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Par Elodie Dalloo
4 février 2024 21:10
Il était environ 14 heures lorsqu’il a quitté sa maison à Caroline, Bel-Air-Rivière-Sèche, en ce jeudi 1er février. Comme d’habitude, avant de s’en aller, Manav Deena, 19 ans, a rassuré son père Anil en lui promettant de ne pas rentrer tard. «Je lui ai demandé de faire attention en route parce qu’il prenait la moto et qu’il pleuvait déjà. Il m’a dit qu’il se rendait à Brisée-Verdière pour voir un ami et qu’il était question de mécanique.» Il ne s’est donc pas posé plus de questions. Il savait que son fils, qui suivait des cours dans ce domaine à l’école SSR, à Curepipe, était passionné par les véhicules et qu’il ne manquait jamais une occasion de venir en aide à un ami dans le besoin.
Dans quelque temps, Manav Deena devait aussi prendre part à ses examens et espérait s’envoler pour le Japon en juillet après avoir décroché son certificat. Il voulait y retrouver d’autres amis, qui travaillaient dans un garage là-bas, pour entamer un stage de mécanique de six mois avant d’ouvrir son propre garage dans sa cour et travailler à son compte. «Mo ti dir li pa gagn traka, ki mo pou pey so biye. Mo ti konn so kapasite ; mo ti pe fer tou pou pous li dan seki li anvi fer», lâche Anil avec regret. Des projets, ce jeune homme ambitieux en avait beaucoup, surtout lorsqu’il était question de sa vie professionnelle ; une qualité qu’il tenait de son père, son plus grand modèle, qu’il avait toujours admiré pour sa débrouillardise. Il ne manquait jamais une occasion de rendre fier son papa et celui-ci le lui rendait bien en l’épaulant et l’encourageant dans tout ce qu’il entreprenait. Malheureusement, le destin avait d’autres plans pour lui et il n’a pas eu le temps de lui montrer que tous ses précieux conseils avaient porté leurs fruits.
Anil peine à contenir ses émotions lorsqu’il revient sur cet appel téléphonique qui lui a glacé le sang. Il se trouvait à la boutique du coin vers 18h45, le même jour, lorsqu’il a eu son épouse, en larmes, au bout du fil. «Elle m’a demandé de rentrer immédiatement parce que notre fils avait été victime d’un grave accident. Linn dir mwa ki mo neve, ki polisie, ti pe plore kan linn sone pou anons li sa nouvel-la.» Peu après, des policiers se sont présentés à leur porte pour leur demander de se rendre au poste de police de Moka munis de l’acte de naissance et de la carte d’identité de son fils. «Je ne suis pas dupe ; j’ai tout de suite compris que mon fils était décédé. Mon instinct me le disait. Mo kone ousi ki lor motosiklet pena sape. Mo finn dir zot dir mwa fran ki mo garson inn mor parski mo ti pe trouve zot pe esite. Lerla zot inn dir mwa ki li pann sirviv.» Accompagné de ses amis habitants la localité, Anil s’est alors rendu au poste de police et a aussitôt entamé des démarches pour la cérémonie mortuaire.
L’accident de Manav Deena est survenu aux alentours de 17 heures sur la route principale de Gentilly, à Moka. Lorsque les limiers du poste de police de la localité se sont rendus sur les lieux, ils ont trouvé la moto du jeune homme encastrée sous les roues d’un camion, tandis que celui-ci gisait inconscient sur l’asphalte. À côté de lui se trouvait sa passagère – Dhritee Jagmohunsingh, une habitante de St-Julien Village âgée de 19 ans – dans un état tout aussi déplorable. Sollicités, le personnel du SAMU s’est rendu sur place mais n’a pu que constater le décès des deux jeunes après les avoir examinés.
D’après les recoupements d’informations des enquêteurs, le chauffeur du camion, qui circulait en direction de St-Pierre, aurait percuté le deux-roues en tentant de dépasser un autre véhicule. Cet habitant de Montagne-Blanche âgé de 39 ans a été soumis à un alcotest qui s’est avéré négatif et a été appréhendé. Le lendemain, il a comparu devant le tribunal de Moka pour son inculpation provisoire pour homicide involontaire. Les corps sans vie de Manav Deena et Dhritee Jagmohansingh ont, quant à eux, été transférés à la morgue. Une autopsie pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département médicolégal de la police, a attribué leur décès à un crushed head.
La nouvelle a été tout aussi terrible à encaisser pour les membres de la famille de la jeune femme, qui attendaient impatiemment son retour. En effet, Dhritee Jagmohansingh, affectueusement appelé Shrishtee, avait quitté son domicile la veille. En parallèle de ses cours de Nursing, elle travaillait dans une maison de retraite à Quatre-Bornes et y avait passé la nuit. Son frère aîné, Hansraj, raconte qu’elle avait appelé leur mère un peu plus tôt, le même jour, pour lui dire qu’elle rentrerait dans l’après-midi. D’après ses renseignements, «li pa ti pe gagn bis pou rant lakaz akoz konze piblik. Lerla linn telefonn so kamarad pou gagn enn lift me lor sime retour zot inn fer sa aksidan-la». Contactés par la police de Moka, ils se sont aussitôt rendus au poste où l’atroce nouvelle leur a été annoncée. Ce sont tout autant de projets qui tombent à l’eau pour la jeune femme après cette tragédie. Dotée d’un coeur énorme et d’une grande générosité, «elle voulait devenir infirmière. Sete dan so natir ed dimoun ek fer kitsoz pou lezot». Elle vouait une passion sans bornes aux animaux également. «Nou pa ti atann ditou ki nou pou perdi li koumsa. Ziska ler li ankor enn gran sok pou nou fami.»
En tant que pilier de sa famille, Anil met désormais tout en oeuvre pour que son épouse et sa fille de 13 ans surmontent cette douloureuse épreuve. «Larm-la kapav koule, me mo fier pou dir ki zame mo garson pa finn fer mwa gagn okenn problem. Il était gentil, calme, doux et obéissant. Zame nou pa finn gagn okenn lakros. Monn perdi enn perl.» La débrouillardise n’était pas la seule chose que tenait Manav Deena de son père. Le jeune homme, dit-il, avait développé la même passion pour le sport. «J’ai pratiqué les arts martiaux plus jeune, tels que le kick-boxing et le jujitsu. Avec la naissance de mes enfants, j’ai dû m’arrêter mais je continuais de faire du sport à la maison pour garder la forme. Cela a inspiré mon fils qui, dès l’âge de 16 ans, a voulu s’inscrire à la gym.»
Féru de bodybuilding, Manav Deena a participé au concours Mr Mauritius Bodybuilding pour la première fois l’an dernier et a décroché la deuxième place. «Il s’entraînait beaucoup et espérait participer à nouveau au concours à la fin de l’année parce qu’il cherchait à tout prix à être en tête. Tout ce pour quoi il se passionnait, il s’y consacrait corps et âme. Je ne peux qu’être fier de l’homme que j’ai élevé.»
Ce vendredi 2 février, les amis et autres proches des deux jeunes victimes ont fait le déplacement à leur domicile respectif pour compatir avec leur famille dans cette douloureuse épreuve. Une pluie d’hommages leur a également été rendue sur les réseaux sociaux, démontrant à quel point leur disparition tragique a choqué et laisse un grand vide. Manav Deena a rejoint sa dernière demeure à 12h30, tandis que les funérailles de son amie Dhritee Jagmohansingh ont eu lieu à 14 heures. Encore des personnes injustement arrachées à la vie et des familles brisées.
C’est une véritable tragédie que vivent les proches de ce couple. Le dimanche 28 janvier, Krishan Satyajit Beesoon, plus connu sous le nom de Kreshan, n’a pas survécu après que sa berline a fait une sortie de route sur la Nationale, à Rose-Belle. D’après les services de police, tôt dans la matinée, cet habitant de La Marie, âgé de 38 ans, était au volant de sa voiture lorsque celle-ci a dérapé sur la route glissante et a terminé sa course contre la passerelle. L’impact de cette collision a été tel qu’il a fallu l’intervention des sapeurs-pompiers pour extirper du véhicule le trentenaire et sa passagère, également âgée de 38 ans et domiciliée à la même adresse.
Ils ont tous les deux été conduits à l’hôpital Jawaharlal Nehru, à Rose-Belle, où le décès de Krishan Beesoon a été constaté par un médecin. L’autopsie pratiquée par le Dr Prem Chamane a attribué sa mort au choc de ses multiples blessures. Quant à l’autre occupante du véhicule, qui serait son épouse, elle a dû être transférée au département des soins intensifs, ayant subi de graves blessures. À l’heure où nous mettions sous presse, elle était toujours hospitalisée dans un état grave. La police de Rose-Belle a initié une enquête afin de faire la lumière sur les circonstances de ce drame.
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