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180e anniversaire de l’abolition de l’esclavage

2 février 2015

Get divan nou avanse, c’est le thème des célébrations entourant le 180e anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Comment faut-il l’interpréter ?

 


L’idée de ce thème, c’est que le pays est dans un dynamisme d’avancement. On sent maintenant qu’il y a comme un réveil, une prise en main, une prise en charge de soi-même, de sa fierté d’appartenance, de son identité. Et sur le terrain, beaucoup de familles créoles progressent. C’est dans cette dynamique qu’on veut dire «Get divan nou avanse».

 


La communauté créole du pays avance-t-elle ?

 


Nos regards sont toujours pris par des préjugés. Il existe toujours des stéréotypes. Mais quand on voit, sur le terrain, les efforts qui sont faits par les familles créoles, surtout sur le plan de l’éducation, on s’aperçoit des avancements. Au vu de ces efforts, du nombre de famille qui investit dans l’éducation ou de celles qui choisissent d’investir dans un business à petite échelle et avec leurs moyens, on sent qu’il y a une dynamique d’avancement.

 


Comment se porte cette communauté aujourd’hui ?

 


Sur ce sujet, il y a souvent deux questions qui reviennent. Premièrement, il y a la question des autres : comment est-ce que les autres perçoivent ? C’est de là que naissent les préjugés. Ce qui fait qu’ils vont toujours restés. J’appellerai cela le regard de l’extérieur. Puis, il y a ce que j’appelle l’auto-désignation. Et c’est le changement qui s’est opéré et qui s’opère actuellement. Aujourd’hui, le créole a retrouvé sa dignité, ses valeurs et il est fier de ce qu’il est. C’est ce qui fait sa force. C’est pour cela que nous, au Comité diocésain 1er février, on travaille beaucoup sur le concept de l’empowerment.

 


Comment ce changement se traduit-il ?

 


Aujourd’hui, on voit les créoles s’engager dans la politique, s’affirmer davantage culturellement, revendiquer leur identité. Avant, on avait honte de dire qu’on était créole, on disait plutôt chrétien. Mais ça, c’était avant. Parce que cela offusquait. Aujourd’hui, le créole revendique cette identité. D’ailleurs, on parle de plus en plus des marrons. Hier, on parlait de la résistance des marrons, aujourd’hui, on parle plus de leur capacité à rebondir, à combattre, à avancer.

 


Croyez-vous que les Mauriciens soient conscients du symbolisme de cette commémoration ?

 


On arrive, au fur et à mesure, à associer le 1er février au Morne. Auparavant, ce n’était pas le cas. Le Morne symbolise la résistance ou encore le marronnage. Il y a une évolution, mais les préjugés sont toujours là. De par les associations qui travaillent sur les différents aspects de l’esclavage, de par cette journée de commémoration, ce n’est pas que la communauté créole qui en apprend plus sur ce sujet, mais toute la population. Cela fait partie de notre patrimoine national, de notre ADN national. Donc, il y a certainement une conscience autour du sujet. Et c’est pour cela qu’il faut commémorer.

 


Nous fêtons, cette année, le 180e anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Quelles sont les grandes étapes qui ont marqué ces dernières années ?

 


Je parle du point de vue du Comité diocésain 1er février. On a travaillé davantage sur la question de l’affirmation. On est sorti de ce qu’on appelait le malaise créole, on est entré dans la cause créole. On a fait d’un problème qui touchait une communauté, un enjeu national. Ce qui est déterminant, c’est le rapport de la Commission Vérité et Justice. Ce rapport est bien plus qu’une synthèse. Il préconise des recommandations tout en reconnaissant l’identité créole, son combat d’hier et d’aujourd’hui, et fait donc plusieurs recommandations qui malheureusement tardent à être implémentées.

 


Pensez-vous que le nouveau gouvernement aidera à faire avancer les choses ?

 


Avec tous les changements et tous les virages qu’il y a actuellement, c’est ce que tout le monde souhaite. Il faut reconnaître l’initiative de Ramgoolam d’avoir institué la Commission Vérité et Justice. Dommage toutefois qu’il n’y ait pas eu une volonté politique de mettre en œuvre ces recommandations une fois qu’elles ont été faites. J’espère que le gouvernement en place fera avancer les choses.

 


Il y a aussi la question de compensations aux descendants d’esclaves, qui revient souvent sur le tapis. Qu’en pensez-vous ?

 


Cela fait partie d’un processus de revendication et d’affirmation de l’identité. Il faut aussi faire la distinction. Le devoir de réparation est clair. Mais la question est : quelle forme de réparation ? C’est à partir de là que certains sont venus de l’avant avec la demande de compensation. Mais quelle forme de compensation ? Ce point se discute. La question est : qui compenser ? Tout le monde est d’accord qu’il y a un travail de réparation à faire et que ceux qui, aujourd’hui, bénéficient du système esclavagiste sont ceux qui sont aux premières loges lorsqu’il faut participer à la question de réparation.
 

 


Où se situe actuellement le combat pour aider la communauté créole du pays ?

 


Notre combat, on le mène surtout sur le plan culturel. Nous travaillons aussi en collaboration avec tous les linguistes et ceux qui sont pro langue créole. Puis, il y a tout ce qui se fait au sein de l’église. Le nouveau testament a été traduit en créole. Il y a aussi eu beaucoup d’études autour de la langue. Il y a également l’Institut Cardinal Margéot qui œuvre pour ce qu’on appelle le développement intégral, que ce soit dans le domaine de l’éducation ou dans le social. Le Comité diocésain 1er février est comme un catalyseur à l’intérieur du diocèse.

 


Qui dit anniversaire, dit souhait… Quel est le votre ?

 


Que la fierté d’être créole, sans être arrogante, vindicative et insolente, puisse se développer. Que ce petit enfant qui va à l’école puisse dire qu’il est un créole sans se faire rabrouer et sans être stigmatisé.

 

 


 



«Tu as du prix à mes yeux. Identité créole, malaise et reconstruction»

 


Dans le cadre des célébrations autour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le père Heriberto Cabrera procédera au lancement de son dernier livre, intitulé Tu as du prix à mes yeux. Identité créole, malaise et reconstruction (Éditions ICJM),  le vendredi 6 février à 17 heures, au centre Nelson Mandela.

 

 


 

 


Le temps d’une commémoration

 



À l’occasion du 180e  anniversaire de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, Mgr Maurice Piat présidera une messe commémorative ce dimanche 1er février, à 8h30, en l’église Saint-Cœur-de-Marie, à Petite-Rivière, autour du thème Get divan nou avanse. C’est également lui qui prononcera l’homélie. La cérémonie protocolaire se tiendra à partir de 11 heures au Morne, en présence du Premier ministre sir Anerood Jugnauth et du vice-Premier ministre et ministre du Tourisme Xavier-Luc Duval, entre autres. Une cérémonie de dépôt de gerbes, de même que le dévoilement de la sculpture réalisée par le Français Lionnel Sabatté, auront aussi lieu.
 

 


 


Bio express

 



Détenteur d’un diplôme d’Études spécialisées en catéchèse et pastorale (DES), Alain Romaine est né à Curepipe le 6 juillet 1958 et a été ordonné en 1992. Il est responsable de la pastorale des vocations et du foyer La Source, et aumônier des scouts. Chercheur, il est aussi auteur de livres.  Parmi : Religion populaire et pastorale créole à l’île Maurice.

 

 


 



Ma semaine d’actu

 



Quelle est l’actualité de la semaine qui vous a le plus marqué localement ?

 


Tout ce qui touche à la météo et aux scandales autour de la route Terre-Rouge/Verdun. Certainement, tous les Mauriciens se sentent concernés par cela et attendent des réponses.

 


Quel fait international a retenu votre attention ?

C’est tout ce qui a suivi la fusillade à Charlie Hebdo. Je dirais qu’il y a deux aspects par rapport à cette affaire. Il y a eu la grande mobilisation pour condamner l’acte de terrorisme qui est arrivé, puis il y a eu la sortie du numéro de Charlie Hebdo après ce qui est arrivé. Je dirais que c’est de l’insolence. Et qui paye cette insolence ? Ce ne sont pas les Français en France, qui sont barricadés dans leur pays. Ce sont d’innocentes victimes dans les pays arabes, africains ou nigérians qui payent.

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