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Contexte électoral : une rentrée parlementaire pas comme les autres

24 mars 2024

Le député du MSM Kenny Dhunoo, Khushal Lobine, député du PMSD, et l’observateur politique Kris Valaydon donnent leur avis sur les enjeux de cette rentrée parlementaire.

Que nous réserve l’échiquier politique dans les mois à venir ? En tout cas, la température monte et plus que jamais, la marmite bouillonne. Il y a une semaine encore, soit le 12 mars, nous avons assisté au début des grandes manœuvres quand le Premier ministre Pravind Jugnauth a donné le ton en annonçant l’augmentation de la pension de vieillesse pour les plus de 60 ans et la promotion de 1 785 policiers ; soit des mesures populistes  qui font gagner des points au gouvernement. Et cette semaine, soit ce mardi 26 mars, tous les regards seront tournés vers l’Assemblée nationale avec la rentrée parlementaire qui se fera avec en toile de fond la fin du mandat du régime au pouvoir.

 

Le spectre des élections générales planerait ainsi sur cette reprise et plusieurs interrogations se bousculent, notamment :  jusqu’à quand durera cette session parlementaire ? Est-ce qu’il y aura la dissolution de l’Assemblée nationale dans les mois à venir ? Ou encore : est-ce que l’exercice du Budget se fera ? Les spéculations vont bon train, mais tout est entre les mains du Premier ministre, car au final, c’est lui qui décidera de la date à laquelle auront lieu les législatives.

 

On se souvient de sa précision autour des élections lors de son message à la nation en début d’année. «Sa lane-la pou ena bokou spekilasion konsernan eleksion zeneral. Mo redir li, mo gouvernma inn eli pou 5 an, nou pou komplet nou manda, se-a-dir, ziska la fin 2024. Li kapav plis ankor», avait-il déclaré dans son discours. Il y a quelques semaines, il a toutefois annoncé qu’il y aura une élection partielle au n°10 (Montagne-Blanche - Grande-Rivière-Sud-Est) après la démission de Vikram Hurdoyal comme député. Mais pour beaucoup, la tenue des élections générales, même si la date n’est pas connue, est quand même plus plausible.

 

En attendant, chacun affûte ses armes. Ainsi, du côté de l’opposition, les négociations au sein de l’Alliance PTr-MMM- PMSD concernant, notamment, la répartition des tickets électoraux, est d’actualité. Et, ils sont prêts, disent-ils, à faire face à toute éventualité. «On se dirige vers les élections générales. Peut-être qu’avec la rentrée parlementaire, on aura aussi l’occasion de voir si le Budget va être présenté un peu plus tôt ou un peu plus tard. On aura aussi un peu le feeling des couloirs parce que, malheureusement, on est un des seuls pays au monde qu'on dit démocratiques tout en ne sachant pas quand il y aura les élections. Cette date est gardée jalousement par le Premier ministre. En Angleterre, aux États-Unis et même en Inde, les dates des élections sont déjà connues. Malheureusement, chez nous, on sera pris par surprise ou on sera mis devant les faits accomplis. Ce sont des réformes qu’il faut apporter à la Constitution», nous confie Khushal Lobine, député du PMSD.

 

Si certains parlent de feel-good factor dans le pays après les récentes annonces du gouvernement, Khushal Lobine, souligne que la réalité est tout autre : «La différence entre nous et le gouvernement, c’est que nous, nous sommes sur le terrain, avec les gens. Nous sommes dans la rue, dans les bazars, dans les foires... Nous entendons les cris du cœur des Mauriciens. Ils nous racontent comment ils doivent faire pour joindre les deux bouts. On ne peut pas être coupé de la réalité. Les Mauriciens vont faire leur choix et je suis sûr que ça ne va pas être une surprise mais une réalité. Il y aura un changement de régime et le peuple attend son heure. Les Mauriciens ont une maturité politique et c’est un peuple qui a une très bonne maîtrise de tout ce qui se passe dans le pays.»

 

Selon le député de la circonscription nº15 (La Caverne - Phoenix), les Mauriciens ont déjà fait leur choix : «Ils vont faire la différence. On va leur donner de l’argent, mais ils vont raisonner. Ils connaissent la situation et l’économie de notre pays avec le coût de la vie et la dévaluation de notre roupie. Les annonces populaires de ces derniers temps ne vont pas changer la donne sur le terrain. Ça va être une élection durant laquelle les Mauriciens vont choisir pour leur démocratie, leur liberté d’expression, surtout avec les événements de ces derniers jours avec les attaques du Bureau du commissaire de police contre le Bureau du DPP.»

 

Dernière ligne droite

 

Selon Khushal Lobine donc, l’opposition parlementaire est prête pour aborder ce que certains qualifient de la dernière ligne droite au Parlement. «On va aborder cette rentrée parlementaire comme la dernière ligne droite pour aller vers les élections générales. C’est notre dernière année comme députés et on a un devoir d’être les dignes représentants de nos mandants. On se prépare avec beaucoup de sérénité, mais aussi avec beaucoup de sérieux comme d’habitude. On va s’atteler pour terminer notre mandat dans la discipline et encore une fois, au cours de cette session parlementaire, on va demander des comptes au gouvernement concernant tous les problèmes et tous les maux de la société mauricienne. On va emmener tout ce qu’on a eu comme doléances au Parlement et on va faire entendre nos voix sur tous les débats autour des lois qui seront à l’agenda des séances», souligne un Khushal Lobine confiant dans l’éventualité que les législatives se tiennent prochainement : «Les élections générales qui arrivent seront une bouffée d’air frais pour la démocratie. L’opposition est prête. Nous occupont le terrain, nous sommes sur le qui-vive. Le peuple va faire son choix dans la sagesse et je suis sûr que les Mauriciens vont faire un choix pour plus de démocratie et pour l’approfondissement d’une société mauricienne plus juste et équitable.»

 

Du côté du gouvernement, cette rentrée parlementaire – avec la présentation du Budget comme rendez-vous incontournable (les consultations pré-budgétaires du ministre des Finances ayant déjà commencé), surtout dans un contexte électoral – est abordée de façon sereine. Cependant, la reprise se fera avec quelques changements dans les rangs du gouvernement, notamment avec l’absence de Vikram Hurdoyal, qui n’est plus ministre, ni député. Naveena Ramyad, ancienne Chief Whip du gouvernement, est désormais ministre du Développement industriel, des PME et des coopératives, et Kavi Doolub, député du MSM, est le nouveau Chief Whip.

 

Comment est-ce qu’on entame cette rentrée parlementaire du côté du régime au pouvoir alors que l’ombre des législatives plane ? Kenny Dhunoo, Parliamentary Private Secretary (PPS), rejoint Pravind Jugnauth concernant cette éventualité. «On a été élus pour un mandat de cinq ans. C’est le mandat que nous avons avec le peuple», nous dit-il. Pour Kenny Dhunoo, la rentrée parlementaire pour l’équipe en place rime avec continuité et travail : «Pour nous, ce sera business as usual et nous sommes en train de travailler, et d’exécuter les travaux en lien avec les visions du Premier ministre». Selon le PPS, le gouvernement œuvre pour le bien-être des Mauriciens. «Pour nous, c’est le peuple qui jugera. Depuis que nous avons gagné les élections en 2019, l’opposition n’a pas digéré cela et elle ne digère toujours pas le fait que le pays avance. Les membres de l’opposition souhaitaient que l’équipe au pouvoir ne relève pas les défis mais on l’a fait. C’est le seul gouvernement qui est passé par les moments les plus difficiles dans l’histoire de notre pays. Il y a eu "La liste noire", la Covid, la marée noire à Pointe-d’Esny, sans oublier les deux lockdowns. Ça a été difficile, économiquement parlant, mais aujourd’hui, le pays a rebondi avec la collaboration de tous les Mauriciens. À notre niveau, dans notre équipe, nous suivons le Premier ministre, avec les visions qu’il a pour continuer à moderniser le pays et nous poursuivons dans cette direction...»

 

Tous les moves sur l’échiquier politique dans les jours à venir seront scrutés et analysés. Quel est l’enjeu de cette rentrée – que beaucoup décrivent comme la dernière ligne droite avant les élections – pour les deux camps : le régime au pouvoir et l’opposition ? C’est la question que nous avons posée à l’observateur politique Kris Valaydon. «On ne connaît pas la durée de vie de cette législature, du moins ce qu’il en reste. Elle peut bien intervenir avant novembre ou dans un mois ou deux, avant le Budget. Nous sommes donc dans le domaine de l’hypothétique à formuler ce que vont faire le gouvernement et l’opposition», répond-il. Pour lui, les sessions parlementaires à venir sont  donc à suivre avec intérêt : «On peut penser que le gouvernement va introduire les dernières lois qui sont dans le pipeline. Si le gouvernement prévoit des élections pour plus loin dans l’année, il peut même venir avec des lois à controverses  dans l’immédiat, sachant que  celles-ci seront vite oubliées par l’opinion dans quelques mois. C’est logique qu’il n’osera pas présenter des lois controversables vers la fin de la législature, juste avant les élections générales, pour ne pas donner des arguments de campagne contre lui. Au niveau des questions parlementaires, le gouvernement va essayer de se faire poser des questions par ses propres backbenchers, dont les réponses sont destinées à embarrasser l’opposition. Il y a, bien sûr, le Budget qui sera le dernier de cette législature, de ce gouvernement, qui n’hésitera pas à faire la bous dou, surtout depuis que le Privy Council a institutionnalisé le bribe électoral en lui donnant une définition particulièrement dangereuse pour le système politique mauricien et la tenue des élections free and fair.  À voir le jugement sur  la pétition de Dayal.»

 

Et qu’en est-il de l’autre camp ? «L’opposition va capitaliser sur les questions parlementaires et autres interventions sur les projets de loi pour étaler les manquements du gouvernement. On peut ajouter : si elle en a l’occasion et qu’elle ne tombe pas dans le piège des expulsions. Ce qui facilitera la tâche du gouvernement à faire cavalier seul au Parlement pour faire passer les messages de sa campagne électorale à travers celui-ci, donc de l’intérieur même de l’hémicycle», conclut Kris Valaydon, en parlant de cette rentrée parlementaire qui s’annonce pas comme les autres...

 

Au programme

 

Ils sont gonflés à bloc. Les députés des deux bords disent tous être sur le pied de guerre. À l’agenda de cette reprise tant attendue ce 26 mars, des projets de loi, comme le Disability Bill, entre autres.

 

Au menu de cette session également, des questions autour de l’introduction du kreol morisien à l’Assemblée nationale, des Chagos, du prix des légumes, de la tragédie pendant le pèlerinage Maha Shivaratri à Arsenal ou encore des dossiers comme Silver Bank et CorexSolar, notamment. Entre les questions, les absences de réponses ou celles qui ne convainquent pas toujours, on le sait, le Parlement se transforme souvent en show fait de brouhahas, d'attaques personnelles, de walk-outs, d'expulsions, de suspensions ou encore d’usage de langages dégradants. À suivre...

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