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6 août 2024 15:21
Depuis quand avez-vous le projet de traverser la Manche à la nage ?
J’ai décidé de traverser la Manche à la nage en juin 2022 avec un grand ami, Harry Sutherland. Il existe une merveilleuse communauté de nageurs en eau libre à Maurice, connectée par un groupe WhatsApp appelé «Sink or Swim». Des baignades quotidiennes sont organisées régulièrement par les membres de ce groupe. C’est un matin, autour d’un café, que quelques nageurs ont décidé de traverser la Manche à la nage.
Quelle était la motivation derrière cette traversée ?
Il y a plusieurs motivations pour moi, mais l’une des principales était de comprendre si j’avais la forme physique et la force mentale nécessaires pour traverser la Manche à la nage. 80 % de la natation sur le canal concerne l’engagement envers un régime d’entraînement qui dure un à deux ans. On m’a diagnostiqué un cancer en août 2022, ce qui m’a encore plus déterminé à relever ce défi, car l’entraînement m’a permis de me concentrer sur la natation et non sur la maladie.
Comment vous êtes-vous préparé pour cet événement ?
Un plan d’entraînement rigoureux a été mis en place, selon lequel nous nageons entre 30 km et 50 km par semaine. Beaucoup de travail a été consacré à l’entraînement mental, où je me suis concentré uniquement sur la natation. Il faut beaucoup de temps et d’engagement pour pouvoir bloquer les voix dans sa tête et avoir la capacité de ne penser qu’à la natation. Une partie importante de l’entraînement pour les sports d’ultra-marathon est de se reposer et de récupérer, ce qui semble facile mais est en réalité extrêmement difficile à réaliser.
Quels facteurs devez-vous prendre en considération lorsque vous entreprenez un projet d’une telle envergure ?
Avoir un partenaire d’entraînement engagé à travailler dur et déterminé à réussir était très important pour moi. Harry Sutherland était mon partenaire d’entraînement à Maurice et a traversé avec succès la Manche quelques jours avant moi. Un pilote de bateau et un observateur sont indispensables, il faut réserver deux ans à l’avance pour obtenir une place pour la baignade. L’équipe de soutien qui vous forme et vous accompagne est cruciale. L’équipage apprend vos forces et vos faiblesses, ce qui leur permet de travailler avec le pilote pour vous faire traverser la Manche en toute sécurité. La natation est un sport solo, mais il faut une équipe pour réussir. Le soutien de votre famille et de vos amis fait toute la différence.
Comment s’est passée la traversée ?
Lors de ma première tentative, je n’ai pas réussi et j’ai dû interrompre la baignade car j’avais trop froid. J’ai parcouru 10 km avant de devoir sortir, ce qui m’a dévasté. Cependant, la chance était de mon côté puisqu’un autre nageur a choisi de nager plus tard dans la semaine, me permettant de nager le lendemain. J’ai choisi de nager en combinaison, ayant obtenu la permission de le faire en raison de la perte de poids due à ma maladie. La traversée est dure : on ne regarde pas Douvres, le point de départ, en arrière, ni la France avec impatience. On garde juste la tête baissée, on nage à côté du bateau jusqu’à atteindre les fonds marins de France. De nombreux facteurs peuvent changer pendant la baignade, comme le vent, les courants, les blessures corporelles, les méduses, et les migrants. Dame Nature décide si vous réussissez ou non, il faut donc être mentalement préparé à ne pas réussir.
Comment vous êtes-vous senti juste après avoir terminé la traversée ?
Ce fut un moment émouvant pour moi, réussir alors que je me remettais d’un cancer m’a bouleversé. Moins de 2 500 personnes ont traversé avec succès la Manche, et faire partie de cette communauté me rend très fier.
Étiez-vous accompagné pendant que vous étiez dans l’eau ?
Harry Sutherland, qui vit à Maurice, m’a accompagné lors de la baignade. J’ai été soutenu par Derrick et Debbie Frazier, basés au Cap. Il y avait un soutien massif de la part de la famille et des amis sur un groupe WhatsApp, quelle expérience en soi de lire tous ces messages après la baignade !
Bio express : Le Sud-Africain Mark Elsbury, âgé de 51 ans, est le directeur de Nandos Mauritius. Il a fait de Maurice son deuxième pays. Marié et père de deux filles, il voue une grande passion pour la natation en eau libre et souhaite aider d’autres personnes à traverser la Manche à la nage comme lui.
Les courants, les méduses, la navigation, la pollution, les conditions météorologiques et la froideur de l’eau lui valent le surnom de «l’Everest de la natation». Le record masculin de la durée de traversée est détenu depuis le 8 septembre 2023 par l’Allemand Andreas Waschburger en 6h 45min. Le record féminin est détenu depuis 2006 par la Tchèque Yvetta Hlaváčová (7h 25min). Mark Elsbury a parcouru la distance (41.9 km) en 10h 10min 53s. Une grosse performance sachant que le temps moyen de la traversée en solitaire est de 13h 32min 27s. La distance minimale théorique est d’un peu plus de 34 km, mais avec des courants défavorables, on peut dériver et faire beaucoup plus.
Rehade Jhuboo et Qadeer Hoybun
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