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17 mai 2015 12:57
Comme une douche froide. Pire. Comme si on lui annonçait sa mort. Nicolas Manbode n’oubliera jamais ce moment. C’était un matin, en 2010. Il purge alors une peine de prison pour larceny. Lui, ex-toxicomane, croit qu’il a tout connu : l’enfer de la drogue, la prison. Mais ce jour-là, cette nouvelle épreuve remet toute sa vie en question. «On m’apprend alors que je suis séropositif !» nous confie-t-il.
C’est le choc : «Je me suis vu déjà mort.» Dans sa tête, tout se bouscule. Mais très vite, il retrouve ses esprits : «Je me suis senti habité par une grande envie de vivre.» Pour lui, il est hors de question de laisser la maladie prendre le dessus : «J’ai repensé à ma vie, aux erreurs que j’avais commises. Ce jour-là, j’ai eu comme un déclic.» Nicolas décide de prendre sa vie en main : «Je me suis dit que je vais réagir.» Il décide de faire face au Sida, de regarder la maladie droit dans les yeux et de se battre.
Commence alors son combat : «J’ai eu la chance de rencontrer Den Ramsamy, lui aussi séropositif. J’ai vite pris conscience qu’on peut vivre normalement avec le VIH, du moment qu’on s’y prend comme il faut.» C’est donc en novembre dernier qu’il commence son traitement. Avant cela, il lui faut accepter sa réalité : «Je suis séropositif et je vais lutter pour vivre.» Pour lui, il s’agit d’emprunter un chemin, de choisir une voie. Nicolas choisit celle de la reconstruction : «J’ai connu l’enfer de la drogue et aujourd’hui, je vois où cela m’a mené. J’ai aussi été sous méthadone, mais j’ai décidé de réagir.»
Sa méthode à lui : suivre à la lettre son traitement. «C’est gratuit. Hélas, il y a beaucoup de personnes qui n’en bénéficient pas.» Depuis sept mois, sans relâche, Nicolas est rigoureux. Tous les soirs à 21 heures, son alarme lui rappelle qu’il doit prendre ses deux cachets pour son traitement : «Bien sûr, j’ai dû apprendre à gérer les effets secondaires, les douleurs d’estomac ou encore le fait de perdre du poids. Mais le plus important, c’est la stabilisation de mon taux de CD4.»
Si le jeune homme, aujourd’hui âgé de 33 ans, fait en sorte d’aller mieux, c’est d’abord parce qu’il s’est jeté de plain-pied dans la lutte contre la stigmatisation et la discrimination dans le pays : «Qui mieux que nous, les personnes qui vivons au quotidien cette bataille contre le VIH, pour être les porte-parole de ceux qui ont le Sida dans leur vie ?» Vice-président de l’association Vivre +, cet électricien et plombier de profession, qui travaille à son compte, ne rate pas une occasion d’en parler pour briser les tabous, pour informer, pour en finir avec les préjugés et pour contribuer afin que les mentalités évoluent et que les regards changent.
S’il a choisi de mener la lutte, c’est aussi pour sa famille : pour ses proches qui le soutiennent, pour son père avec qui il a eu la chance d’apprendre un métier, pour son fils de 13 ans qui lui donne la force de continuer, mais aussi pour tous les malades et toutes les familles des victimes du VIH. Et pour Nicolas, parler publiquement et ouvertement de sa séropositivité est thérapeutique. Toutes les plateformes sont comme un moyen de s’exprimer, de dire que le sida, certes, fait des ravages, mais qu’on peut vivre avec et qu’il faut par tous les moyens le faire reculer.
L’International AIDS Candlelight Memorial 2015, prévue pour ce dimanche 17 mai à 18 heures, au Caudan Waterfront, Port-Louis, est une façon, souligne Nicolas, de conscientiser, de rendre hommage aux victimes, mais surtout d’apporter du soutien à ceux qui mènent la lutte et de leur rappeler qu’ils ne sont pas seuls !
L’International AIDS Candlelight Memorial 2015 verra la participation de nombreux artistes au Caudan Waterfront, à Port-Louis, à partir de 18 heures. Autour de la cérémonie principale, d’autres plus intimes seront organisées ailleurs dans l’île.
Des affiches pour symboliser la lutte de plusieurs personnes vivant avec le VIH ont été réalisées pour le Candlelight 2015. Ces personnes ont publiquement déclaré vivre avec le VIH et se sont ainsi fait les porte-parole des personnes directement touchées. Elles participent chacune à sa manière à la réponse au VIH. Dans cette série d’affiches, le comité national d’organisation du Candlelight a tenu à inclure feue Malini qui avait été sujette à une grande stigmatisation suite à l’annonce publique de sa séropositivité.
Le gouvernement a un devoir vis-à-vis de la population, souligne PILS. Notamment celui de s’assurer que la population bénéficie de son droit à la santé. Tester plus tôt et traiter plus tôt, tel que recommandé par l’ONUSIDA, cela est essentiel pour permettre de détecter et de traiter les nouvelles infections, d’autant qu’une personne bien traitée et suivie ne transmet plus le virus du sida.
86 063 tests de dépistage au VIH ont été faits en 2014 par le service de virologie du ministère de la Santé et de la qualité de la vie, ce qui a permis de détecter 322 nouveaux cas de Mauriciens (uniquement pour l’année) détectés positifs au VIH. À noter aussi que 70 jeunes de 15 à 24 ans et sept enfants de moins de 15 ans ont été détectés positifs au VIH l’année dernière.
Malgré les 6 138 personnes détectées positives au VIH à février 2015, à travers un test de dépistage, l’on estime à environ 4 000 le nombre de personnes qui seraient porteuses du virus du sida sans le savoir. Car elles n’ont jamais fait de test de dépistage. Ce qui fait 4 000 personnes potentiellement à risque de transmettre le virus.
La raison principale qui freine les personnes vivant avec le VIH dans leur élan de se faire dépister est la stigmatisation et les tabous qui entourent la question du VIH. Selon l’étude Stigma Index de 2013, le plus fort taux de discrimination rapporté parmi les personnes vivant avec le VIH était celle vécue en milieu hospitalier, avec 28 % des répondants qui abondaient dans ce sens. Il s’agit maintenant, à la lumière de cette 10e année de Candlelight à Maurice, de s’assurer que les recommandations déjà établies par les instances internationales et nationales soient dûment appliquées.
De 1987 à décembre 2014, 953 personnes vivant avec le VIH au total sont décédées. De janvier à décembre 2014 115 personnes sont décédées.
Si au moment de notre interview, Nicolas Manbode était en liberté, nous avons appris, vendredi matin, que suite à une comparution en cour jeudi dernier, il a été condamné à deux ans de prison pour un cas de larceny, qui date de quelques années.
Sollicité pour une réaction, Danny Philippe, travailleur social et national coordinator pour le Candlelight, nous a fait la déclaration suivante : «Nicolas a été rattrapé par un ancien ‘‘case’’. Depuis 2011, il était en liberté et il a démontré qu’il avait choisi la réhabilitation. Il avait un boulot et avait retrouvé une vie familiale stable. De plus, il s’était activement jeté dans le combat de la lutte contre le sida. Pour moi, la justice aurait dû tenir compte de tous ces faits.»
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