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Dhiren Moher : «L’étudiante séropositive menacée d’expulsion est déprimée et perdue»

20 avril 2015

Dhiren Moher

Quelle est l’histoire de la jeune étudiante camerounaise menacée d’expulsion ?

 

C’est une jeune femme comme une autre, qui s’est enregistrée dans une institution tertiaire pour se donner la chance de poursuivre des études à Maurice. Et comme l’exige la loi mauricienne, elle se soumet à un test médical pour le VIH, l’hépatite B et les infections pulmonaires afin de remplir les démarches nécessaires à l’obtention de son permis d’étudier. Cependant, lorsqu’elle fait son test dans un laboratoire  privé, elle apprend qu’elle est séropositive. Peu de temps après, elle apprend que cela remet en question son autorisation de rester sur le territoire mauricien et qu’elle est menacée d’expulsion par les autorités.

 

Comment se porte-t-elle ?

 

Pas très bien depuis ses résultats positifs au VIH et la menace d’expulsion, comme n’importe quelle autre personne se serait sentie. Elle est extrêmement stressée, fatiguée, déprimée et perdue. Nous essayons, au niveau de PILS, de lui donner l’encadrement nécessaire, selon les moyens dont nous disposons, notamment un soutien psychologique.

 

Il semble que le public a la perception qu’une personne séropositive est une menace pour la société. Pourquoi ?

 

Le VIH est source de toutes sortes de fausses idées et véhicule, depuis 30 ans, un sentiment de peur. Essentiellement la peur de ce qu’on ne connaît pas ou de ce qu’on connaît mal. Encore aujourd’hui, presque la moitié des Mauriciens connaissent très mal les modes de transmission du VIH et quasiment tous – nous le voyons dans nos sessions de formation – pensent que le VIH est un virus qui se transmet facilement. Ce n’est, bien entendu, pas le cas et ça l’est encore moins quand une personne est testée et traitée. Même si nous avons fait des progrès considérables au niveau du dépistage et du traitement des personnes vivant avec le VIH, nous avons encore énormément à faire dans le domaine de l’éducation sur ces questions.

 

Comment est-ce que PILS gère cette situation ?

 

Nous sommes une association de lutte contre le VIH, qui a aussi fait de la lutte contre toutes formes de discrimination liées au VIH l’une de ses batailles. Cela fait partie de notre nouveau plan stratégique et a toujours fait partie de notre mission, de notre vision et est au cœur même de l’existence de PILS. Dans le cas présent, nous avons contacté le bureau du Premier ministre afin de lancer un appel pour reconsidérer le dossier de la jeune femme et lui permettre de poursuivre ses études à Maurice. Nous gérons la situation avec beaucoup de prudence, car il est primordial que son identité soit respectée. Tout être humain, incluant les personnes vivant avec le VIH, a des droits. Notamment celui de vivre une vie normale et celui d’étudier. Nous avons également alerté un certain nombre de nos partenaires internationaux et d’agences des Nations unies.

 

Quelles sont les actions que vous comptez prendre ?

 

Le premier appel étant resté sans réponse, nous avons lancé un second appel au bureau du Premier ministre afin que le dossier soit revu. Mais cet appel vient a priori d’être rejeté. Nous espérons avoir une session de travail avec certains décideurs politiques pour leur faire part de notre manière de voir les choses et pour qu’ils comprennent que certaines lois en vigueur vont à l’encontre des droits humains fondamentaux. Un premier contact a déjà été établi en ce sens et la demande a été accueillie favorablement. Nous avons aussi rencontré certains parlementaires en vue d’avoir une discussion sur ces lois qui, d’une part, ne sont efficaces en rien et, d’autre part, contribuent à ternir l’image de notre pays.

 

Comment faut-il interpréter cette décision des autorités mauriciennes ?

 

L’origine de la discrimination est la méconnaissance et le manque d’information. Il y a beaucoup de fausses idées qui circulent autour du VIH. Quelle que soit l’issue de ce drame humain – puisque c’en est un –, nous aurions souhaité qu’avec les autorités et les autres ONG concernées, nous puissions enfin avoir un vrai dialogue ou une réflexion constructive sur la pertinence de cette loi.

 

Bio express

 

C’est en 2001 qu’il a publiquement dévoilé sa séropositivité. Depuis, Dhiren Moher n’a cessé de se battre contre l’exclusion et la stigmatisation, et pour plus de reconnaissance envers les sidéens et les séropositifs. Le travailleur social, marié à Karishma Beeharee, ex-journaliste, a été, entre autres, président de PILS et a également travaillé pour la Commission de l’océan Indien.

 

PILS s’insurge

 

L’association PILS, qui lutte contre toutes formes de discrimination envers les sidéens, a tout de suite fait savoir sa position sur le cas de la jeune étudiante qui a découvert sa séropositivité sur le sol mauricien : «PILS considère que cette décision des autorités mauriciennes est discriminatoire, injuste et inacceptable, et pense qu’il n’y a aucune raison valable, ni aucune justification de santé publique pour refuser le permis de rester à cette étudiante ou à n’importe quel étranger vivant avec le VIH. PILS plaide pour le changement de la loi sur l’immigration depuis 2009. L’Immigration Act stipule qu’aucun permis de résidence ne sera octroyé à toute personne vivant avec le VIH.»

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