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27 septembre 2021 13:00
Comment vivez-vous ces temps très challenging ?
Un drame. Depuis l’éclatement de cette pandémie de Covid-19, on a comme l'impression que le ciel nous est tombé sur la tête, bouleversant notre vie familiale, sociale et économique, et… je ne fais pas exception. Ce serait un euphémisme de dire que nous vivons mal cette situation de quasi-confinement perpétuel où lorsqu’il est absolument nécessaire de sortir, masqué et évitant au maximum les contacts physiques, nous avons hâte de rentrer chez nous. Chaque jour qui passe nous apporte son lot de mauvaises nouvelles, à nous saper le moral et rendre la vie encore plus morose. Un vrai drame que nous vivons depuis 2020. Ce qui me touche le plus, ce sont les conditions dans lesquelles on dispose des corps de ceux qui meurent, victimes de Covid-19. N'aurions-nous pu faire différemment, ne serait-ce que par respect pour la dignité humaine ?
Quel regard portez-vous sur la situation à Maurice ?
Le système de santé. La pandémie a révélé des lacunes flagrantes de notre système de santé publique : personnel qualifié en nombre nettement insuffisant, même si par ailleurs très volontariste, et manque d’équipements modernes, essentiels pour contrer toute épidémie ; ce qui démontre une absence de prévoyance ou un amateurisme à vous faire frémir. Pour pallier les défaillances du système, les autorités ont eu recours, surtout pendant la période de confinement imposé, à des mesures d’exception pour faire l’acquisition d’un certain nombre d’équipements médicaux. Ce qui a permis à des gens sans aucun scrupule, proches du pouvoir qui s’est fait complice, de profiter de la situation pour littéralement faire main basse sur les deniers publics.
La vaccination. La campagne de vaccination a mis du temps pour démarrer et là encore, par manque de clairvoyance, mais heureusement et grâce surtout à la générosité de certains pays amis, Maurice a pu se procurer une quantité suffisante de vaccins pour permettre d’atteindre l’immunité collective au moment où nous nous apprêtons à ouvrir nos frontières aux vols commerciaux.
L’économie. La situation économique est, elle, catastrophique et c’est peu dire ! Le secteur touristique et hôtelier est au point mort, et les autres secteurs fonctionnent au ralenti, provoquant des pertes d’emploi massives, et, avec la hausse du coût de la vie, la perte du pouvoir d’achat de la population, toutes classes socio-économiques confondues. Sans le Wage Assistance Scheme et le Self-Employed Assistance Scheme mis en place par le gouvernement, il y aurait eu davantage de dépôts de bilan et de nombreux ménages laissés à leur triste sort. La mise à contribution judicieuse de la Banque de Maurice (BOM) et de la Mauritius Revenue Authority (MRA) s’est ainsi avérée très pratique et a permis d’éviter une crise sociale. Cependant, l’utilisation abusive de nos réserves à la BOM qui s’ensuivit est à décrier, tout comme la chasse aux sorcières qui aurait été entreprise depuis peu par la MRA.
La politique. Devant la situation inédite de souffrance humaine, de désarroi et de déprime, créée par la pandémie, on aurait pu s’attendre à une trêve politique, avec un pouvoir adoptant une politique de main tendue et une opposition offrant une collaboration franche et sincère, avec pour maîtres mots : ouverture et transparence, unité et solidarité, durabilité et innovation, ce qui aurait encouragé la population désemparée à reserrer les rangs pour relever les grands défis auxquels elle est confrontée. Hélas ! C’est toujours la même rengaine et le même esprit de clocher avec une vision étroite qui dominent notre paysage politique.
Et votre regard sur ce qui se passe dans le reste du monde ?
La Covid-19. Le virus de la Covid-19 n’a épargné aucun pays et ceux dits développés ont le plus mal géré la pandémie et connu des taux de mortalité souvent plus élevés que ceux des petits pays insulaires. Par ailleurs, ils ont fait montre d’un égoïsme odieux et d’une cruelle absence de solidarité en établissant un quasi-monopole sur les approvisionnements en vaccins, au détriment des pays ayant moins de ressources, confrontés aux pires conséquences en matière de santé et de droits humains.
L’Afghanistan. Un événement ayant aussi retenu l’attention dernièrement est la prise du pouvoir des talibans en Afghanistan. Le retrait de l’armée américaine de ce pays constitue une défaite cuisante et humiliante de la première puissance du monde face à des combattants talibans mal équipés. Le coût de cette occupation, mal inspirée et malvenue, en termes de pertes de vies humaines innocentes et de dépenses militaires, qui sont de l’ordre de plusieurs milliards de dollars, est ahurissant. Il y a, dans ce dénouement, des leçons à retenir, surtout pour les pays africains où des forces étrangères sont déployées (…).
Haïti. D'autre part, on ne cesse de se demander qui aurait pu jeter un sort à Haïti et aux Haïtiens où le nombre de cas de Covid-19 recensés à fin août 2021, s’élevait à 20 681 et le nombre de morts à 582 pour une population d’environ 11 millions. Après l’assassinat, en juillet 2021, de son président Jovenel Moïse, suivi le 14 août d’un séisme plus dévastateur que celui de 2010, voilà qu'un cyclone tropical s’abat sur le pays, faisant d’autres morts et d’autres sans-abri.
On dit que les crises ouvrent souvent la porte à des opportunités. Pensez-vous que c'est le cas actuellement ?
Priorités. Certes, les crises offrent aussi des opportunités ; encore faut-il savoir et vouloir les saisir ! Par exemple, à la place de projets coûteux d’infrastructure publique qui ne sont pas essentiels, un gouvernement ayant à coeur le bien-être de la population aurait revu ses priorités et investi davantage dans la formation du personnel soignant, tout en faisant appel aux professionnels qualifiés «exclus» du secteur public, souvent victimes du népotisme, et fait l’acquisition d’équipements modernes afin d’offrir un meilleur service aux citoyens qui n’auraient pas à se tourner vers les pays «amis» pour leur traitement.
Main tendue. Une deuxième occasion ratée est celle de refuser la main tendue de l’opposition au moment où elle proposait de faire cause commune pour trouver les moyens à mettre en oeuvre pour sortir le pays du marasme économique et éviter une crise sociale éventuelle. S’il y avait alors répondu favorablement, le Premier ministre aurait pu aujourd’hui appeler la population à se serrer les rangs et accepter des sacrifices qu’exige la situation, maintenant qu’il reconnaît lui-même que le pays est à genoux !
Y a-t-il des raisons de croire en un avenir meilleur ?
Solidarité. On va dire qu'il existe des lueurs d’espoir lorsqu’on constate la solidarité agissante de la société civile, des ONG et des individus en face de la catastrophe écologique marine sans précédent, avec, dans nos lagons, la marée noire provoquée par l’échouage du vraquier Wakashio à Pointe-d’Esny, en août 2020. Nous avons alors fait montre d’un patriotisme exemplaire, évitant les clivages et les divergences. La même solidarité a été constatée lorsque des policiers ont assuré, pendant le confinement, la distribution à domicile des allocations sociales et des corbeilles ménagères. Les ONG ont, elles, préparé et distribué des repas chauds aux familles les plus vulnérables de notre société.
Et, par ailleurs, des Mauriciens ont contribué généreusement au fonds de solidarité mis en place par les autorités.
Dénoncer. Les fléaux sociaux ne laissent pas/plus les gens indifférents : voyez le nombre de manifestations, avec des fois une participation massive de la population, de tous bords politiques, pour dénoncer les injustices, la corruption, le trafic de drogue et les atteintes à la démocratie, entre autres. Nous avons donc raison d’espérer en l’émergence d’une société et d'un monde meilleurs, Insh’ Allah !
Qu'est-ce qui peut redonner un nouveau souffle à Maurice et de l’espoir aux Mauriciens ?
La Jeunesse. À ce que je viens déjà d'énumérer, j'ajouterais, ce que j’ai noté comme un élément éminemment positif, un regain d’intérêt d’une section de notre jeunesse pour la chose politique. Pour servir le pays j’espère, car elle prétend incarner la génération qui refuse les clivages et se défait sans trop de difficultés des carcans du passé au profit d’une logique fédératrice. Elle parle le langage de l’avenir, celui de l’unité et de l’intégrité, de la protection de l’environnement et du dérèglement climatique, dénonçant la corruption et le népotisme. Elle se dit prête à prendre la relève. Le souhait, voire le désir, d’un renouvellement de notre classe politique qui me paraît plus qu’une évidence ne devrait tarder à se réaliser !
Activiste social depuis sa jeunesse, conseiller de la mairie de Port-Louis, puis lord-maire, plusieurs fois député et ministre, deuxième président de la République (le plus long mandat jusqu'ici), membre de plusieurs organisations au niveau local et international, Cassam Uteem a été tout cela et plus encore. Et aujourd'hui, que fait ce père de trois enfants – dont l'un est décédé – et papi de 10 petits-enfants ? Réponse...
«Je n’ai ni projet ni réalisation en cours. Je lis tout ce qui me tombe sous la main pour me faire plaisir et, lorsque je suis sollicité comme maintenant, je parle ou j’écris pour exprimer mon opinion sur des sujets divers ou partager mes expériences d’une vie publique relativement longue et animée de surcroît. Je me soustrais graduellement à mes obligations au niveau international, même si je continue à être membre de plusieurs organisations et participe à de nombreux Zoom. Au niveau local, je continue à porter un intérêt soutenu à la lutte des Chagossiens et je fais partie de quelques ONG, comme ATD Quart Monde, qui milite en faveur du respect des droits des personnes en situation de pauvreté, et Drwa a enn Lakaz, qui a vu le jour il y a un peu plus d’une année, lorsque, pendant le confinement, sur ordre d’un certain ministre du Logement, des bicoques, construites, certes, illégalement sur les terres de l’État, furent détruites, sans pitié, femmes et enfants contraints à dormir à la belle étoile par un temps hivernal frais et humide. L’ONG a, depuis, entrepris auprès de la NHDC des démarches qui, dans bon nombre de cas, ont abouti, permettant à ces familles d’avoir un appartement décent qu’elles méritaient, certaines étant sur la liste d’attente de la NHDC depuis des lustres.»
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