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Décès de Marie-Michèle Saint-Louis Durhone et de Jennifer Antou Lebon : hommages à des judokates inoubliables

Elles ont marqué l’histoire du sport du pays. Chacune à sa manière, chacune avec sa magical touch. Marie-Michèle Saint-Louis Durhone et Jennifer Antou Lebon, deux judokates de talent, sont décédées le vendredi 6 septembre et le jeudi 5 septembre. Un triste rapprochement pour celles qui ont fait vibrer les tatamis d’ici et d’ailleurs pendant des années et qui ont transmis l’amour du judo à un grand nombre. Tracy Durhone et Tania Marie Tenermont racontent, respectivement, leur maman et leur tante. Avec émotions, avec reconnaissance. 

Tracy, la fille de Marie-Michèle : ma mère, cette étoile…

 

 Dans sa voix, des flots. Des flots de tristesse qui s’accompagnent de ces larmes qui charrient des torrents d’émotions. Ils évoquent la douleur, le manque, le vide, immense. Mais aussi de la reconnaissance : «Aster to parmi bann zetwal. Nou lamour ek respe pou res eternel. Mersi maman.» Tracy Durhone parle, bouleversée, de sa mère qui est décédée, quelques heures plus tôt, en ce vendredi 6 septembre. Marie-Michèle Saint-Louis Durhone, 55 ans, s’est éteinte des suites d’une longue maladie. Elle a marqué l’histoire de l’île à coups de prises sur le tatami. Figure emblématique du judo, elle a inspiré toute une génération de sportifs.ves. Championne d’Afrique en 1992 et en 1998 (la première Mauricienne à l’être !), médaillée d’or lors de trois éditions des Jeux des îles de l’océan Indien et représentante du quadricolore aux Jeux olympiques à Atlanta aux États-Unis en 1996, elle est un visage incontournable du sport mauricien.

 

Sa vie s’est écrite en intimité avec le judo ; une rencontre avec le tatami et son existence n’a plus été la même. Une vie d’amour et de passion, dans les gymnases. De joies aussi auprès des siens et de ses élèves. Des éclats de bonheur multiples et aussi tonitruants que son rire. Les hommages se sont multipliés sur les réseaux, lors de la veillée à Camp-Levieux et lors de la cérémonie religieuse, le 7 septembre, en l’église Sainte-Odile. Et beaucoup sont ceux et celles qui se souviennent du rire particulier, de la joie de vivre et de la gentillesse de celle que certains.es décrivent comme «la maman des femmes du judo mauricien». La pionnière, en quelque sorte ; celle qui a ouvert la voie. Celle qui a porté cette discipline à un haut niveau, permettant à celles qui suivaient de rêver plus fort, de rêver plus grand. Comme sa fille Tracy, également judokate.

 

Sa mère lui a transmis cet amour, cette passion. Et les valeurs qui font les grandes sportives. Car pour y arriver, il faut avoir de la force et de la technique, mais aussi de la rigueur, du respect et de la résilience : «Elle m’a transmis le flambeau ; je le porterai fièrement.» Les jours heureux, les jours remplis de tout et de rien tourbillonnent en elle. Les heures passées sur le tatami, les victoires et les défaites vécues au cœur de la famille, les sacrifices et la dureté de la discipline et du monde sportif, les moments de complicité dans leur maison à Camp-Levieux et lors des ti program avec cette maman «gran labouss, latet dir, kontan roulma» : «Nou ena bann zoli souvenir ansam toulezour. Nous partageons la même passion. Et surtout, elle est toujours à l’écoute, bienveillante, toujours prête à te motiver», raconte-t-elle, refusant de parler de sa mère au passé. Pas encore. Peut-être, jamais.

 

Elle pourrait évoquer sa maman pendant des heures. Parler de son parcours, de cette flamme qui brûlait fort en elle, de sa persévérance, des montagnes qu’elle a surmontées. De leurs moments mama-piti, de leur vie, de leur lien unique, des choses que seule une fille peut dire en parlant de sa mère… Mais là, tout de suite, avoue-t-elle, le chagrin est trop fort. Il s’insinue dans toutes ses fibres et brouillent son lien au monde : «Mo anvi dir li mersi pou tou seki li finn fer. Mersi pou linn permet mwa et fam ki mo ete. Mo pa kapav dir plis ki sa. Mo sagrin. Samem tou mo kapav dir. Mo sagrin monn perdi mo mama.» Cri du cœur, cri intime. Avec dans sa voix, des flots…

 


 

 

Tania raconte Jennifer : «Ma tante était une femme forte, une battante»

 

Son cœur s’est échoué sur l’île sœur. Il chavire de tristesse malgré les kilomètres. Tania Marie Tenermont, qui vit en France, pleure sa tante, Jennifer Antou Lebon. Cette dernière est décédée dans la matinée du jeudi 5 septembre à La Réunion, où elle vivait depuis plusieurs années après s’être mariée à un Réunionnais. Être loin des siens dans ce moment difficile, c’est une épreuve pour Tania. Une épreuve d’amour : «C’est vraiment dur.» Parler de sa tante, c’est comme se rapprocher, gommer la distance. La faire revivre, la faire tournoyer dans la lumière des souvenirs.

 

Alors Tania raconte : la découverte du judo de Jennifer à 15 ans, son entrée dans la sélection nationale à 17 ans, ses participations à différents championnats dans l’île et ailleurs, sa médaille d’argent (et médaille d’or en équipe) pour les Jeux des îles de 2003 où elle est porteuse de la flamme. Elle parle du feu sacré de Jennifer, de sa joie de transmettre, de son amour pour ce sport si beau, de sa passion communicative. De ces vacances scolaires passées à ses côtés, de l’amour du judo que Jennifer lui a transmis, «c’était un amour très profond», à elle et à bien d’autres : «J’ai passé toute mon enfance avec elle ; elle m’a transmis l’amour du judo.» De sa joie de vivre, de sa capacité à toujours faire rire. De la force intérieure de la judokate qui lui donnait des ailes et la ramenait toujours à son essentiel. De son dernier combat : «Ma tante était une femme forte. C’était une battante et elle s’est battue jusqu’à la dernière minute contre la maladie. Mais là, elle souffrait trop.»

 

Il y a un an, raconte Tania, Jennifer apprend qu’elle est malade. La nouvelle tombe dévastatrice. Mais il y a de l’espoir : «Son départ, c’est un gros choc. On n’a pas eu le temps de process. On a toujours eu l’espoir qu’elle guérisse. À un moment donné, il y avait de bons retours des médecins. Et puis, du jour au lendemain, son état s’est dégradé.» La maman de Tania, la sœur de Jennifer Antou Lebon, est arrivée dans l’île, mercredi soir : «Notre famille est éparpillée. Mon oncle a fait le voyage également. Je crois qu’elle attendait de voir des visages familiers avant de s’en aller.» Les funérailles ont eu lieu à Sainte-Rose, le vendredi 6 septembre.

 

La judokate, la plus jeune sœur d’une fratrie de cinq enfants qui a grandi à Pointe-aux-Sables, reposera dans l’île sœur, là où elle a déposé ses valises et sa passion pour le judo à 35 ans : «C’est une décision de la famille de ne pas faire rapatrier son corps. Son mari et son fils pourront se recueillir sur sa tombe.» Jennifer Antou Lebon était maman d’un enfant de 13 ans. Et son intense chagrin de partir était lié à lui, à son petit bout de soleil, à son «il» d’amour : «Ces derniers temps, elle disait qu’elle avait pu voir grandir ses neveux et ses nièces, mais qu’elle laissait son enfant derrière elle.»