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Cadress Rungen : «La pandémie de Covid-19 est aussi une bénédiction…»

4 octobre 2021

Comment je vis la situation depuis 2020…

 

À la prison. En 2020, j’ai vécu la situation en tant que Chief Hospital Officer des prisons. Et dès janvier, avec le commissaire et toute l'équipe, nous avions mis en place tout un système pour protéger les prisonniers. Ce n’était pas facile mais le résultat était là au final : en 2020, nous n’avons eu aucune contamination dans les prisons. Cette année, malheureusement, malgré tous les efforts déployés, le virus est entré dans les prisons comme partout ailleurs. Quoi qu’il en soit, je tire mon chapeau à tous ces hommes et ces femmes qui continuent à faire de l’excellent travail dans le monde carcéral.

 

À Lacaz A. Du côté du social, de Lacaz A, c’était difficile de continuer à mener à bien notre mission lors du premier confinement et il a fallu attendre les premiers WAPs pour recommencer à opérer. Heureusement, pour le second confinement, les WAPs ont été vite obtenus et nous avons pu réouvrir nos portes aux «accueillis». Il a fallu une bonne réorganisation en raison des protocoles sanitaires mais ça se passe très bien aujourd’hui.

 

En famille. Au niveau familial, nous avons eu l’occasion de nous voir davantage, d’apprendre ensemble comment vivre l’essentiel et avec l’essentiel.

 

Mon regard sur la situation à Maurice et ailleurs…

 

La crise. Certes, la Covid-19 a entraîné dans son sillage, que ce soit à Maurice ou ailleurs, une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent et a mis le monde à genoux. Elle a bouleversé nos vies et l’ordre même du monde, nous montrant que nous sommes tous égaux.

 

Invincibles ? Et la Covid-19 a ramené à l’ordre ces super puissances qui se croyaient invincibles. Ces pays dont on aurait pensé qu’ils s’en seraient mieux sortis ont tout autant souffert, sinon parfois plus, que les États moins privilégiés.

 

En lumière. La pandémie mondiale a aussi mis en lumière des dysfonctionnements profonds à plusieurs niveaux : politique, économique, hospitalier, social, éducatif, familial ou individuel.

 

Ce que cette crise nous offre comme opportunités…

 

L'essentiel. Bien que la pandémie ait entraîné beaucoup de détresse, elle est aussi une bénédiction. Car elle nous force à revenir à l’essentiel, aux vraies valeurs comme la solidarité, la générosité, le partage, l’amour du prochain, la compassion, la simplicité, l'humilité, le pardon, ce qui nous rend vraiment heureux. Par exemple, bien que beaucoup de personnes aient vu leur pouvoir d’achat baisser drastiquement, personne n’est mort de faim parce qu’il y a justement eu cette solidarité, même entre les plus pauvres. Personn pa tro tipti pou done, personn pa tro gran pou pran !

 

L'unité. C’est aussi une bonne occasion de reconstruire l’unité nationale, le patriotisme, car face à la pandémie, il n’y a plus de religion, de communauté, de différence. Malheureusement, nos politiciens ne semblent pas s’en soucier. Au lieu de faire une trêve pour trouver des solutions ensemble et motiver la population, sakenn pe get so kote alor ki enn siklonn pe pas ek nou. Nou ti bizin get dan mem direksion ek travail ansam, lame dan lame, pou rekonstrir nou pei ek avanse !

 

La base. Le moment est aussi propice pour revoir le système de la santé. Il y a, dans nos hôpitaux, des gens de bonne volonté qui font de leur mieux dans cette situation inédite et très difficile, alors qu’ils sont débordés. Je les félicite vivement. Mais je leur demande aussi de ne pas oublier la base même de notre métier qui est de tout faire pour assurer le bien-être des patients et les rassurer ainsi que leur famille. Il faut aussi plus de transparence au niveau de ce qui se passe dans nos hôpitaux. On entend beaucoup de choses, de critiques sur la façon dont les malades et même les morts sont traités, mais on ne sait pas si c’est exact. Il ne faut pas non plus qu’on ait la perception d’un traitement à deux vitesses pour différentes personnes. Par ailleurs, ce serait une bonne idée de faire appel à des volontaires pour aider dans le système de santé, des médecins et infirmiers à la retraite, des first-aiders, des bénévoles qu'on pourrait former. 

 

Comment donner un nouveau souffle au pays…

 

Motiver. J’ai l’espoir que l’ouverture complète des frontières contribuera à un bon redémarrage de notre économie qui dépend beaucoup du tourisme. Puis, il y a beaucoup de gens compétents dans tous les domaines qui peuvent aider à redonner un nouveau souffle au pays ; il faudrait les écouter et voir comment mettre en oeuvre leurs propositions. Mais ce qu’il faut avant tout, c’est que nos dirigeants, qui sont les premiers serviteurs du pays, aient l’humilité de faire un appel à la population, un appel à la solidarité, à l’unité nationale, au patriotisme. Qu’ils mettent tout en oeuvre pour motiver, encourager tous les Mauriciens à être on board pour rebâtir le pays. Ils devraient aussi montrer l’exemple en faisant des sacrifices et des efforts à leur niveau. Toutes les mesures pour redresser la barre sont importantes ainsi que pour éviter que le virus se propage davantage. Cependant, le plus important, c'est de donner un boost à la population, de la remettre debout, de lui redonner le sourire, de l’espoir. Même si le pays a peu, l’important, c’est que le peuple soit heureux. Et ce n’est pas seulement la responsabilité du Premier ministre et des politiciens mais aussi celle des chefs d’entreprise, des chefs religieux, des travailleurs sociaux, des éducateurs, des parents.

 

Je vois plein de lueurs d’espoir…

 

En marche. Oui, il y a beaucoup de lueurs d’espoir quand nous voyons la solidarité des Mauriciens dans l’épreuve, comment les gens réinventent leur vie avec ce qu'ils ont ou n'ont pas/plus, comment les familles s’unissent davantage, comment on apprend à économiser, à vivre plus simplement, comment les jeunes apprennent à s’éduquer autrement, à être moins égoïstes, moins matérialistes, à se connecter à la nature, aux valeurs essentielles, comment on communique plus que jamais grâce à la technologie, comment on travaille différemment, comment on est capables de s'indigner et de le montrer, comment on peut met lame ansam kan ena enn problem. C’est le signe d’un peuple en marche. Encore faut-il un bon leadership !

 


 

Mon actu du moment

 

Après 45 ans dans le service civil, dont 38 ans comme infirmier dans les prisons, j’ai pris ma retraite en mars de cette année. Mais je continue ma mission à Lacaz A, du Groupe A de Cassis, qui accueille les usagers de drogue et leur famille ainsi que d'autres personnes vivant en marge de la société. Je dois dire que depuis que nous avons lancé le projet en 2006, les choses se font grâce à la providence. Nous avons des bénévoles extraordinaires et beaucoup d’aides diverses, y compris de la part d’anonymes. De vraies lueurs d'espoir ! Je suis aussi, depuis trois ans et demi, diacre permanent (NdlR : un ministre ordonné de l’Église catholique qui peut être marié ou pas) suite à un appel de l’évêque. Dans mon ministère, je suis particulièrement appelé à être auprès des usagers de drogue et de leur famille. Je suis posté actuellement à la paroisse de Sacré-Coeur. Marié à Ragini et papa de deux grands garçons, Dean et Sean, je m’épanouis dans ce service où, encore une fois, «il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir» (Actes 20:35).

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