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Blanchiment d’argent allégué

Wendip Appaya, entre train de vie extraordinaire et gros soupçons

8 septembre 2025

L’homme d’affaires connu pour avoir bâti sa réputation dans le secteur du nettoyage industriel via DynaPro Cleaning Services, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une enquête de grande envergure pour blanchiment d’argent. En quelques jours seulement, il est passé du statut d’entrepreneur modèle à celui de suspect placé en détention provisoire par la Financial Crimes Commission (FCC). Voici pourquoi.

De success story entrepreneuriale à enquête de grande envergure pour blanchiment d’argent. C’est le sort actuel de l’homme d’affaires Wendip Appaya qui a été appréhendé par les enquêteurs de la Financial Crimes Commission (FCC) le mercredi 3 septembre. Une arrestation qui a particulièrement choqué et fait jaser, notamment en raison des véhicules de luxe saisis chez cet habitant de Tranquebar : une McLaren Artura, une BMW M8 et un Range Rover Vogue valant plusieurs millions de roupies !

Selon les enquêteurs, ces acquisitions, entre plusieurs autres effectuées entre 2020 et 2025, paraissent disproportionnées au regard des revenus déclarés par l’homme d’affaires de 43 ans à la Mauritius Revenue Authority. La FCC soupçonne que ces biens proviennent d’activités financières illicites et a publié un communiqué officiel sur sa page Facebook pour justifier l’arrestation du quadragénaire. L’organisme précise qu’il a des «reasonable grounds» de soupçonner l’entrepreneur d’être engagé dans de multiples transactions louches émanant de «proceeds of crime».

Selon la FCC, Wendip Appaya a fait l’acquisition de plusieurs véhicules ces cinq dernières années, pour une somme totale tournant autour de Rs 80 M, soit 23 entre janvier 2020 et mars 2024 pour une somme de Rs 64 930 459, via la compagnie Dynapro Cleaning Services dont il est le directeur ; trois autres pour la même période par l’entremise de Rent a Cradle Co. Ltd dont il est également le directeur, pour une somme de Rs 2,3 millions ; et trois autres encore entre avril 2024 et mars 2025, pour la somme de Rs 7 979 565, au nom de Dynapro Cleaning Services. Wendip Appaya a comparu devant le tribunal de Port-Louis. Il fait d’ailleurs l’objet d’accusations provisoires de money laundering sous le Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act 2002 et d’infraction au Financial Crimes Commission Act 2023. La FCC a objecté à sa remise en liberté sous caution. La raison principale est qu’une enquête est toujours en cours.

Réseau présumé

L’arrestation de Wendip Appaya s’inscrit dans un contexte plus large de lutte contre le blanchiment d’argent avec un réseau présumé qui impliquerait plusieurs personnalités, dont l’ancien patron de la Special Striking Team (SST), le SP Jagai, poursuivi dans l’affaire Reward Money, et son fils Ashik Allysaheb Ameersaheb Jagai, arrêté le 2 septembre sous une accusation de money laundering. Il n’a pas obtenu la liberté conditionnelle, la FCC évoquant un risque d’ingérence auprès de témoins et de manipulation de preuves. Quoi qu’il en soit, ces connexions alimentent l’hypothèse d’un système organisé de transferts et d’investissements occultes.

Jusqu’à récemment, Wendip Appaya était présenté comme un self-made man, symbole de persévérance et d’innovation dans le secteur des services de nettoyage. Sa réussite fulgurante avait cependant déjà soulevé des interrogations en lien avec l’augmentation rapide de son patrimoine. Aujourd’hui, la FCC enquête pour savoir si ce succès pourrait avoir été alimenté par des transactions financières douteuses. L’affaire a suscité une couverture médiatique intense, la presse relatant chaque étape – arrestation, perquisition, saisies, comparution devant le tribunal –, avec un Wendip Appaya apparaissant tout sourire à chaque fois.

La révélation des montants dépensés pour des véhicules de prestige a fait le buzz et provoqué un vif émoi dans l’opinion publique. Selon des sources proches de l’enquête, Wendip Appaya pourrait être impliqué dans du blanchiment d’argent pour le compte d’un suspect de l’affaire Reward Money, en relation notamment avec le fils du SP Jagai. L’homme d’affaires serait le contact person qui effectue la collecte du protection money qu’il aurait ensuite blanchi via l’achat de belles voitures avec plaques privées ou encore dans l’immobilier. Une source proche de l’enquête avance qu’il serait impliqué dans cette combine depuis plus de trois ans.

Décès suspects

Des éléments de l’enquête indiquent également que Wendip Appaya pourrait avoir des liens avec des décès suspects dont l’un des victimes serait «so zom». Ce dernier est mort en détention dans des circonstances troublantes. Le Directeur des poursuites publiques a d’ailleurs initié une enquête judiciaire dans cette affaire. Rama Valayden est l’avocat de la famille endeuillée.

Wendip Appaya est également connu pour ses relations avec Steven Mootoocarpen, courtier automobile et bodyguard du fils du SP Jagai. Soupçonné d’être impliqué dans plusieurs transactions financières douteuses, celui-ci avait également été arrêté par la FCC le 5 août 2025 et plusieurs véhicules – dont un appartient à Wendy Appaya – avaient été saisis chez lui. Cet habitant de Petit-Verger, provisoirement accusé de blanchiment d’argent, est actuellement en liberté conditionnelle. Fait marquant : Wendip Appaya était recherché depuis la descente au domicile de Steven Mootoocarpen.

Les deux hommes sont connus pour être «de bon kamarad». Toutefois, l’entourage de Steven Mootoocarpen s’étonne «kouma enn garson intelizan kouma li inn rant dan sa piez-la». On se souvient qu’en 2021, il avait été arrêté après une descente policière musclée à son domicile menée par un des suspects dans l’affaire Reward Money. Ce jour-là, les policiers avaient affirmé avoir «ramas lagrin gandia dan so lakour». «Zot inn piez li koumsa mem. Linn koumans mars ek zot apre», allègue un proche. Steven Mootoocarpen travaille lui aussi à son compte. En plus de faire de la garde rapprochée, il est courtier dans le secteur automobile et gère une compagnie de construction. À un moment, il s’était associé à un ami pour opérer un magasin spécialisé en tuning mais leur partenariat n’a pas fait long feu.

Quoi qu’il en soit, la FCC poursuit son enquête sur Wendip Appaya et ses connexions afin de déterminer l’origine exacte de ses fonds et la légitimité de ses acquisitions. Le suspect, dont le parcours judiciaire ne fait que commencer, a retenu les services de l’avocat Yash Badhain. Les prochains jours seront décisifs et les limiers pourraient procéder à de nouvelles interpellations en lien avec cette incroyable affaire. Une affaire qui illustre la volonté de la FCC de frapper fort contre le blanchiment d’argent et rappelle combien la réputation d’un entrepreneur peut être fragile face à des soupçons financiers et judiciaires.

Le fils du SP Jagai au cœur des accusations

Ashik Allysaheb Ameersaheb Jagai, 24 ans, a été arrêté et traduit devant le tribunal de Port-Louis le 2 septembre sous trois accusations provisoires de blanchiment d’argent. Les faits reprochés se seraient produits entre avril et août 2024 à Vallée-des-Prêtres. Lors de son arrestation, la FCC a indiqué que le fils du SP Ashik Jagai est le propriétaire de deux véhicules, une Ford et une BMW, et de deux portions de terrain qui seraient en partie ou en totalité dérivées d’un crime. La FCC s’oppose fermement à sa remise en liberté conditionnelle, invoquant un risque d’ingérence auprès des témoins et de manipulation de preuves. Yash Bhadain, son avocat, a toutefois présenté une motion pour demander sa libération sous caution. Elle sera débattue le 9 septembre. Présent au tribunal, le SP Jagai, s’est contenté de déclarer : «Ça se passe très bien.»

L’ancien patron de la SST libéré sous caution après 20 jours de détention

Le tribunal de Port-Louis a ordonné, le 2 septembre, la remise en liberté conditionnelle du SP Jagai. Âgé de 57 ans, l’ancien patron de la SST avait été arrêté le 13 août 2025 dans le cadre de l’affaire Reward Money. Il est resté en détention pendant 20 jours. Trois cautions de Rs 500 000 et une reconnaissance de dettes de Rs 2,5 millions lui ont été imposées, en plus de l’obligation de rester joignable et de ne pas approcher témoins ni suspects. La décision a été prise par le magistrat Prashant Bissoon après que la Woman Police Chief Inspector Arline Raymond de la FCC a indiqué que l’organisme n’avait pas d’objection à sa libération. Elle a toutefois précisé que l’enquête reste une long inquiry et que d’autres auditions sont prévues. Lors de l’arrivée du suspect au tribunal le 2 septembre, ainsi qu’à sa sortie, un important dispositif de sécurité a été déployé, avec barrages et forte présence policière. Le SP Jagai est apparu serein, sans casque ni gilet pare-balles cette fois.

Le haut gradé de la police fait face à trois accusations provisoires d’abus de fonction. Il est soupçonné d’avoir recommandé illégalement, entre août 2022 et septembre 2024, le versement de primes totalisant plusieurs dizaines de millions de roupies à des informateurs sur des réclamations introduites par le sergent Hossen. Le SP Jagai devra à nouveau se présenter en cour le 21 janvier 2026. Selon son avocat, Me Raouf Gulbul, «la vérité finira par éclater».

Kobita Jugnauth interrogée dans l’affaire des valises contenant Rs 114 millions

L’épouse de l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth a été convoquée par la FCC le 3 septembre. Son interrogatoire – durant laquelle elle a fait valoir son droit au silence – a duré moins d’une heure. Il s’inscrit dans le cadre de l’enquête sur la saisie record du 15 février 2025 où quatre valises contenant Rs 114 millions, dont une partie en devises étrangères, avaient été découvertes dans les locaux de My Holidays Ltd à Pointe-aux-Canonniers. Ces valises appartenaient à Josian Laval Deelawon et Chandradeo Oomah, associés de la société.

Outre l’argent liquide, les enquêteurs avaient mis la main sur sept montres de luxe des marques Cartier et Rolex. À l’issue de son audition, Kobita Jugnauth a quitté les locaux de la FCC accompagnée de son homme de loi, Me Raouf Gulbul, sans faire de commentaires. À l’extérieur, l’attendait son époux, entouré d’anciens ministres et de partisans du MSM. Pravind Jugnauth avait été arrêté dans cette affaire avant d’être libéré sous caution.

Le commissaire de police met fin au système de «Reward Money»

L’affaire Reward Money continue de faire des vagues au sein de la police. Ce système, qui permettait d’octroyer des primes aux policiers et informateurs en fonction des saisies réalisées, a été jugé source de dérives et de détournements massifs. Le commissaire de police a ainsi annoncé sa suppression pure et simpl ; il sera remplacé par des procédures strictes encadrant désormais le recours aux informateurs. Cette décision vise à restaurer une certaine transparence, alors que plusieurs officiers supérieurs, dont le SP Jagai, sont soupçonnés d’avoir profité indûment de ce mécanisme.

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