Publicité

Après le jugement de la Cour Suprême | Pravind Jugnauth : PM or not PM ?

31 mai 2016

Plan large : les visages sont souriants, l’ambiance festive. Des partisans du MSM, réunis aux abords de la Cour suprême, laissent éclater leur joie en apprenant que le chef juge Kheshoe Parsad Matadeen et le juge Asraf Caunhye ont renversé le jugement de la cour intermédiaire condamnant Pravind Jugnauth à 12 mois de prison dans l’affaire MedPoint. Les acclamations fusent : «Vive Pravind ! Vive notre futur Premier ministre !» La scène se déroule le mercredi 25 mai.

 

Plan serré : Saint-Pierre, le lendemain, jeudi 26 mai. Au comité régional du no 8, le protagoniste principal du film politique du moment apparaît détendu devant une foule de partisans réunis pour l’acclamer. Au cœur de cette réunion politique spéciale, la question du primeministershipest sur toutes les lèvres et la réponse est unanime : oui, Pravind Jugnauth doit devenir PM, il a toutes les qualités pour être un bon dirigeant pour le pays et toutes les chances aussi (voir hors-texte).

 

Les séquences s’enchaînent. Quelques heures plus tôt, c’est dans le décor de la State House qu’il prête serment comme ministre des Finances. Sous les feux des projecteurs, Pravind Jugnauth affiche un grand sourire. Gonflé à bloc par le dénouement judiciaire en sa faveur, celui qui commence un nouveau chapitre de sa vie politique se montre d’attaque : «C’est un nouveau départ.» Tous les regards sont désormais braqués sur lui. Est-ce qu’il sera convainquant dans le rôle de ministre des Finances ? Est-ce qu’il saura donner un nouveau souffle à l’économie du pays ? La réponse bientôt, avec la présentation de son budget.

 

En attendant, à peine son retour en force officialisé et son costume de Grand argentier endossé que la même question revient avec insistance : Pravind Jugnauth, PM or not PM ? Et cela, dans l’hypothèse que son père sir Anerood Jugnauth provoque un rebondissement et se retire du paysage politique. Celui-ci, à la question de savoir si son fils est premier-ministrable, ne s’avance pas et réplique : «Mo pa kapav prevwar nanye. Mo pa kapav lir dan destin dimounn.»

 

Mais à écouter certains, l’avenir politique du leader du MSM semble tout tracé, comme l’affirmait Showkutally Sodhun, président du parti, dans une récente déclaration : «Nous avons besoin de Pravind Jugnauth aujourd’hui et demain.» Sudesh Rughoobur, député du MSM, est allé, lui, plus loin en affirmant, dans une interview à l’express,que «tous au MSM souhaitent que Pravind Jugnauth devienne Premier ministre, succède à son père et prenne les commandes dès cette année (…) La population savait qu’après Anerood, ce serait Pravind».

 

«Chaque chose en son temps»

 

Si d’aucun condamne cette éventualité – «cela n’a jamais été à l’ordre du jour, que ce soit pendant la campagne électorale ou au moment des élections, et le peuple n’a pas voté pour Pravind Jugnauth comme Premier ministre» –,il n’empêche que l’événement de cette semaine semble jeter les jalons pour une future passation de pouvoir entre son père et lui «dans pas longtemps». Pour le principal concerné, «la question ne se pose pas.»C’est ce qu’il a déclaré lors d’une conférence de presse le samedi 28 mai(voir hors-texte). Quant à son épouse Kobita, actuellement à Londres avec deux de ses filles, elle nous affirme ne pas avoir pensé à cette possibilité : «Chaque chose en son temps. Il faudrait le laisser faire son travail. Lui, tout comme moi, ne pense pas à ça. Reconduit à son poste de ministre des Finances, il s’agit maintenant pour lui de se mettre au travail. Je lui souhaite d’être un ministre des Finances à l’écoute de la population, surtout des plus pauvres.»

 

La fille aînée du couple, Sonika, 22 ans, confie, tout comme sa mère, être triste de ne pas avoir été aux côtés de son père lors du verdict : «On n’était pas là physiquement, mais on était en communication avec lui. Et ma mère, mes sœurs et moi sommes très heureuses pour lui car il le mérite. Désormais, il pourra se mettre au travail au service du pays.»Sonika, actuellement en Angleterre parce qu’elle est «en période d’examens», laisse parler son cœur. Pour elle, il ne fait aucun doute que son père peut devenir Premier ministre. «C’est un bosseur et, à mon avis, c’est ce qu’il faut pour le pays.»

 

Est-ce que ce scénario est réellement possible ? Shafick Osman, géopoliticien, estime qu’il est trop tôt pour le savoir : «Je pense que c’est prématuré. C’est un homme qui a beaucoup souffert ces derniers mois. Il faut lui donner le temps de s’acclimater et de se mettre en selle comme il le faut. Et puis, il devra gérer les très lourdes responsabilités de l’économie nationale et de la cohésion politique qui sont désormais sur ses épaules.»

 

Pour l’observateur politique, il faut attendre encore quelques années avant de voir si Pravind Jugnauth peut assurer la fonction de Premier ministre :«Je suis d’avis que c’est durant les trois prochaines années qu’on pourra voir émerger le premier-ministrable qu’est Pravind Jugnauth. S’il arrive à accomplir ce qu’il devra accomplir d’ici 2019, il n’aura aucun problème à se présenter comme Premier ministre aux prochaines élections législatives.»

 

Ram Seegobin de Lalit est, lui, catégorique : Pravind Jugnauth n’a pas la légitimité pour être le futur PM : «Même si légalement, rien ne l’empêche de devenir PM, politiquement, il n’a pas de mandat. Jamais personne n’a voté pour qu’il devienne le chef du gouvernement. On ne l’a jamais connu dans une situation stable. Il a été ministre des Finances pour un moment dans un gouvernement, puis il a occupé la même fonction dans un autre gouvernement. Bref, il n’a jamais impressionné.»

 

Si Ram Seegobin n’est pas séduit par l’idée de voir Pravind Jugnauth Premier ministre, le Dr Sangeet Jooseery, consultant en communication politique, pense qu’il a toutes ses chances : «Bien qu’il existe des qualifications spécifiques pour les avocats, les médecins, etc., il n’y en a pas pour un homme politique. Cependant, pour aspirer à devenir un leader à un haut niveau, il y a des critères tels que la compétence, les qualités de leadership, la connaissance des affaires internes et externes du pays, la compréhension de la complexité des systèmes électoraux et parlementaires, et la possibilité d’harmoniser les politiques et les valeurs du parti aux impératifs du développement économique et social. À Maurice, d’autres qualités fondées sur l’ethnicité et le social sont importantes. Sur ces bases, Pravind Jugnauth a le profil pour assumer la position de chef du  gouvernement, non seulement à cause des raisons mentionnées ci-dessus, mais aussi en raison d’une absence d’alternatif.»

 

Autre regard sur la question Pravind PM or not PM, celui du syndicaliste Jack Bizlall : «Actuellement, il y a une ambiguïté au sein du MSM. Il y a un leader du leader. Dans quel pays républicain a-t-on vu une telle chose ? On n’est pas dans un régime monarchique, le MSM n’est pas un parti républicain. Aucun parti politique ne peut s’octroyer le droit en République de proposer comme PM le père, le fils et le Saint-Esprit.»Il a, dit-il, une proposition à faire au parti : «Que la famille Jugnauth cède le bâtiment du Sun Trust, qui est l’objet de sa puissance, à l’université de Maurice. Que le parti se donne une constitution républicaine et qu’il établisse une démocratie interne sur des principes républicains. Finalement, pour l’ensemble des partis politiques, que le terme leader soit aboli dans notre Constitution sur le plan électoral et dans la constitution des partis politiques. Ce sont, selon moi, les conditions à établir pour que Pravind Jugnauth soit confronté lors des prochaines élections aux votes des électeurs qui sanctionneraient sa démarche d’être PM. Il ne peut pas se cacher derrière son père. De toute façon, il n’est pas soutenu par la population.»

 

Pour l’observateur politique Jocelyn Chan Low, la question de l’accession du leader du MSM au poste de PM ne se pose pas pour le moment : «Dans le système westministérien, le PM est celui qui commande une majorité et en ce moment, c’est SAJ. Il a été élu à travers des élections au sein de l’Alliance Lepep. Dans l’éventualité qu’il se retire, il va de soi que ce sera quelqu’un de la majorité qui deviendra PM. Or, pour l’instant, je ne crois pas que cette question se pose car le chef du gouvernement n’a pas signifié son intention de se retirer.» Même réaction de la part de Dan Maraye, ancien gouverneur de la banque de Maurice : «Nous avons déjà un PM. Si demain, il se retire, c’est normal que quelqu’un de la majorité reprenne le poste du chef du gouvernement.» Pour lui donc, la suite des événements dépend de SAJ.

 

C’est entre ses mains que se trouvent les clés du dénouement de ce film politique riche en suspens et en rebondissements dans lequel son fils a un grand rôle. À suivre…

 

Une affaire qui a fait couler beaucoup d’encre

 

C’est le 29 décembre 2010, alors que Pravind Jugnauth est ministre des Finances du gouvernement PTr-MSM, que le contrat de vente entre MedPoint et l’État est signé. Un mois plus tard, en janvier 2011, Paul Bérenger dénonce le rachat de la clinique en mettant en avant le fait que le leader du MSM et sa famille sont actionnaires et qu’il y a donc conflit d’intérêts. Depuis, l’affaire n’a cessé de faire couler beaucoup d’encre concernant le flou entourant l’évaluation de la clinique, sur les travaux à effectuer, les «procès-verbaux qui ont été falsifiés» ou encore «les dettes de la clinique auprès de la banque de développement qui ont été rayées la veille de l’achat».Pravind Jugnauth est, lui, arrêté le 22 septembre 2011. C’est le 16 avril 2014 que débute son procès et il est condamné une année plus tard, soit le 20 juin 2015, et trois mois plus tard, le 10 septembre, ses avocats font appel de la condamnation. Le jugement a été rendu cette semaine, le mercredi 25 mai 2016.

 

À St-Pierre : tous pour le leader du MSM à la têtedu pays

 

De l’euphorie à l’état pur. Voilà l’ambiance qui règne le jeudi 26 mai à St-Pierre, lors du comité régional du MSM. Pour accueillir leur leader, musique, guirlandes, pétarades et groupies sont de rigueur. Pour les agents, activistes et collaborateurs du désormais ministre des Finances, pas de doute que Pravind Jugnauth est un «héros»pour qui l’avenir politique est tout tracé. Le poste de PM, clament-ils, est fait pour lui. Cette éventualité est sur toutes les lèvres.

 

Romy Ujoodha œuvre au sein du MSM depuis 33 ans. Ce fervent disciple de Pravind Jugnauth est persuadé que son leader incarne la relève politique : «Notre PM actuel est exceptionnel, mais il a fait son temps. Il est à un âge avancé et il a besoin de repos désormais. Pravind Jugnauth est passé par des moments difficiles, mais c’est quelqu’un de sincère et d’honnête. Il a son empreinte dans le développement de ce pays et il continuera à rendre justice à ceux qui le méritent.»

 

Comme de vraies adulatrices, les femmes activistes, toutes d’orange vêtues, gravitent autour de Pravind Jugnauth en quête d’un regard, d’un hochement de tête, d’un simple signe qui ferait fondre leur cœur. Après 12 mois d’attente, Nandini Goolam-Sunghuttee, agent de Pravind Jugnauth depuis de nombreuses années, a retrouvé le sourire. Pour elle, le soleil brille de nouveau et portera son leader jusqu’au poste de PM. «Nous avons toujours eu confiance en lui. Je crois sincèrement qu’il mérite de diriger ce gouvernement. C’est tout ce qu’on lui souhaite.»Pour Malini Turkey, qui laboure le terrain depuis 2010, son leader va redresser la barre après les cafouillages qui ont eu lieu au sein du gouvernement ces derniers temps en son absence. Que Pravind Jugnauth n’ait pas été présenté comme PM lors de la campagne électorale ne lui pose aucun problème. Son leader, dit-elle, est le meilleur candidat à ce poste si son père décide de céder sa place. «Il mènera sa troupe et le pays à bon port», conclut-elle.

 

Pour ses proches collaborateurs, Pravind Jugnauth possède toutes les qualités pour assumer cette responsabilité : la sincérité, l’honnêteté, une soif de justice et une vision pour ce pays et son peuple. Membre actif du MSM depuis 1983, Atma Ramanah dirige les opérations au no 8. Pour lui, si Pravind Jugnauth n’arrive pas au fauteuil de PM durant le présent mandat, il sera sans aucun doute celui présenté comme le futur PM lors des prochaines élections. «C’est lui qui amènera notre pays à un autre niveau, un niveau bien plus élevé. C’est un leader né qui va faire décoller l’économie et faire avancer notre pays vers un bel avenir.»

 

Pour Vishawraj Malloo, Advisorde Pravind Jugnauth, et Sanjay Kariia, son Constituancy Clerk, le leader du parti soleil est plus que jamais prêt à assumer ces fonctions. C’est tout ce qu’ils souhaitent à celui qui a su se montrer «fort et digne dans les épreuves». «Il va suivre la ligne de son papa et accomplir de grandes choses comme il l’a fait dans le passé. Que ce soit sur le plan du développement, de l’économie ou du social. Nous sommes à 200 % derrière lui», déclare-t-il.

 

Textes : Christophe Karghoo et Amy Kamanah-Murday

Publicité