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15 avril 2021 00:37
Leur réalité est tout autre. C’est de loin, à travers des écrans, qu’ils assistent à ce qui se passe dans le monde. Ils voient défiler à longueur de journée dans leur fil d’actualité – sur les réseaux sociaux – toutes sortes de chiffres, entre le nombre de personnes qui se retrouvent contaminées d’un pays à l’autre, celles qui perdent la bataille face au virus ou encore le chamboulement que la pandémie provoque un peu partout sur la planète. Dans leur liste d’amis, ils sont souvent en contact avec un proche, un entrepreneur ou encore un employé d’un secteur en danger qui se retrouve confronté de loin ou de près à la Covid-19 qui, depuis plus d’un an, a mis plusieurs pays à genoux.
Ils assistent impuissants à des drames avec des courbes et des statistiques affichant un nombre inquiétant de morts dans certains pays. Ils voient la détresse de plusieurs familles déchirées par ce mal qui, malgré la présence de remèdes, continue à faire des ravages. Sur les sites d’informations, ils ne lisent que des nouvelles tristes : les hôpitaux surchargés et d’autres dommages collatéraux comme la crise économique qui sévit un peu partout et le chômage qui gagne du terrain, affectant plusieurs foyers.
De leur côté, la réalité est tout autre. Ils ne connaissent pas le confinement, les couvre-feux ou encore le fait d’être régis par des restrictions. Ils ne sont pas obligés de sortir selon un ordre alphabétique ou d’aller faire des courses dans des conditions stressantes en suivant un parcours établi dans un temps imparti. Ils ne sont pas obligés de travailler de chez eux et de jongler en même temps avec les obligations familiales, les enfants et le boulot, ou encore de porter un masque en public. Ils n’ont pas vu tous leurs projets tomber à l’eau, avec des rêves qui se retrouvent entre parenthèses : des mariages ou autres événements importants remis à plus tard. Ils ne se retrouvent pas non plus séparés des gens qu’ils aiment ou dans l’incapacité de dire au revoir à un être cher décédé ou d’assister à ses funérailles.
Ils ne vivent pas dans l’angoisse à chaque sortie, dans la crainte de se retrouver contaminés et de ramener le virus à la maison. Ils ne vivent pas dans la peur constante de voir l’un des leurs touché par ce mal ou encore de vivre le stress d’un examen se déroulant à un moment où le virus circule toujours. Ils ne connaissent pas les tests PCR et autres routines : la distanciation sociale, l’école à la maison, l’utilisation à profusion du gel hydroalcoolique ou encore les scènes de panic buying...
Bref, c’est de loin, via des écrans interposés, que certaines personnes qui vivent dans des endroits dits Covid-free et Covid safe et qui sont décrits, selon des sources officielles, comme «des pays qui n’affichent aucune donnée ou des données nulles concernant la Covid-19», suivent la situation. Puisque malgré la propagation phénoménale du coronavirus à travers la planète en quelques mois, ces quelques territoires toujours vierges de cas de Covid-19 existent.
Les États ayant évité les cas positifs depuis le début de la pandémie, comme recensés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), se trouvent tous dans l’océan Pacifique : les Kiribati ou encore les Palaos sur 193 membres des Nations unies. Il s’agit de pays à la géographie et à la localisation similaires : des archipels du Pacifique. Tous ont très vite pris des mesures pour contrôler leurs frontières et les entrées sur leurs territoires, étant particulièrement vulnérables du fait de la faiblesse de leur système de santé.
Les Palaos, par exemple, ont instauré des contrôles stricts aux frontières et mis en place des vérifications sanitaires importantes sur les différentes îles dès le départ pour préserver leurs 21 000 habitants du virus. Des mesures qui auraient aidé le pays à rester Covid-free et Covid safe. Prenant les taureaux par les cornes et ne baissant pas la garde, cette nation australe pourrait également devenir le premier pays entièrement vacciné contre la Covid-19, selon des informations de la chaîne américaine CNN.
S’ils sont classifiés comme pays «sans cas positif enregistré», ces petits États sont néanmoins durement frappés par les conséquences économiques en raison du règne du coronavirus dans d’autres parties du monde. Leur économie vacille notamment à cause de l’absence de touristes. «Elles sont dépendantes de l’aide extérieure pour leur développement. Elles importent une partie de leurs denrées alimentaires, de leur matériel de construction et médical. L’aide extérieure finance également l’adaptation au changement climatique et la majorité du secteur sanitaire», a expliqué Guigone Camus, spécialiste des îles du Pacifique, dans une interview sur le Net.
Des changements dans le statut de certains pays qui étaient jusqu’à tout récemment Covid-free inquiètent aussi ces îles jusqu’ici épargnées par le danger. Jusqu’à début octobre, les îles Salomon faisaient partie de la liste des pays vierges de la Covid-19 mais le rapatriement dans l’archipel d’un étudiant salomonais positif au virus a poussé le Premier ministre Manasseh Sogavare à annoncer la perte du «statut de pays sans Covid-19».
Les îles Samoa et Vanuatu faisaient aussi partie du cercle très fermé des nations sans cas de Covid-19 jusqu’à mi-novembre. Les Samoa, avec ses 200 000 habitants, avaient pourtant pris des mesures extrêmement strictes, d’autant qu’elles ont une infrastructure hospitalière précaire et qu’un nombre important d’habitants souffre d’obésité et de maladies du cœur. Le virus a finalement été introduit par un marin revenu de Nouvelle-Zélande en présentant pourtant au départ un test négatif. Le Vanuatu a, de son côté, enregistré son premier cas le 11 novembre : un homme revenant des États-Unis et placé en quarantaine à son arrivée comme tous les entrants.
Pas très loin de chez nous, Rodrigues, cette petite île faisant partie du territoire mauricien, est aussi considérée comme un pays Covid-free. Avec toutes les mesures qui ont été mises en place, comme le contrôle des frontières et la mise en place tout récemment d’un système de quarantaine pour les Rodriguais bloqués à Maurice et qui seront très bientôt rapatriés chez eux, les habitants de la petite île mesurent la chance qu’ils ont en ce moment.
«Depuis le début de cette pandémie, je me rends compte que j’ai de la chance de vivre à Rodrigues. Je n’avais jamais calculé le prix de la liberté et aujourd’hui, je me rends compte à quel point c’est important. Je trouve que nous avons beaucoup de chance de vivre là où on vit et de pouvoir profiter de la vie sans restrictions. Tout cela devient possible grâce à la vigilance et la discipline concernant le protocole sanitaire. Et même s’il est vrai que nous sommes Covid-free, la peur règne toujours. D’ailleurs, je tiens à dire que je suis de tout cœur avec les Mauriciens qui traversent une dure période avec le confinement et le virus qui est toujours localement actif. J’espère de tout coeur que tout cela sera très vite derrière nous. C’est déchirant de voir tant de monde souffrir de la Covid-19 à travers le monde. J’espère qu’on arrivera à prendre le contrôle sur le virus», nous confie Jeffrey Meunier de la région de Baie-aux-Huitres.
Jean Steeve Lucchesi, un habitant d’Anse-aux-Anglais, suit aussi la situation de très près, plus particulièrement l’actualité concernant ces Rodriguais coincés à Maurice depuis que le pays est entré en confinement national. «C’est une chance que nous avons de vivre libres», lâche-t-il, avant d’ajouter : «C’est une bonne mesure d’avoir instauré une quarantaine pour ceux qui sont bloqués à Maurice et qui doivent bientôt retourner à Rodrigues mais j’estime qu’il fallait le faire plus tôt.» Conscient qu’il faut tout faire pour prendre le dessus sur le virus, Jean Steeve Lucchesi dit toutefois avoir des réserves sur les vaccins : «Je ne compte pas me faire vacciner. C’est un vaccin qui a été développé trop vite et on ne sait pas encore toutes ses conséquences sur le corps.»
Même s’il est à l’abri, il dit avoir une pensée pour tous ceux qui sont affectés, à Maurice comme ailleurs : «Je pense à tous ceux qui souffrent et concernant Maurice, je pense qu’il aurait fallu prendre plus de précautions et instaurer un total lockdown pour que les gens exécutent mieux les consignes. En attendant que les choses s’arrangent, mon message aux Mauriciens : soyez patients, gardez la foi et soyez toujours attentifs aux directives. Je pense aussi à mes frères et sœurs de Rodrigues qui sont actuellement à l’hôtel Trou aux Biches et qui seront bientôt de retour au pays.»
Ils retrouveront alors leur douce réalité loin du coronavirus...
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