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Par Yvonne Stephen
5 octobre 2015 03:10
Un shoot de mots de mauvais goût. La dernière déclaration fracassante d’Anil Gayan a eu l’effet d’un bad trip. Pas d’hallucination possible. Il a confirmé ses dires, en fin de semaine, en précisant que c’est ainsi que les politiciens parlent en meeting.
Il y a quelques jours, le ministre de la Santé, usager des annonces et des décisions polémiques (la méthadone provoquerait la maladie d’Alzheimer ?), déclarait, lors d’une réunion politique du Muvman Liberater (ML) : «Rajesh Bhagwan pran 300 dimunn pran methadone al fer vote gramatin ek li gagn eleksion par 400 vot. Samem erer ki nou fer ek akoz sa kan monn vinn minis la sante monn met tou methadone deor depi laba.»
Une petite phrase, dite dans le feu de l’action, qui pourrait expliquer la fixation d’Anil Gayan concernant la méthadone. Serait-ce la raison de son combat récent – inutile et inexplicable, selon de nombreuses ONG qui travaillent aux côtés des usagers de drogue – pour stopper la distribution de ce traitement médicamenteux pour ceux qui veulent se sortir de l’enfer de la drogue ?
Vague d’indignation. Des ONG, mais aussi des Mauriciens. Un hashtag circule même sur les réseaux sociaux : #gayanout. La démission du ministre de la Santé est demandée par certains. Le PTr et le MMM la réclament en conférences de presse, ce samedi 3 octobre (voir hors-texte). Ses camarades ministres, néanmoins, préfèrent se taire. Ainsi que son leader, Ivan Collendavelloo, et ses amis de parti, Eddy Boissezon et Ravi Rutna (que nous avons essayé de joindre sans succès).
Anil Gayan, qui a été ministre des Affaires externes, du tourisme et de l’émigration (1983), des Affaires étrangères (2000) et du Tourisme (2003), est un des virus du gouvernement Lepep, estiment certains observateurs. Et de nombreux détracteurs de l’alliance gouvernementale. D’ailleurs, Arvin Boolell confiait, dans un entretien, que, selon lui, le ministre de la Santé était le «maillon faible du gouvernement».
Néanmoins, ses actions et réactions font tiquer, même ceux qui font partie de la même alliance que lui. Sa relation polémique avec Vijaya Samputh, postée à la tête du Cardiac Center, sans appel à candidature, n’a pas amélioré les choses. C’est son soutien à cette même personne qui avait provoqué l’expulsion d’Anil Gayan du MSM, en 2005. Ces derniers temps, les petites tensions refoulées au nom d’une alliance refont surface. «Nous savions déjà à l’époque qu’il avait un problème. Mais là, ça empire», confie un député MSM.
En attendant le retour de SAJ, c’est le statu quo : «Sauf si Ivan ne se décide à faire quelque chose.» Le leader du ML reste injoignable. Lui qui défendait bec et ongles son ministre modifiera-t-il son discours ? En tout cas, ce serait le souhait de certaines personnes au sein de l’Alliance Lepep. «Il n’y a rien qui l’en empêche. Il remplacera Anil Gayan par un autre de ses élus. Il ne perdra pas un siège», analyse un membre du PMSD.
Ce qui semble simple. Néanmoins, une certaine amitié lierait Anil Gayan et Ivan Collendavelloo. «Ils sont très proches. Ivan a beaucoup de respect pour lui et pour son intelligence», confie un ancien du MMM qui connaît très bien les deux hommes. Il s’étonne d’ailleurs des récents propos d’Anil Gayan : «Je me demande où est passé l’homme brillant que je connaissais.»
Le ministre de la Santé, né le 22 octobre 1948, est toujours sorti du lot. Lauréat de la cuvée 1968 du collège Royal de Port-Louis (classic side), il a obtenu une bourse et a poursuivi ses études en droit à la London School of Economics où il a également obtenu son Master Degree en 1973. Avocat, il a exercé dans le privé, puis au parquet, a œuvré pour les Nations unies, a été Chairman du Bar Council, Lecturer à l’Université de La Réunion, entre autres fonctions et postes.
Ses premiers pas en politique ? C’est au MMM que ce père de trois enfants les fait quelques années après son retour à Maurice. Avec le big bang qui secoue ce parti en 1983, il rejoint le MSM qui n’en est qu’à ses premiers pas. Il sera expulsé de cette formation politique en 2005 à l’issue d’une réunion spéciale du bureau politique au Sun Trust, menée par Pravind Jugnauth. La raison ? Il aurait défendu, dans la presse, Vijaya Samputh qui avait été expulsée du MSM quelques jours plus tôt, parce qu’elle se serait rendue, selon les dirigeants du parti, coupable d’indiscipline pour avoir critiqué d’autres membres du MSM.
En 2009, il a créé son Front national mauricien. Un parti qui a vivoté avant de s’éteindre sans faire grand bruit. Avant son retour en politique au sein du ML en 2014, Anil Gayan faisait entendre sa voix, principalement à travers des articles publiés dans les colonnes de l’express. «Ils étaient intéressants. Très même. Je me disais qu’il avait de la profondeur et une réflexion cultivée et riche. Quand je suis aujourd’hui ses déclarations et ses prises de position, je suis choqué», confie un ancien membre du MMM, qui souhaite qu’Anil Gayan se retire dans la dignité.
Serait-ce le cas ? Le shoot de mauvais goût aura-t-il cet effet-là ? À vos paris !
Ils sont sur la même longueur d’onde… ou presque ! Si Paul Bérenger demande qu’Anil Gayan soit «remplacé» comme ministre de la Santé, Rama Valayden réclame simplement sa démission. Entre ces deux partis de l’opposition, on joue un peu sur les mots. Mais la prise de position est la même. «Anil Gayan est la honte du pays (…) Il est hystérique, incroyable et irresponsable», selon Paul Bérenger, en conférence de presse, hier, samedi 3 octobre. Pour Rama Valayden : «Le ministre de la Santé nous fait passer pour des incultes auprès de la communauté scientifique. Je demande aux associations, aux ONG et aux parlementaires de réclamer sa démission et, pour ces derniers, de boycotter ses discours et ses réponses aux questions à l’Assemblée nationale. Je crois que le ministre de la Santé est en pleine folie.»
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