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Par Elodie Dalloo
18 avril 2023 14:32
il avait fêté son 60e anniversaire le 28 janvier. Mais pas question pour Mario Boncoeur d’arrêter de travailler, nous confie ses proches. En pleine forme, si ce n’est qu’il souffrait de problèmes gastriques de temps en temps, il exerçait toujours le métier de maçon. Néanmoins, il est décédé dans des circonstances qui intriguent son entourage.
D’abord admis à l’hôpital de Souillac où il s’était rendu le vendredi 7 avril à cause de douleurs à l’estomac, il a été transféré à celui de Nehru, à Rose-Belle, trois jours plus tard. Aux petites heures du matin, le lendemain de son transfert, sa famille a, contre toute attente, appris son décès. D’après le personnel de l’établissement, le sexagénaire aurait été pris d’hallucinations, puis se serait donné la mort en s’automutilant. Des faits inimaginables pour ses proches qui soutiennent qu’«il n’a jamais eu de tendances suicidaires». Ils réclament une enquête approfondie.
Domiciliée non loin de la maison de son beau-père Mario Boncoeur, dans la région d’EDC, à Camp-Diable, Elodie était très proche de lui. «J’allais régulièrement lui rendre visite ou c’est lui qui venait à la maison. Souvent, les après-midi, il venait chez nous pour discuter ou s’occuper de ses petits-enfants pendant que je faisais la cuisine. Pour moi, il n’était pas simplement un beau-père mais aussi un père. Mo mem ti pe okip tou so zafer, ti pe gard so kart idantite, so karne labank. Il me répétait souvent que j’étais la fille qu’il n’avait jamais eue», confie-t-elle. Alors, non, elle ne croit pas à la thèse de suicide.
Le vendredi 7 avril, dit-elle, Mario Boncoeur ne s’était pas rendu au travail. «Il est venu m’emprunter Rs 100 pour pouvoir se rendre à l’hôpital de Souillac. Il disait avoir des douleurs à l’estomac.» Il a été admis le même jour, souffrant, selon les médecins, de pancytopénie (NdlR : une diminution du nombre de cellules dans les trois principales lignées de cellules du sang – globules rouges, blancs et plaquettes) et de trouble lié à la consommation d’alcool. Il y a passé le week-end. Le lundi 10 avril, «trois médecins lui avaient donné sa décharge, jugeant qu’il allait mieux, mais un autre, qui allait être transféré à l’hôpital de Rose-Belle, a demandé son transfert dans cet établissement pour un suivi», explique Elodie.
Jusqu’alors, dit-elle, le père de son compagnon semblait aller bien : «Nous lui avons toujours rendu visite et il n’a jamais présenté de signes laissant supposer que l’idée de se donner la mort lui traversait l’esprit.» Après que Mario Boncoeur l’a appelée pour lui parler de son transfert – l’hôpital n’ayant jamais informé la famille, soutient-elle –, Elodie et son compagnon Rudy se sont rendus à l’hôpital Nehru dans l’après-midi du lundi 10 avril. «Kan nounn ariv laba, nounn rant dan lasal-la deryer li. Ler nounn demann li kot li sorti, linn dir nou li sorti labank. Il avait ses reçus avec lui. Pensez-vous que quelqu’un qui souffre d’hallucinations et de crises aurait été en mesure d’aller faire un retrait bancaire tout seul ? Il y a trop de zones d’ombre.»
Le couple raconte avoir alors remis au sexagénaire ses affaires, avant de le quitter «en pleine forme». Cependant, vers 8 heures, le lendemain matin, la police les aurait contactés pour leur informer du décès de Mario Boncoeur. «Ce n’est que lorsque nous avons gagné l’hôpital que nous avons reçu l’appel des médecins nous annonçant, à leur tour, sa mort. Ils auraient dû être les premiers à nous contacter, vu que mon beau-père était sous leur responsabilité», s’indignent Elodie et Rudy, qui se posent beaucoup de questions. Dans l’espoir d’obtenir plus de précisons auprès du personnel présent, expliquent-ils, «nou finn al dan so lasal pou kone kinn pase. Bann dokter inn zis dir nou ki li finn blese avek vit, linn mor». À ce moment-là, la dépouille de Mario Boncoeur avait déjà été transférée à l’hôpital Victoria, à Candos, pour une autopsie. Celle-ci, pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département médico-légal de la police, a révélé que la victime a succombé à un «stab wound to the abdomen», ce qui a entraîné une perforation de l’aorte.
Dans sa déclaration à la police, le Charge Nurse de la salle a expliqué que la victime souffrirait d’hallucinations et aurait eu un comportement violent. Il affirme qu’aux petites heures du matin, Mario Boncoeur serait devenu agressif et aurait endommagé des carreaux dans les toilettes, avant de courir jusqu’à la porte d’entrée principale de la salle 2.4, où il était hospitalisé, pour briser la vitre en s’y cognant la tête. Il aurait ensuite récupéré un morceau de verre pour s’automutiler, avant de s’écrouler devant le nursing station. Toujours d’après le Charge Nurse de la salle, l’un des médecins présents au moment des faits, aidé d’autres infirmiers, lui aurait aussitôt apporté les premiers soins mais Mario Boncoeur a fini par rendre l’âme aux alentours de 6 heures.
Les proches de Mario Boncoeur ne sont pas convaincus par cette version des faits. «Nous avons questionné les autres patients de la salle mais la plupart disent n’avoir rien vu ni entendu», lâche Elodie. Tandis que d’autres avancent avoir vu environ cinq infirmiers l’accompagner dans les toilettes aux petites heures. Rudy, le fils du sexagénaire, s’est même entretenu avec les enquêteurs. «Ler mo finn dir zot ki mo pa krwar mo papa inn swiside, zot finn dir mwa ki ena li lor kamera. Mo dir korek. Me ler monn demann zot ki sa bann dokter kinn amenn li dan twalet-la, zot inn reponn mwa ki zot pa kone, ki pena kamera», allègue-t-il. «Comment se fait-il qu’il y ait deux versions ? Cherchent-ils à nous cacher quelque chose ?» s’interroge Rudy.
Lorsqu’il a demandé à voir les images des caméras, dit-il, «zot inn dir mwa ki zot pa pou kapav, ki mo bizin reklam enn otorizasyon ek avoka». C’est la raison pour laquelle, le jeudi 13 avril, il a porté plainte pour négligence mais aussi pour vol car l’argent que son père avait sur lui aurait disparu. À l’heure où nous mettions sous presse, la police n’avait pas encore repris contact avec la famille.
Elodie, de son côté, avance que les problèmes gastriques de son beau-père ne datent pas d’hier : «Il y a un mois, mon compagnon l’avait accompagné à l’hôpital pour cela. Mo boper pa enn dimounn ki manze mem. Letan li travay, li manze. Me kan li konze, li kapav bwar trwa ou kat zour a swiv, lerla li pa bwar ditou pandan enn mwa. Se zis kan li ti pe bwar san manze ki li ti gagn problem lestoma.» Cependant, assure-t-elle, «cela n’arrivait que très rarement et c’était le seul problème de santé dont il souffrait. Il n’a jamais eu d’hallucinations, fait de crises ou eu un comportement violent. Mo ti pe al get li preske toulezour ek zame finn ariv sa. Li ti enn dimounn kontan koze, riye, badine, li ti zovial, li ti kontan lavi. Tou dimounn ti kontan li. Li pa ti rod lager avek so prosin. Pourquoi se serait-il suicidé dans un endroit où on aurait pu le soigner ?».
Autre interrogation : «Si enn dimounn kas enn vit ek so latet, pran enn bout ver pou pik li, li ti bizin ena bann mark dan so lame ek so latet. Pourtant, lorsqu’on nous a remis le corps, il n’avait aucune cicatrice à la tête ou aux mains», affirme Elodie. Les proches de Mario Boncoeur soulignent également que ce dernier n’aurait eu aucun souci durant les trois jours passés à l’hôpital de Souillac. «S’il souffrait effectivement d’hallucinations et avait un comportement violent, comme le prétendent les médecins, pourquoi ne l’ont-ils pas ligoté ?»
Veuf depuis trois ans, Mario Boncoeur, qui a deux fils – Rudy, 35 ans, et Didier, 39 ans – et huit petits-enfants, vivait seul. «Limem kwi so manze, lav so linz. Nous n’aurions jamais laissé quelqu’un souffrant d’hallucinations vivre seul», assure Elodie. Lorsqu’il ne travaillait pas, le sexagénaire passait le plus clair de son temps à la maison, à regarder la télé ou à faire le ménage. Il ne sortait pratiquement jamais de chez lui, fait ressortir Elodie. «Sa laz li ena la, li pe bat so sima, pe travay, pe mont sipa komie letaz lor esafodaz, ek zot pe dir enn dimounn koumsa ena alisinasyon ?»
Depuis le décès de Mario Boncoeur, son entourage est anéanti. «Nou santi nou perdi, nou santi enn gran vid. Nou pa kone ki nou bizin fer, kotsa nou pou koumanse. Nou pena lavi. Personnellement, depuis la mort de mon beau-père, je n’ai plus aucun courage. Je suis à bout de force. Mo pa anvi fer nanye. Se enn zafer ki pa ti bizin arive. Si li ti mor akoz li ti malad, nou ti pou dakor, me pa dan bann sirkonstans parey», lâche tristement Elodie qui refuse de croire que son beau-père aurait pu commettre l’irréparable «alors qu’il avait encore des projets. Li ti ena pou fini renovasyon dan so lakaz».
Les funérailles de Mario Boncoeur ont eu lieu le mercredi 12 avril. Il laisse derrière lui des proches anéantis et qui se posent d’innombrables interrogations. Ces derniers envisagent de retenir les services d’un homme de loi et de réclamer une rencontre avec la direction de l’établissement. «Nou bizin gagn enn bon explikasyon lors seki finn arive.»
Sollicité, le ministère de la Santé dit avoir réclamé un rapport à ce sujet : «L’enquête est maintenant entre les mains du ministère pour déterminer les circonstances et situer les responsabilités.»
N’empêche, un homme a perdu la vie dans des circonstances tragiques. Laissant ses proches dans une tristesse indescriptible…
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