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10 juillet 2023 13:55
Les semaines se suivent et se ressemblent... Car même s’ils n’arrêtent pas de dénoncer les dérives du gouvernement, de dire que la démocratie est en danger ou encore de critiquer la gestion de l’équipe au pouvoir, au moment même où le pays est secoué par des scandales, des controverses et des crises, les membres des principaux blocs de l’opposition parlementaire ont démontré à maintes reprises, ces derniers temps, qu’ils avaient bien du mal à accorder leurs violons pour être sur la même longueur d’onde concernant une éventuelle alliance dans le but de proposer aux citoyens une plateforme unie comme alternative au pouvoir en place.
En attendant, leurs éternels «koz koze» et négociations semblent faire le jeu du gouvernement qui capitalise sur l’incapacité du trio PTr-MMM-PMSD à trouver une entente dans l’intérêt du pays ; le Premier ministre Pravind Jugnauth, lui-même, ne ratant pas une occasion de parler de «forces de l’opposition désunies».
En conférence de presse le jeudi 29 juin, le leader des Rouges, Navin Ramgoolam, a expliqué ce qui retarde la concrétisation d’une alliance. «Cela prend du temps pour plusieurs raisons. Nous ne voulons pas faire alliance uniquement pour les “positions”. Il nous faut travailler sur notre programme. On ne peut pas faire une alliance et ensuite le lendemain, nous ne sommes pas d’accords sur le programme (...). Nous avons quelques différends au sujet du programme mais nous allons trouver une solution. Ensuite, il nous faut savoir ce que nous voulons car si le MSM remporte une nouvelle fois les élections, c’est la fin de l’île Maurice», a déclaré Navin Ramgoolam.
Mais entre-temps, les discussions peinent à aboutir avec plusieurs macadams qu’il faut aplanir pour qu’une alliance rouge-mauve-bleue voit le jour. Par ailleurs, les trois leaders, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval, se sont rencontrés à Riverwalk ce vendredi 7 juillet. Le programme électoral et la réponse du Commissaire électoral Irfan Rahman sur l’organisation des élections étaient au centre des discussions.
Et que pensent les membres de l’opposition extraparlementaire de ces interminables négociations entre les partis de l’opposition parlementaire concernant une éventuelle alliance ? À cette question, Géraldine Hennequin-Joulia, fondatrice d’Idéal Démocrate, nous répond que les alliances ne peuvent pas se faire à tout prix. «Ce n’est pas un misérable calcul du nombre de candidats pour chacun qui doit peser, mais à quel degré chaque partenaire s’engage dans un projet qui servira une île Maurice débarrassée de tous ces maux actuels. Sinon à quoi bon ! C’est ainsi qu’on a vu pendant des années les forces en place se faire et se défaire vis-à-vis de leurs partenaires d’hier. Il y a trop eu d’opportunisme !» souligne Géraldine Hennequin-Joulia.
Selon elle, les Mauriciens attendent autre chose aujourd’hui : «Ils attendent de voir qui va incarner ce virage dont notre démocratie a grandement besoin pour ne pas filer droit dans le mur. Vous estimez que cela tarde trop ? C’est un point de vue, mais en même temps, il est nécessaire que les partis mainstream prennent en compte l’émergence d’autres partis sur l’échiquier politique et posent dans leur calcul comment tout cela va peser au moment des élections.»
Et que fait son parti pendant ce temps quand d’autres continuent les «koz koze»? «À Idéal Démocrate, nous poursuivons notre effort sur le terrain car pour nous l’urgence est d’aller rencontrer les électeurs/électrices pour entendre, discuter et poser nos propositions. La première parmi toutes, c’est d’inviter les votants à choisir, au moment venu, les individus au sein des partis et non les partis uniquement ; des individus qui portent des valeurs cardinales pour prétendre représenter la voix du peuple au Parlement, des individus honnêtes, des hommes et des femmes compétents, des citoyens avec un sens du devoir. Cela nous évitera de voir une Assemblée nationale encombrée de députés parasites, dont l’incompétence et l’incurie coûtent chaque jour de l’argent au contribuable, ou encore des députés sans cervelle et recul qui viennent poser des questions prémâchées par leur leader», nous répond la fondatrice d’Idéal Démocrate.
Pour Géraldine Hennequin-Joulia, les citoyens ont un grand rôle à jouer par rapport à ce qui se passe sur l’échiquier politique. «Si le peuple mauricien a envie de renverser la table et de poser un nouvel ordre politique alors, il va devoir oser mettre les partis mainstream sous tension. Cela veut dire quoi ? Ne donner aucune garantie que les votes se partageront entre deux blocs, que rien n’est acquis pour personne. Il faudra faire entrer dans le jeu politique de nouveaux politiciens qui ne sont pas soumis aux diktats de leurs partis, mais qui vont défendre la voix des Mauriciens en toute circonstance», souligne notre interlocutrice.
Interrogations, réactions et commentaires... C’est aussi ce que nous livre Patrick Belcourt, leader d’En Avant Moris, sur la question de l’opposition parlementaire qui peine à tomber d’accord sur une éventuelle alliance. «Est-ce que l’opposition doit être unie pour faire face au gouvernement ? C’est toute la société mauricienne qui doit s’interroger sur cette question. Parce qu’il y a, d’une part, des torts partagés pour tous ceux qui exercent une influence sur l’opinion publique. D’autre part, les responsabilités doivent être assumées autant par les partis politiques que par les électeurs. Nous avons un système électoral qui permet de voter pour trois candidats par circonscription, et c’est ce qui permet aux électeurs de toujours se procurer une option ethnique. C’est ce qui fait que la population parle ouvertement de "paravent hindou", de "caution créole", etc... Le terme "koz koze" est rentré dans le folklore. L’électorat s’attend désormais à ce qu’il y ait deux blocs qui leur proposent leurs combinaisons ethniques, alors qu’en même temps, les dirigeants des partis politiques parlent d’unité nationale. On nage en pleine contradiction», nous déclare Patrick Belcourt.
Il s’interroge sur la logique des blocs : «Ce qui est incompréhensible dans ce pays, c’est que l’on puisse vanter l’Inde comme un modèle de démocratie et, en même temps, refuser la diversité politique qui enrichit la démocratie indienne. En Inde, c’est celui qui parvient à commander une majorité après les élections qui forme le gouvernement. Or, la Constitution mauricienne dit exactement la même chose. Pourquoi donc cet entêtement concernant l’affrontement entre deux blocs avant les élections ? Cette logique de blocs, on le voit même dans la presse, est devenue une espèce de normalité pour la société mauricienne. Mais, tout ce que cela produit, c’est cette partisanerie qui a tué le débat politique à Maurice. Parce que, pour qu’il y ait du débat politique, il faut de la diversité. Mais quelle diversité quand on se complait dans la logique des blocs ? Cela ne date pas d’aujourd’hui, mais on doit admettre qu’avec le MSM, cette partisanerie est devenue outrancière, et il faut y mettre un terme. Mais, est-ce une raison de faire bloc encore une fois ?»
Pour Patrick Belcourt, l’avenir de l’île est au coeur des préoccupations d’En Avant Moris. «N’est-ce pas le moment de mettre l’électorat face à ses responsabilités ? Cette question fait l’objet d’une attention particulière dans les discussions au sein d’En Avant Moris. Nous n’allons pas l’esquiver. Il faut du courage en politique. Dans le contexte des municipales, nous avons apporté une nouvelle dimension aux administrations locales en présentant nos collectivités comme des moteurs d’un développement durable. De la même manière, au plan national, nous viendrons poser sur la table ces questions essentielles pour l’avenir de notre pays», conclut-il en commentant l’actualité politique de ces partis mainstream grâce à qui les semaines se suivent et se ressemblent...
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