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Les aventures théâtrales de David Furlong

26 juillet 2016

Racontez-nous votre parcours dans le monde du théâtre…

 

J’ai commencé le théâtre en arrivant en France, en travaillant les grands classiques avec André Limoges du conservatoire de Bordeaux (où je vivais avec mon père). À 15 ans, je suis devenu la plus jeune recrue de sa troupe amateur. Après mon bac littéraire option théâtre, j’ai commencé des études d’Arts du Spectacle à l’Université de Bordeaux. J’y ai joué mes premiers rôles importants pendant deux ans. Ensuite, j’ai tenté les concours des grandes écoles nationales en France. Je suis rentré au Théâtre National de Chaillot, à Paris, en septembre 2001. J’y ai passé trois ans intensifs de formation. En sortant de Chaillot, j’ai joué quelques rôles majeurs avec des troupes et des metteurs en scène mais très vite je voyais les limites de la place que je pouvais prendre à Paris et, surtout, je me suis rappelé que je n’étais pas Français, mais Mauricien. Je me suis rapproché des Mauriciens-Parisiens, de la littérature mauricienne (notamment en faisant la lecture des textes de feu Vinod Rughoonundun), et j’ai dévoré Maunick, Chazal. Aussi, voulais-je explorer mes racines profondes indiennes et jouer dans ma seconde langue. Quoi de mieux que Londres pour ce nouveau départ ? Installé là-bas en 2005, j’ai pris un petit boulot d’ouvreur à l’Opera Royal, tout en passant des castings. J’ai joué un petit rôle dans un long-métrage hollywoodien (Flyboysavec Jean Reno et James Franco), ensuite j’ai été pris dans une pièce de Shakespeare, puis une autre de Tagore, et je suis allé jouer au festival d’édimbourg.

 

En parallèle, j’ai créé ma propre compagnie et commencé à mettre en scène avec Exchange Theatre, qui est voué à remplir un vide constaté dans le théâtre anglais : en dehors de leur propres auteurs, il y a très peu de théâtre étranger. Depuis 2006, j’ai traduit et mis en scène des pièces de Feydeau et Sartre, j’ai écrit trois pièces, et nous avons été compagnie résidente à l’Institut français de Londres. J’ai continué aussi à jouer en France, surtout du théâtre de rue. J’ai aussi joué avec Christophe Botti, auteur parisien majeur qui m’a permis de revenir à Maurice avec sa pièce Sous La varanguel’année dernière. À mon retour, je me suis mis au travail sur The Doctor in Spite of Himself,qui me vaut cette nomination.

 

Parlons justement du Prix pour lequel vous êtes nominé…

 

Je suis longlistedpour la meilleure mise en scène aux Offies, qui sont les Off West End Awards. C’est l’équivalent londonien d’Off-Broadway, qui correspond aux salles de capacités inférieures à 800 places à peu près. C’est presque l’équivalent des Molières, mais avec des plus petits spectacles et sans vedettes, mais je suis en compétition avec des noms déjà très respectés ici. Le vote d’un jury décidera si je suis shortlistedplus tard et le vote du public aura lieu mi-2017.

 

C’est donc une adaptation de Molière en français et en anglais…

 

C’est une version très moderne, à la Breaking Bad, dans le monde d’aujourd’hui. La pièce de Molière est jouée alternativement, soit en français, soit en anglais, par les mêmes acteurs biculturels et bilingues. C’est la deuxième fois qu’on tente cette aventure. Aux débuts de la compagnie, les spectacles étaient adressés au public anglais seulement pour qu’il les découvre, et à la suite de notre résidence de création très suivie par les familles expatriées françaises, on s’est rendu compte qu’il y avait un grand public francophone à atteindre (…) Je crois que ce qui a plu et qui nous vaut cet intérêt, c’est que j’ai amené à une pièce classique ce que j’ai appris en faisant du théâtre de rue (…) Pourtant, c’est très fidèle à l’univers de la farce de Molière, nous n’avons pas changé un mot ! Je suis sûr qu’il aurait aimé notre lecture de sa pièce !

 

Ça vous dirait de venir la jouer chez nous pour une belle séance découverte ?

 

Ce serait merveilleux. J’ai été très heureux de venir enfin jouer à Maurice l’année dernière. Le temps était venu de montrer mon travail de comédien professionnel dans mon pays et j’ai été très touché par la réponse du public. Il reste d’autres facettes de mon travail à faire découvrir : l’écriture et la mise en scène. Mais la logistique d’un spectacle avec un tel décor et une distribution de sept comédiens est assez lourde et les partenaires culturels ont du mal à faire voyager des spectacles à taille ambitieuse. Ce qu’il nous faudrait, ce sont des partenaires corporatequi auraient les épaules de supporter un tel projet, en association avec les partenaires culturels. Peut-être que cet entretien est l’occasion de faire un petit signe…

 

Comment se porte le monde du théâtre en ce moment en Europe ?

 

Il est à l’image du monde actuel : il progresse sans cesse, il est de plus en plus fait de grandes collaborations internationales et d’influences qui se mélangent. Il est très divers, comme tous les médias, parfois aussi trivial qu’une mauvaise émission de télé-réalité et parfois une source de découvertes, de questionnements et de recherches sur les formes artistiques. Je trouve qu’il pose les bonnes questions face aux évolutions des mœurs ou face aux crises de repli identitaire que traverse le monde entier (…) C’est le seul art où on sent vraiment les acteurs en chair et en os, et je crois que les gens ont besoin de ce rapport-là.

 

D’autres projets avec la fameuse adaptation de Molière ?

 

Le projet principal est de partir en tournée avec ce Molière en Angleterre, hors de Londres. Bien sûr, j’aimerais aussi faire voyager le spectacle bien plus loin et jusqu’à Maurice. On y travaillera ! Sinon, chaque année, on participe à un autre événement francophile à Londres : le Festival Voilà ! On y sera cette année avec la première en Angleterre d’un texte de Laurent Gaude, un auteur français quarantenaire de génie.

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