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Jacques Celerine : Mes souvenirs gourmands

Jacques revient sur ses années de chef.

Cet établissement, situé face à la montagne de Tamarin et reconnu comme «le premier restaurant gastronomique de l’île», a été inauguré en 1969 et repris en 1992 par Juliette et Mario Cumdasawmy. À l’occasion des 50 ans du restaurant, un ancien chef qui y a travaillé 46 ans revient aux fourneaux et nous livre un récit succulent.

Il les dévore avec les yeux et semble déguster chaque seconde qu’il passe à les contempler. Car en regardant des photos qui retracent l’évolution du restaurant La Bonne Chute, à Tamarin, il est difficile pour Jacques Celerine, 67 ans, de ne pas se repasser sa propre histoire en tête. Dans son regard doux, de la nostalgie ; se replonger dans ses souvenirs, à l’heure où l’établissement fête ses 50 ans, le 30 août précisément, le ramène à ses premiers pas dans cet univers qu’à la base, il ne connaissait pas et qui, au fil du temps, est devenu le pilier central de toute sa vie. Il n’a qu’à fermer les yeux et il se revoit au four et au moulin lors des coups de feu, pour les grandes réceptions, à honorer toutes les commandes ou encore tout simplement à satisfaire tous les clients ou même les habitués qui viennent souvent rechercher la qualité dans leurs assiettes lorsqu’ils poussent les portes de La Bonne Chute, connu notamment pour ses plats à base de gibier.

 

Se replongeant dans les photos souvenirs, retombant sur des visages familiers et d’anciens décors qui ont laissé place à des aménagements plus modernes, Jacques, à la retraite depuis quatre ans, vivant à son rythme et cuisinant «de temps en temps pour les grandes occasions» chez lui, arrive difficilement à cacher ses émotions, entre tristesse, fierté et joie. Pour cet anniversaire spécial qui marque «une évolution» et célèbre «une longue aventure», le chef cuisinier revient entre les murs de ce qu’il considère comme sa «deuxième maison».

 

Et comme l’événement est de taille, celui qui parle de sa relation avec la cuisine comme d’une histoire d’amour  a ressorti sa veste de cuisinier qu’il portera à nouveau la semaine prochaine pour concocter les plats – sauce rouge de camarons ou encore son très connu canard à l’orange quand ce n'est pas celui aux deux olives, entre autres plats – qui ont fait la renommée du restaurant. Celui-ci a été inauguré en 1969 par Raymond de Ravel et Jacques Lenoir et leurs épouses respectives qui ont accueilli à leurs tables beaucoup de personnalités mauriciennes et étrangères. 

 

«J’avais 17 ans quand j’ai débarqué ici pour la première fois. C’était en 1970, une année après l’ouverture des lieux. J’y suis entré comme marmiton alors que je ne connaissais rien à ce monde mais très vite, j’y ai pris goût. J’ai aimé me construire dans la cuisine de ce restaurant qui a marqué la gastronomie mauricienne et où j’ai bâti toute ma carrière après avoir fait mes premières armes aux côtés du chef Paul Issoo. Il m’a transmis tous ses secrets. Pour durer dans ce métier, il faut être humble, à l’écoute, observer et surtout être patient», confie Jacques qui a vite retrouvé ses repères en retournant dans la cuisine du resto, comme s’il n’était jamais parti. Les gestes et autres automatismes reviennent instinctivement et lui, comme dans le temps, se retrouve à exécuter des partitions culinaires qui ont fait vibrer sa vie.

 

«J’ai ici beaucoup de souvenirs. Il y a toutes ces années d’apprentissage avec messieurs de Ravel et Lenoir. Il y a toutes ces recettes travaillées, réadaptées et qui ont traversé le temps.  Il y a ces nombreuses heures de travail, les moments de rush, de stress, toutes ces fêtes, tous ces réveillons de Noël et du 31 décembre que j’ai passés ici, loin de ma famille, les coups de gueule, les moments de pression, le passage de cyclones et les dégâts qu’ils ont laissés derrière eux…  Bref, c’est ici que j’ai grandi et que j’ai cultivé ma grande passion pour la cuisine, tout en vivant beaucoup de choses», se remémore un Jacques plein d’entrain qui a hâte de relever le défi que les nouveaux propriétaires, Juliette Cumdasawmy, son fils Oliver et son frère Mario, lui ont lancé.

 

«Comme une famille»

 

«Cuisiner n’a jamais été une corvée pour moi. Je l’ai toujours fait avec plaisir et de tout cœur.» Et même si sa famille – son épouse Jeanine et ses filles Virginie, 32 ans, et Anaëlle, 26 ans –,  en a souffert en raison de tous les moments qu’il passait loin de chez lui, Jacques se dit chanceux d’avoir fait un métier qu’il aimait : «C’est rare de nos jours d’avoir un emploi dans lequel on peut s’épanouir. Dans mon cas, je suis l’homme que je suis aujourd’hui grâce à l’emploi que j’ai eu. Et on sait qu’on est à la bonne place quand on voit une personne attaquer un plat avec appétit et avec le sourire, et aussi lorsque les assiettes reviennent vides à la cuisine. Le fait qu’on fasse à nouveau appel à moi me touche énormément, c’est pour moi comme une reconnaissance de mon travail, de mon talent…»

 

Ceux qui l’ont côtoyé disent de lui que c’est «quelqu’un qui sait fonctionner en équipe» mais qui est aussi «exigeant», ce qui le poussait même quelques fois à «élever la voix» lorsque ses instructions n’étaient pas respectées. «Mais ces moments étaient très rares», lâche-t-il avec un petit sourire : «On était comme une famille et c’est d’ailleurs toujours le cas actuellement avec la nouvelle équipe.»

 

Pour lui, ce n’est pas un hasard si le restaurant continue de ravir les palais : «Ici, on mise sur la qualité et si on est là après toutes ces années, cela veut dire ce que cela veut dire. Ce n’est pas tous les jours et ce n’est pas fréquent de voir un restaurant fêter ses 50 ans.» Il se rappelle ainsi de ces belles années quand sir Gaëtan Duval, amateur de cerf, venait souvent se délecter d’un bon plat concocté par ses soins : «On a aussi accueilli sir Seewoosagur Ramgoolam. Ces moments sont comme des souvenirs ancrés dans ma tête. Puis, je me suis toujours dit que mon métier était aussi une façon de mettre en avant mon pays. Un touriste qui repart content est quelqu’un qui va forcément garder pour longtemps un souvenir de son passage chez nous.»

 

S’il n’est pas près de révéler le succès des mets de La Bonne Chute, il avoue quand même que l’ingrédient principal est beaucoup d’amour. Puis, il n’oublie pas toutes ces rencontres, notamment avec Patrick Rebet avec qui il a travaillé, sans oublier tous ceux qui ont contribué au succès de La Bonne Chute. Pour l’anniversaire du restaurant, Jacques sera en action avec trois personnes, dont le chef actuel, Désiré Laval, et il promet de ressortir, avec ses compères, les recettes qui ont une place importante dans ses souvenirs gourmands.

 


 

En quelques mots

 

La Bonne Chute, comme son nom l’indique, était «le point de chute des chasseurs de l’Ouest après leurs parties de chasse où diverses dégustations de différents gibiers furent partagées».