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13 juin 2022 22:29
Est-ce un bon Budget ? Sur cette question, les avis des uns et des autres divergent. Si beaucoup ne le trouvent pas mauvais dans l’ensemble, d’autres sont d’avis que le ministre des Finances aurait pu mieux faire. D’autres encore estiment que ce dernier n’a pas vraiment réussi son pari de soulager la population qui croule sous le poids du coût de la vie qui a grimpé en flèche ces derniers mois. Pour le ministre des Finances, la priorité était de booster la croissance malgré le contexte difficile dans lequel nous évoluons. Il a expliqué que son Budget a trois objectifs : accélérer l’économie, préserver l’environnement et accompagner la population subissant l’impact de l’inflation. De manière générale, Renganaden Padayachy, bien qu’il n’ait pas, selon certains, exécuté un exercice de haute voltige, semble avoir plus ou moins satisfait la population grâce à plusieurs mesures sociales qui touchent directement les Mauriciens.
Pour Jocelyn Chan Low, le ministre ne pouvait pas faire autrement. «C’est un Budget où il a navigué avec le vent.» Les récentes manifestations des Mauriciens contre la vie chère ont, dit-il, maintenu une pression sur le gouvernement qui se devait d’agir. «Le peuple n’en pouvait plus. Il y a eu trop d’augmentations et beaucoup de gens, dont les seniors, n’arrivaient pas à joindre les deux bouts. C’est une bonne chose qu’il ait écouté les doléances de la population et donné des augmentations across the board.» Selon l’historien et observateur politique et social, des mesures nécessaires ont été apportées donnant à ce Budget un capital social. «On ne peut pas le blâmer de ne pas avoir fait des efforts.»
Maintenant, la question qui se pose, estime-t-il, c’est de savoir si ce Budget apportera un feel-good factor au sein de la population. «Le problème aujourd’hui, c’est qu’il n’y a pas de visibilité en ce qu’il s’agit des hausses des commodités et de l’énergie. Avec la guerre, la crise est devant nous. Le spectre du Sri Lanka plane toujours. La crise a démontré les faiblesses de notre économie sur le plan structurel. Il y a des mesures pour la sécurité alimentaire et l’énergie renouvelable mais la question est : qu’est-ce que ça va donner dans le concret ? Les gens se demandent aussi comment ces mesures seront financées. Il n’y a pas de stratégie globale. Les Rs 1 000 sont essentielles mais les gens vont devoir continuer à serrer la ceinture et changer leurs habitudes.»
Avec cet exercice budgétaire, Renganaden Padayachy a-t-il tenu son pari ? Selon Suttyhudeo Tengur, seul le temps nous le dira. Globalement, le Budget, déclare-t-il, est moyennement bon. «C’est un Budget raisonnablement acceptable au vu de la situation économique locale et mondiale impactée d’une part par la Covid-19 et d’autre part par une accentuation de la crise avec le conflit russo-ukrainien. Dans l’ensemble, la population pourra survivre avec la générosité gouvernementale qui comprend l’augmentation de la pension de vieillesse, la pension aux handicapés et aux veuves, aussi bien qu’une somme mensuelle de Rs 1 000 aux salariés touchant moins de Rs 50 000 par mois. Peut-être que ce n’est pas assez mais il faut tirer la ligne quelque part. The sky can’t be the limit dans la situation actuelle.»
Pour le président de l’Association for the Protection of the Environment and Consumers (APEC), le Budget va apporter un soulagement dans le court terme. Toutefois, il estime que le gouvernement aurait pu faire un effort supplémentaire en ce qui concerne notamment la contribution à une pension portable par un salarié qui passe à Rs 50 000 annuellement et qui est exempté de l’impôt. «Je pense aussi que le gouvernement aurait dû, dans le même élan, exempter les gens de la classe moyenne des remboursements mensuels par rapport aux emprunts qu’ils auraient contractés pour la construction de leur maison personnelle auprès des institutions bancaires ou la MHC. Ce serait un petit extra pour encourager l’épargne.»
Lors d’un forum post-Budget organisé par l’Association of Chartered Certified Accountants (ACCA), en collaboration avec le Mauritius Institute of Professional Accountants (MIPA), Pierre Dinan, Anthony Leung Shing et le Dr Bhavish Jugurnath ont tous salué certaines des mesures, émettant toutefois des réserves sur le financement des mesures sociales, du service de la dette et des implications de la mise en œuvre de certaines annonces. Pour l’économiste Pierre Dinan, si les mesures sociales sont bienvenues et nécessaires, leur impact sur les dépenses publiques est important et durable. «Si la guerre en Ukraine dure encore plusieurs mois, il y a un risque de réduction de la croissance dans les puissances économiques comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, un risque d’inflation mondialement et même un vrai risque de stagflation au niveau mondial. Si cela arrive dans les pays développés, nous serons certainement touchés et encore plus si la roupie se déprécie davantage.»
Comme beaucoup, Manisha Dookhony estime aussi que c’est le mieux que le gouvernement puisse faire dans une telle conjoncture économique actuelle. «Nous faisons face actuellement à des challenges importants au niveau de nos exportations, avec le taux de croissance qui a été revu à la baisse. Il y a pas mal d’incertitudes et le gouvernement ne peut pas se permettre des largesses.» Pour l’observatrice politique et économiste, le plus gros défi était la perte du pouvoir d’achat des Mauriciens. «Il y a eu la mesure des Rs 1 000, la réduction des mark-ups sur les produits pharmaceutiques, entre autres, qui amène un soutien sur le Budget des ménages. Il y a aussi l’augmentation de la pension des aînés qui était attendue, une mesure qui avait été promise lors de la campagne électorale. Même si ce n’est pas la somme promise, c’est un pas vers cela.»
Pour Manisha Dookhony, le gouvernement a partiellement réussi son challenge de soulager la population. «Il y a un autre élément qui n’a pas été pris en considération dans le Budget et que la population attendait, c’est le prix des carburants. Comme les composants du prix du pétrole et du diesel n’ont pas été révisés, on se retrouve avec un prix qui reste cher. Il aurait pu y avoir un changement pour soulager la population.»
Cependant, l’économiste émet un doute sur la relance de l’économie à travers ces mesures. «La relance de l’économie passe par le développement et l’expansion des secteurs et la création de nouveaux pôles de croissance. Il y a des objectifs fixés par rapport à la création d’emplois mais ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de higher income generating jobs et ça, ce n’est pas très clair dans le Budget.» L’absence d’une vraie stratégie en ce qui concerne l’exportation est aussi à noter, souligne Manisha Dookhony. «Nous avons trois accords, notamment avec la Chine, l’Inde et l’Afrique surtout, pour permettre l’accès au commerce. Malheureusement, hormis un petit bout sur le cabotage régional et l’exportation vers l’Afrique du Sud, il n’y a pas vraiment une stratégie par rapport à notre exportation vers ces trois énormes marchés.» Ce qui aurait sans aucun doute donné un nouveau souffle au secteur manufacturier.
Amy Kamanah-Murday
Il est actuellement au coeur de toutes les conversations, ou presque. Le Budget 2022-2023 était le sujet principal de la conférence de presse du MSM, animé par Maneesh Gobin, ministre de l'Agro-industrie, le samedi 11 juin. Il était entouré de Bobby Hureeram, ministre des Infrastructures nationales, et de la ministre de l’Égalité du genre et du bien-être de la famille, Kalpana Koonjoo-Shah.
Pour Maneesh Gobin, la sécurité alimentaire est une préoccupation majeure du gouvernement. «Priorite nimero 1 pou nou gouvernman, it's food on the table. Zame nounn ezite devan nou responsabilite. Nou finn fer enn politik de verite ek nou finn dir la popilasion ki wi, nou dan enn period defisil. Depi 2020, nounn pas dan Covid, nounn pas dan de lockdowns. Kont tout atant, nou finn tomb dan enn lager ouver ant de gro pei prodikter, la Russie ek l'Ukraine. Konsekans sa lager-la, ek bann period de lockdowns, se bann pei kouma Moris ek bann pei la rezion kouma Seychelles ek Comores ki pe pey le pri for. Pour Bidze 2022, o gouvernman, we got our priorities. Minis Finans, de le debi de so diskou, inn koumans par dir : sustainable production, it's food on the table. Mo met bann Morisien devan zot responsabilite parski nou pou bizin fer li ansam. Komie gouvernman pou donn grant, komie gouvernman pou donn sibsid (…) Legim pa pou sorti depi later par mazik. Nou tou bizin met lame a la pat ek le gouvernman touzour donn le bon examp. Avek sa kantite sibsid ek grant money ki gouvernman finn mete, li san pesedan pou la sekirite alimanter», a déclaré Maneesh Gobin.
Concernant les critiques suivant le discours du Budget et ce qu'il appelle «la démagogie de l'opposition», il a fait la déclaration suivante : «Zot ti krwar nou bann amater. Zot inn dekouyone. Zot pa kone ki pou dir. OK, c'est de bonne guerre. Ou anvi kritike, fer lopozision, me rapel ou lepok ou ki ou ti fer.»
Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui, un peu plus tôt, se trouvait à St Pierre pour l’Outreach programme for water tank and pump scheme, n'a, lui, pas voulu commenter les critiques autour du Budget. «Mo gard mwa pou reponn à l'Asanble nasional», a-t-il déclaré.
Christophe Karghoo
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