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Par Amy Kamanah-Murday, Yvonne Stephen, Qadeer Hoybun, Stephanie Domingue, Stéphane Chinnapen, Rehade Jhuboo
16 février 2025 10:20
C’est un milestone en politique. Une étape importante dans la chronologie d’une prise de pouvoir. Surtout après un historique 60-0 et le retour d’un ancien Premier ministre qui était «fini» selon ses détracteurs. Après les 100 premiers jours d’un gouvernement, c’est une tradition de faire un premier bilan de son action (de voir s’il a tenu ses promesses électorales, s’il apporte l’alternance promise…). Nous avons demandé à des Mauriciens.nes de nous dire s’ils.elles pouvaient humer le changement avec l’Allians Sanzman... Le parfum est perceptible pour certains.es, beaucoup moins pour d’autres. Tous.tes espèrent, néanmoins, que les espoirs placés en cette nouvelle équipe n’auront pas été vains et que les engagements pris par celle-ci ne s’envoleront pas au vent.
Arvind Bhojun, président de l'Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE) : «Le bilan jusqu’ici est positif»
«Cela fait trois mois que nous avons un nouveau ministre de l’Éducation et je dois dire que le bilan jusqu’ici est positif. Désormais, nous avons une plateforme qui permet la discussion entre les différents partenaires du secteur éducatif, chose qu’il n’y avait pas dans le passé, car on prenait note des annonces faites dans les médias avant de les appliquer. C'étaient des décisions qui, dans la pratique, ne marchaient pas. Aujourd’hui, cette pratique a disparu parce qu'avant toute prise de décision, il y a un dialogue, ce qui est définitivement une bonne chose.
Avec l’arrivée du nouveau ministre, il y a plusieurs anciennes mesures, qui étaient au détriment de l’étudiant, qui ont été abolies. Par exemple, l’Extended Programme qui était chaotique pour les enfants et qui faisait qu’à la fin du jour, le nombre d’élèves à avoir échoué était énorme. Ils ont à la place introduit le Foundation Programme qui a été fait avec les différents stakeholders du domaine. Donner la possibilité à ceux qui décrochent moins de cinq credits de poursuivre leurs études est une autre décision qui a été prise dans l’intérêt des enfants. Les Assises de l’Éducation qui auront lieu en avril sont très attendues, car il y a encore beaucoup de choses qui restent à faire pour améliorer le secteur éducatif.»
Jimmy Veerapin, organisateur de concerts et de festivals : «On leur donne encore un peu de temps mais…»
«Il faut l’avouer, c’est toujours un peu problématique pour l’organisation de concerts, et je ne sais pas à quoi servira un one-stop shop s’il faut toujours des permis ici et là. Je pense aussi à un recensement de tous les organisateurs d’événements, car on se retrouve des fois avec des concerts mal organisés, et ceux qui sont les plus pros paient les pots cassés à cause de ceux qui le sont moins ou qui n’ont aucune expérience et finissent avec un événement mal organisé. Mais le plus important, le plus grand challenge du gouvernement vis-à-vis des artistes, est de les reconnaître. En ce sens, le Status of Artist Bill doit être revu. Ce sont tous des gros dossiers en somme, et on leur donne encore un peu de temps, mais il ne faut pas que cela reste des annonces jolies à entendre comme dans le récent discours-programme, parce que tous les gouvernements qui se sont succédé ont souvent annoncé uniquement, sans concrétiser.»
Valentina Première, mère de famille, entrepreneure : «Pas un magicien !»
«Je vois que c’est une équipe qui essaie de tenir ses promesses. Qui a une certaine bonne volonté. Mais, soyons honnêtes, le gouvernement n’est pas un magicien ! En 100 jours, tout ne peut pas changer, tout ne peut pas s’améliorer. Moi, j’ai pris la décision de regarder le travail, l’engagement. Certaines personnes sont genuine et ont, on le sent, cette envie de travailler et d’avancer. Je trouve que le ministre de l’Éducation se débrouille bien, qu’il connaît son dossier, c’est important pour nous, parents. J’apprécie également la franchise d’Anabelle Savabaddy, elle a la niaque, elle veut faire bouger les choses. En tant qu’actrice et réalisatrice, je suis déçue que des films locaux n’aient pas été projetés au cinéma pour le Festival Kreol et pour l’Abolition de l’Esclavage. Il faut partager et promouvoir la culture mauricienne et la culture cinématographique locale.»
Anne-Laure Larcher, judokate : «Les choses tardent à bouger»
«Jusqu’à présent je ne vois pas de changement. Ça fait plusieurs années que je pratique le judo et je pense qu’il y a encore des améliorations à faire dans le sport à Maurice, comme mettre en place une structure plus élargie du programme sport-étude afin qu’un plus grand nombre de jeunes qui désirent faire carrière dans le sport puissent faire les études et s’entraîner en même temps. Je suis judokate au sein d’un club qui n’arrive pas à avoir son affiliation de sa fédération. Qu’est-ce qui m’arrive si je me blesse en compétition ? Nous ne bénéficierons pas d’une couverture d’assurance comme les clubs qui ont une affiliation. Cela fait cinq ans que mon club se bat pour avoir cette affiliation, mais les choses tardent à bouger. J’entre à l’université bientôt, mais contrairement à d’autres athlètes, je ne bénéficie d’aucune aide, alors que d’autres sportifs ont le soutien du Trust Fund. J’espère vraiment que les choses vont changer.»
Madhav Sakurdeep, expert en informatique : «En mode wait and see»
«En tant qu’informaticien, je pense qu’il est encore trop tôt pour se prononcer. Mais il y a déjà une grande mesure concernant ceux qui avaient réenregistré leurs cartes SIM, même si on ne sait pas jusqu’à quel point ça part. Je pense aussi à l’annonce du Mobile I.D. Je pense qu’avant d’annoncer quelque chose d’aussi fort, il faudra tout d’abord revoir toute l’architecture autour de la sécurité informatique, avec tous les protocoles standards de mise. Aussi, il y a tout un travail qu’il faudra entamer pour redonner la confiance au public, surtout après les histoires de cartes SIM à réenregistrer, par exemple. Le ministre concerné a donc un large chantier, mais il me semble qu’il a les compétences qu’il faut.»
Faridah, maman de cinq enfants : «Manger sainement coûte aussi cher»
«Je ne constate aucun changement qui aurait pu m'aider avec ma tribu. Les frais scolaires sont toujours coûteux. Je l'ai surtout ressenti avec ma grande qui est entrée en Grade 12 cette année. Les livres scolaires ont coûté près de Rs 2 000 ! Pour les plus petites, je paie toujours le van scolaire ; même si j’avais entendu parler d’une certaine gratuité à ce niveau. Et quand je fais mes courses, j’ai besoin de m’accrocher. Il me faut être solide et vigilante. Les prix n'ont pas changé et si on veut manger sainement ici, cela coûte cher, que ce soit avec ce gouvernement actuel ou avec l'ancien régime. Et puis, le fait que le 14e mois ait été limité, j’ai trouvé cela injuste ! Nous avons des dépenses, nous aussi !»
Amar Deerpalsing, président de la Fédération des PME : «Trouver d’autres avenues pour alléger notre fardeau»
«Je dois dire qu’il y a eu, jusqu’ici, quelques consultations pendant lesquelles on a eu l’occasion d’exprimer nos préoccupations par rapport à la situation. Maintenant, on attend que les décisions adéquates soient prises. Les Assises de l’Industrie sont une bonne chose et nous attendons que le rapport soit prêt. Nous attendons aussi que les nouveaux Conseils d’administration au sein des institutions soient constitués et la nouvelle direction que prendront les différents ministères.
À ce jour, nous sommes arrivés à un consensus où nous savons que des décisions doivent être prises pour soulager les difficultés que rencontrent les petites et moyennes entreprises. Il faut revoir le système et les procédures en place. Le problème de la main-d’œuvre est un gros souci qui bloque l’investissement et le développement. Il y a aussi un comité ministériel qui a été mis en place et nous espérons que cela donnera les résultats escomptés. En ce qu’il s’agit du financement, nous essayons de trouver d’autres avenues pour alléger le fardeau des PME. Je pense qu’il est trop tôt pour faire un bilan. Avec le nouveau Budget, on espère tous qu’on ira dans la bonne direction.»
Sarjoo Gowreesunkur, dirigeant sportif : «Le combat contre la drogue doit être la grande priorité»
«Trois mois, c'est insuffisant pour juger un nouveau gouvernement. La population a ressenti un certain feel good factor lié à sa liberté d'expression retrouvée, mais de nombreux efforts restent à fournir et cela nécessitera du temps. La lutte contre la drogue reste une priorité majeure, il est nécessaire de contenir ce fléau qui touche particulièrement les jeunes, alors qu’ils sont la relève, tandis que parallèlement, nous avons une population vieillissante. C’est un combat qui nous concerne tous et qui mérite une sensibilisation plus agressive. La nouvelle génération, qu’on appelle Z et Alpha, doit pouvoir s’exprimer et s'épanouir à travers des plateformes d'activités.
Il est nécessaire de revoir intégralement le fonctionnement de nos institutions en privilégiant la compétence, le mérite et la responsabilité. L'inflation représente également un autre enjeu majeur nécessitant des actions immédiates.»
Trinida Chetty, CEO de Deco Design : «On enfonce les PME dans un gouffre»
«Le gouvernement s'est engagé à créer un environnement propice au développement durable du secteur des petites et moyennes entreprises et, surtout, à répondre de manière proactive aux besoins en constante évolution des PME à Maurice. Même si nous comprenons qu’après une réélection au bout de 10 ans, le gouvernement fait face actuellement à plusieurs défis, il y a une nécessité urgente de faire un état de la situation du pays. Nous ne pouvons qu’accentuer l’importance de donner aux PME les appuis nécessaires afin de nous soulager au plus vite. Il est vital que les PME retrouvent leur stabilité après une chute accrue de notre roupie. Les importateurs souffrent, mais le consommateur encore plus. Il est primordial de revoir les taux de prêts financiers qui ne sont aujourd’hui pas intéressants, je dirai même qu'on est en train d’enfoncer les PME dans un gouffre. Nous réitérons notre demande au gouvernement de rapidement prendre le dossier des PME en main afin que nous puissions respirer.»
Marcel Lindsay Noë, consultant en communication et tourisme culturel, producteur et ingénieur d'idées : «Repenser le tourisme et le branding de Maurice»
«Vu l'énormité de l'escroquerie que nous a laissé le gouvernement précédent, je pense qu'il faut du temps pour démêler toutes ces ramifications mafieuses et établir des faits concrets afin de pouvoir entamer des poursuites pénales sûres. Du côté du tourisme, la dilapidation des budgets promotionnels inefficaces, entre autres, est une grosse épine dans le cœur même de la MTPA. Il faut tout revoir dans le court et moyen termes tout en jetant un oeil en avant afin de pouvoir profiter des opportunités promotionnelles mondiales sur lesquelles nous pourrions nous greffer. Par exemple, le rassemblement des Grands Voiliers en juin 2026 pour la célébration du 250e anniversaire de l'Indépendance de l’Amérique. Il faudrait oeuvrer pour qu'une bonne partie de ces Grands Voiliers viennent ensuite à Maurice pour un grand Festival international de la mer. Il faut aussi définir notre branding/image de marque... en général... pas uniquement au niveau du tourisme.»
Changements de l’Alliance du Changement… ou pas
Trois mois déjà que nous avons un nouveau gouvernement. L’Alliance du Changement a annoncé pas mal… de changements avant les élections, mais a-t-elle commencé à tenir ses promesses ? Un petit tour d’horizon autour de ce qui a été concrétisé... ou pas.
***Des changements ***
Baisse du prix de l’essence (même si c’est uniquement de Rs 5, moins que dans le programme de l’Alliance).
Education : les élèves peuvent intégrer le Grade 12 avec seulement 3 credits.
Une MBC qui vise un peu plus la qualité avec une nouvelle direction.
L’exercice de réenregistrement de cartes SIM n’est plus.
Le fameux 14e mois est d’actualité, mais n’a concerné qu’une partie des salariés : uniquement ceux en bas du seuil de salaire des Rs 50 000.
Un Parlement plus calme.
Nouvelle politique autour de la roupie à la Banque de Maurice.
Hippisme : le Mauritius Turf Club reprend le contrôle du Champ de Mars.
***Des changements annoncés et attendus ***
Freedom of Information Act.
Transport gratuit pour tous.
Internet gratuit pour les familles.
Loi sur le financement des partis politiques.
Construction d’une salle de concert bien comme il faut.
Baisse des prix des médicaments.
Abolition des Rs 150 de redevance de la MBC.
Remplacement de l’ADSU par une autre unité et remplacement de la Financial Crimes Commission par une autre institution.
Un tout nouveau Master Plan sur la situation de la drogue à Maurice.
Traitement à l’étranger : le gouvernement prendra en charge le coût total des patients.
Création d’un fonds spécial à partir des recettes de la loterie nationale pour soutenir les sportifs d’élite, y compris leur participation à des événements régionaux, et assurer la gratuité de leurs entraînements.
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