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Aux Casernes centrales : Comme un soupçon de vendetta

30 novembre 2015

Shakeel Mohamed rencontre les membres du PTr après son audition au Central CID, le lundi 23 novembre.

Un sourire en coin. Une pose avant de grimper les marches. Costume bien coupé et cheveux parfaitement gélifiés. Escorte de mecs en costume-rabat. Flashes de photographes. Shakeel Mohamed n’a pas perdu de son style en rejoignant la liste des VVIP accueillis au quartier général de la police. Anil Bachoo était un peu plus… échevelé. Et Navin Ramgoolam avait la chemise plus que froissée pour sa première visite nocturne. Non, les Casernes centrales n’ont pas sorti le tapis rouge. Et n’organise pas, depuis le changement de gouvernement, un Festival de Came avec comme film-phare  Les ordres venus d’en-haut. Pourtant, cette semaine a remis sur le tapis le scénario de ce film. Avec des accusations de machination politique et de manque d’indépendance de la police.

 

Cela, malgré les propos se voulant rassurants du commissaire de police Mario Nobin, qui a jugé utile de préciser qu’il n’a jamais reçu d’instructions. Et la sortie inattendue des ministres Roshi Bhadain et Showkutally Soodhun, lors d’une conférence de presse conjointe, pour  dénoncer l’arrestation de l’ancien ministre du Travail. Néanmoins, il est difficile pour certains de ne pas faire l’amalgame entre l’opération mett prop promise par sir Anerood Jugnauth et ce défilé inhabituel aux Casernes centrales.

 

C’est le lundi 23 novembre que le député de la circonscription Port-Louis-Est/Port-Louis-Maritime (nº 3) et chef de file du PTr à l’Assemblée nationale a été arrêté puis remis en liberté conditionnelle dans le cadre de l’enquête sur la fusillade de la rue Gorah-Issac (voir pages 8-9). Mais ses visites aux Casernes centrales ne devaient pas s’arrêter là. À chaque sortie publique, Shakeel Mohamed multiplie alors les déclarations chocs. Tout en niant toute implication dans cette affaire, il ajoute très vite que son interpellation est le fruit – pourri ? – d’un complot politique. Il parle de vendetta politique (tout comme Anil Bachoo, Navin Ramgoolam et d’autres avant lui). Le discours est relayé par ses copains de parti. Et par des membres du MMM dont Adil Ameer Meeah, député MMM du nº 3 : «J’espère que cette affaire n’est pas une vendetta politique», déclarait-il cette semaine. Paul Bérenger, en conférence de presse le samedi 28 novembre, a déclaré être solidaire de l’épouse de Shakeel Mohamed. De plus, il a exigé que la police justifie l’arrestation du député avec des preuves solides.

 

«Inadmissible»

 

Après le virulent «Il s’agit d’une machination politique» de Me Rama Valayden concernant l’arrestation de son client, Anil Bachoo, dans le cadre de l’enquête sur des contrats accordés par la National Development Unit, les accusations de Shakeel Mohamed semblent suivre une ligne tracée. Une suite d’événements qui conduisent à déterrer la hache (et le hashtag ?) de l’État de droit qui avait été oublié quelque part depuis la décision du gouvernement de faire basculer le bureau du directeur des poursuites publiques sous celui de l’Attorney General : « Cela démontre que l’île Maurice n’est plus un État de droit», devait lancer, cette semaine, Navin Ramgoolam.

 

Et les sous-entendus des ministres Badhain et Soodhun ne devaient pas ralentir cette réapparition prévisible de la perception – justifiée ou pas – que le pouvoir et la police fricotent ensemble. «Nous ne comprenons pas vraiment ce qu’a fait Roshi Badhain. Ses propos laissent penser qu’il y aurait des ordres venus d’en-haut, de la part du gouvernement quoi ! C’est inadmissible», confie un député du MSM qui regrette depuis quelque temps déjà les agissements du ministre de la Bonne gouvernance. Néanmoins, si les propos de Badhain peuvent sembler un chouïa déconcertant au premier abord – «Sa zafer instriksion vinn depi lao, bizin sanze» –, ils peuvent avoir une autre lecture, assure un proche du ministre. Laquelle ? Que les anciens ministres et députés qui sont sous le coup d’une enquête utilisent cette excuse à chaque fois : «Et puis il a juste voulu condamner la façon de faire du responsable de l’enquête.»

 

Effectivement, Roshi Badhain estime que l’assistant commissaire de police  Heman Jangi, patron du CCID, y était allé un peu fort avec l’arrestation de Shakeel Mohamed. Ce dernier et le commissaire Nobin ont balayé d’un revers de main les remarques des ministres et ont assuré que le travail était fait en toute indépendance. Les tiraillements entre le ministre et la force policière n’ont, néanmoins, pas convaincu Shakeel Mohamed et consorts : «Vous ne pensiez pas que le commissaire de police allait venir dire qu’il reçoit des ordres venant d’en-haut. Il y a un exercice de rattrapage qui est en cours. C’est un exercice de communication et rien d’autre. Il y a bien une vendetta politique.»

 

Et ce qui inquiète au sein du pouvoir, actuellement, c’est que les membres de l’ancien régime ont peut être trouvé le moyen de surfé sur la vague. «Il y a une vague de sympathie pour Shakeel. Peut être pas pour Bachoo. Mais pour lui, oui. Parce qu’il a toujours donné l’impression d’être intègre. Alors, toute cette affaire pourrait bien faire les affaires du Labour», confie un membre du PMSD. D’ailleurs, lors d’un congrès du PTr, en fin de semaine, le député Mohamed n’a pas hésité à rebondir. «L’année prochaine en novembre, nous serons au pouvoir…», a-t-il lancé, sourire en coin.

 


 

Paul Bérenger très touché

 

«J’ai été personnellement très touché par l’interview de son épouse dans la presse et je sympathise avec la famille.» C’est ce qu’a déclaré le leader du MMM, lors de sa conférence de presse du samedi 28 novembre. Paul Bérenger s’est aussi interrogé sur l’absence du Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, pendant un tel événement : «Shakeel Mohamed est quand même un député élu par le peuple.» Concernant les déclarations chocs des ministres Soodhun et Bhadain, il a estimé qu’il est difficile à croire qu’ils aient fait une telle sortie sans l’aval de SAJ.

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