À deux, ces îles font 25 km2. Situées à 1 064 km au nord de l’île Maurice, elles constituent un archipel d’origine corallienne, formé de deux îlots. Sur l’île du Nord, on trouve les villages Vingt-Cinq et La Fourche. Sur celle du Sud, celui de Sainte-Rita. La route qui relie les différentes localités est corallienne et sablonneuse. Et c’est sur l’île du Nord que tout se passe, ou presque, parce qu’elle abrite, entre autres, l’école primaire gouvernementale Jacques Le Chartier, le poste de police, la station météorologique, l’administration centrale, le bureau des télécommunications (Mauritius Telecom) ainsi que le service de santé. Elle est comme ça Agaléga… paisible mais également très convoitée. L’archipel se retrouve actuellement au cœur de toutes les préoccupations suivant les rumeurs autour de l’installation d’une base indienne là-bas.
Si Maurice a signé un accord avec le gouvernement indien pour la construction d’infrastructures à Agaléga, dont une jetée et l’agrandissement de la piste d’atterrissage, le tout aux frais des Indiens, ce sont des articles de presse indiens qui ont créé des doutes sur l’éventuelle construction d’une base militaire. «Cet accord est très important pour l’Inde qui travaille dur pour marquer une présence militaire aux Seychelles et à Maurice (les îles d’Agalega), dans sa démarche d’étendre son empreinte stratégique dans l’océan Indien.»
Cet extrait d’un article paru dans le Times of India du 28 janvier fait état d’un accord signé entre l’Inde et les Seychelles pour le développement d’infrastructures militaires sur l’archipel. Dans l’édition du 14 février, ce même journal écrit que l’accord de l’Inde avec les Seychelles est similaire à celui de l’Inde avec Maurice. Il n’en fallait pas plus pour accentuer les inquiétudes sur la construction d’une éventuelle base militaire sur ces terres mauriciennes. Depuis, le doute s’est installé. Beaucoup font le lien avec l’archipel des Chagos, sa base militaire américaine et le sort de ses natifs déracinés qui pleurent leur paradis perdu, tout en continuant à se battre pour un droit de retour.
Les craintes des habitants ne font que grandir avec les médias indiens qui persistent à dire qu’il y aura bientôt des installations militaires sur l’archipel. Le ministre mentor et ministre de la Défense, sir Anerood Jugnauth, était, cette semaine, en visite dans la Grande Péninsule. Il semblerait qu’Agaléga était un sujet-phare qui allait être au cœur des discussions. L’archipel est aussi dans l’actualité avec la visite d’une quinzaine d’officiels indiens qui y serait prévue.
Ainsi, ils devraient embarquer à bord du Mauritius Trochetia lors de son premier voyage de l’année pour Agaléga, le 3 mars. Aucun détail n’a transpiré sur les raisons de ce déplacement. Bien évidemment, ils sont nombreux à se poser des questions sur tout ce qui touche à l’archipel d’Agaléga. Selon le dernier sondage d’Afrobarometer, 72 % des personnes interrogées pensent que le gouvernement doit donner les détails sur la teneur de l’accord entre Maurice et l’Inde sur l’archipel, au Parlement. Alors que 8 % pensent le contraire.
Jeremy Sababady, 20 ans, un habitant du village Vingt-Cinq et Handy Worker, dit être dans le flou par rapport à tout ce qui se dit actuellement sur son archipel. S’il concède qu’il faut des développements parce qu’«il y a certains manquements, par exemple, pour les femmes qui accouchent là-bas avec l’absence d’équipements nécessaires», il craint la construction d’une base militaire. «On pense à nos frères chagossiens et à ce qu’ils ont vécu. On n’a vraiment pas envie de vivre le même cauchemar.»
Une rencontre de l’Agalega Mauritius Partnership Association a eu lieu hier, samedi 24 février. Arnaud Poulay, secrétaire général de l’association, suit la situation de très près : «Nous ne savons toujours pas si ce ne sont que des rumeurs. On n’a aucune réponse des autorités. On dit non à une base militaire à Agaléga. On est en faveur des développements de la piste d’atterrissage pour l’usage personnel des Agaléens.»
Entre doute, crainte et frayeur, ils espèrent tous avoir vite des réponses à leurs interrogations.