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Crimes «passionnels» : «L’amour ne doit pas être utilisé comme alibi»

Ces histoires bouleversent. Elles parlent du quotidien. Elles racontent une rencontre, une attirance, un désir de vie partagée ou pas. Elles évoquent l’amour. Elles s’émaillent de drames. Des terribles destins liés, des descentes aux enfers. Des victimes directes et collatérales. Les récits des crimes «passionnels» noircissent les pages des journaux, alimentent les posts sur les réseaux, provoquent discussion et prises de position : on tue par amour. C’est ce que ça laisse entendre. Néanmoins, «l’amour fou en soi ne provoque pas les crimes passionnels», explique Musarrat Seekdaur*, psychologue et thérapeute EMDR, qui évoque en questionnement un «paradoxe étrange entre l’amour et la tragédie ?».

Pour la professionnelle, il y a, d’abord, un champ sémantique à revoir : «Les crimes commis par les "cœurs brisés" ont pendant longtemps été appelés "crimes passionnels". L’utilisation de ce terme est cependant de plus en plus découragée par les experts en criminologie et les professionnels de la santé mentale, car il réduit la responsabilité de l’auteur du crime qui aurait, momentanément, perdu la tête à cause d’un trop-plein d’amour ou de passion. Or, il est impératif de comprendre que l’amour en lui-même n’est jamais la cause d’un acte violent ou d’un crime.» Il faudrait parler, selon Musarrat Seekdaur, de crimes d’honneur, de féminicides, de maricides et autres violences conjugales

 

L’amour se tisse de respect, d’entraide, de confiance et de compréhension. C’est, donc, essentiel de «redéfinir l’amour sain» : «Dans la conscience collective, le crime passionnel est glamourisé par le cinéma autant à Bollywood qu’à Hollywood où le profil psychologique dérangeant d’un meurtrier attire de la sympathie au lieu de la haine. Dans la vraie vie, si le crime passionnel se termine par le suicide de l’auteur, il n’est pas rare d’entendre ses proches dire "li ti tro kontan so mari/fam… get kot sa inn amenn li !"», explique Musarrat Seekdaur qui se demande si la société mauricienne est trop tolérante.

 

Pour mener votre réflexion personnelle, la psychologue vous partage d’autres éléments pertinents dans les lignes à venir…

 

Pour une définition plus saine de l’amour. «À Maurice, malgré les efforts de conscientisation, il y a toujours une culture de tolérance et d’acceptation envers les violences commises par les amoureux.ses. Il est temps de véhiculer, surtout aux plus jeunes, une définition plus saine de l’amour, loin des stéréotypes qu’on voit d’ailleurs toujours dans les films. Les thérapeutes entendent souvent "li ena koler, me tou zom kouma", "zis kan li bwar ki li bate". Ou encore une adolescente fière de partager aux copines que son amoureux "zalou parski li kontan mwa". Cela démontre qu’un travail plus approfondi est nécessaire au niveau de la société pour sensibiliser sur les red flags, ces signes précurseurs qui auront le potentiel de déborder vers un crime plus tard tels que la jalousie excessive, le contrôle coercif, le love bombing, ou même ces démonstrations de violence inouïe pendant les conflits les plus anodins.»

 

In their head. «Que se passe-t-il dans la tête des auteurs ? Nous allons en parler. Mais attention, comprendre n’est pas excuser ! Souvent, les auteurs des crimes "passionnels" expliquent avoir ressenti une profonde tristesse rien qu'à l'idée de perdre l’être aimé, voire adoré. D’autres avoueront que faire le deuil de la relation semblait impossible, voulant ainsi donner un sens romantique à leur geste. Cependant, les vraies causes des crimes passionnels sont souvent la jalousie pathologique ou la paranoïa (doutes, soupçons d’infidélités). Plusieurs crimes sont aussi commis par des pervers narcissiques ayant perdu leur "proie". Contrairement aux idées reçues, les auteurs des crimes passionnels de sont pas "poussés au meurtre" par amour mais par des pulsions égoïstes de la part de mauvais perdants. Les statistiques démontrent d’ailleurs que dans plus de 70% des cas, les victimes de ces crimes ont auparavant subi plusieurs violences, parfois psychologiques, au sein de leur relation avant de connaître une triste fin. Il se peut donc qu’un crime soit commis sans préméditation, mais que la tendance à la violence se manifestait déjà pendant longtemps au sein du couple, que ce soit à cause de troubles psychologiques et/ou psychiatriques, de profonds traumatismes et/ou de dynamiques malsaines au sein d’une relation amoureuse.»

 

Ce n’est pas de l’amour ! «L’amour fou en soi ne provoque pas les crimes passionnels, d’où l’importance de mieux étiqueter les crimes commis par les conjoints.es comme des crimes d’honneurs, des féminicides, des maricides et autres violences conjugales. L’amour ne doit pas être utilisé comme alibi. Afin de prévenir ces crimes, il est temps de briser ces idées reçues qui associeraient l’horreur et la bassesse humaine à la pureté de l’amour.»

 

*Musarrat Seekdaur est psychologue et thérapeute EMDR. Elle consulte au Labourdonnais Court Medical Centre à Port-Louis et propose également des sessions de thérapie EMDR et de counselling en ligne. Elle s’occupe, entre autres, du traitement des troubles psychologiques liés aux traumatismes. Elle travaille principalement avec une population adolescente et adulte. Elle est joignable au 5764 8243 pour la prise de rendez-vous. Si elle n’est pas disponible en appel, elle vous demande de lui laisser un message via WhatsApp ou un SMS. Vous pouvez également la suivre sur sa page Facebook.