autres. J’estime que j’ai agi en toute honnêteté dans ce match entre la Guinée Équatoriale et la Tunisie».
Suspendu par la CAF pour une période de 6 mois après ce match controversé, Rajindraparsad Seechurn affirme qu’il maintient sa décision d’accorder un penalty à ce moment fatidique. « De là où j’étais et l’angle que j’avais sur cette phase de jeu je vous garantis qu’il y avait penalty. Je n’ai fait qu’appliquer les règles du jeu. D’ailleurs, les membres de la commission d’arbitrage ont reconnu juste après la rencontre qu’il y avait un ‘soft penalty’, donc c’était un penalty. Si demain j’aurais à arbitrer à nouveau ce match et si cette faute a lieu une nouvelle fois, je sifflerai à nouveau penalty »
Jugeant sa suspension «sévère», Rajindraparsad See-churn pense qu’il a été «un bouc émissaire» dans cette affaire. «Il y a eu des incidents après match et je pense que ma suspension a été un moyen pour calmer les choses. C’est dommage que ça tombe sur moi. La MFA va faire appel contre cette suspension». En attendant que l’appel soit entendu et une décision prise, Rajindraparsad Seechurn pourra officier sur les terrains de football à Maurice «vous savez l’arbitrage est ma passion».
Soutien ministériel
Rajindraparsad Seechurn est rentré au pays jeudi après-midi. Plusieurs de ses collègues et amis l’attendaient à l’aéroport de même que le président de la MFA, Samir Sobha. Dans la soirée, il reçoit un appel téléphonique l’informant que le ministre de la Jeunesse et des Sports, Yogida Sawmynaden veut le rencontrer. Ce dernier a publiquement accordé son soutien à l’arbitre mauricien.
C’est chose faite le lendemain matin au bureau du ministre. Les deux se rencontrent. Rajindraparsad Seechurn dit apprécier ce soutien alors que l’homme fort du sport mauricien glisse qu’il est de son devoir de soutenir un compatriote. Estimant que la peine infligée par la CAF est « sévère » à l’égard du Mauricien, il dit qu’il appuie la démarche de la MFA de faire appel contre cette sanction.
Ses collègues : « Un homme honnête et sincère »
Ceux qui le connaissent ont du mal à digérer les accusations de tricherie ou de partialité qui pèsent contre Rajindraparsad Seechurn. Un sentiment qu’on retrouve tant chez ses collègues policiers et arbitres.
« Je le connais depuis plus de 15 ans. C’est quelqu’un de sincère, dévoué et honnête qui fait son travail correctement.
Il n’est pas du genre à se laisser tremper dans des maldonnes, contrairement à ce que veut faire croire la presse étrangère. On a souffert avec lui. Vous savez, en football, les vaincus acceptent rarement une défaite », nous dit un collègue.
Balkrishna Bootun est un arbitre international, et était du voyage avec Rajindraparsad Seechurn à la CAN 2015. Une blessure de dernière minute devait le priver d’une présence sur le terrain. «C’est une personne intègre et droit. Il prend toujours les décisions qu’il faut. Les critiques contre lui et sa suspension sont très sévères», déclare celui qui le côtoie comme arbitre depuis 10 ans. D’autres arbitres, sous le couvert de l’anonymat, dénoncent la sévérité de cette suspension et approuvent la décision de leur collègue, alors que d’autres préfèrent ne pas se prononcer.
La star du web
Facebook est devenu le terrain de jeu des frustrés. Les pro-Tunisiens se sont donnés à cœur joie, certains allant même jusqu’à sauvegarder les photos de l’arbitre depuis son compte pour en créer de faux. Les insultes pleuvent de toutes parts allant jusqu’à des menaces de mort.
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