Publicité
4 juillet 2016 04:50
Quelle est votre analyse par rapport aux ravages que font actuellement les drogues synthétiques ?
Les drogues de synthèse les plus courantes sont : le Black Mamba, la Dragon et laSalvia. D’autres sont : C’est pas bien, White Widow etChampignon. Les autorités ont également remarqué l’arrivée en force de la petite dernière de ces drogues de synthèse : le Wasabi. Je ne sais pas si le Krokodilest entré à Maurice, mais je sais qu’il fait des ravages en Russie et dans d’autres pays européens. Le Krokodilest décrit comme étant la drogue la plus dangereuse au monde. Elle provoque des os et dents rongés, des jambes mutilées, des plaies béantes, une peau déchiquetée, parmi d’autres effets néfastes.
Quelle est la situation dans notre île ?
Les drogues synthétiques ont inondé le marché mauricien depuis quelque temps. Extrêmement puissants, beaucoup moins chers que le cannabis et pas difficiles à dénicher, ces stupéfiants font fureur à Maurice au point où le marché du cannabis est concurrencé. Conséquence directe : les vendeurs de cannabis ont été contraints de revoir leurs prix à la baisse. Par exemple, les variétés les plus prisées de cannabis se vendaient à Rs 1 200 le gramme et le prix est tombé à Rs 900. Le nombre de joints que quelqu’un peut avoir dans un gramme de cannabis est, au minimum, similaire au nombre qu’il peut avoir dans un gramme de drogue synthétique, qui se vend entre Rs 600 et Rs 700.
Pouvez-vous nous donner quelques chiffres liés aux ravages des drogues de synthèse ?
Les chiffres concernant les ravages que font les drogues synthétiques à l’hôpital se déclinent comme suit : en 2013 et 2014, pas de cas recensé. En 2015 : 54 cas de personnes de sexe masculin avaient été recensés et un cas était une femme. Parmi ces cas, il y avait 20 garçons et une fille de moins de 18 ans, 23 hommes âgés entre 18 et 30 ans, 8 hommes âgés entre 30 et 40 ans, et 3 hommes de plus de 40 ans. En 2016, pour la période de janvier à avril, 18 cas de personnes de sexe masculin avaient été recensés et un cas était une femme. Notons que parmi, il y avait 7 garçons et 1 fille de moins de 18 ans, 6 hommes âgés entre 18 et 30 ans, et 5 hommes âgés entre 30 et 40 ans.
Comment analysez-vous ces chiffres ?
En 2015, les drogues synthétiques comprenaient 47 % des admissions liées à la drogue à l’hôpital Brown-Séquard. Un chiffre non-comparable aux deux années précédentes où un pourcentage de 0 % avait été ressenti. La consommation de drogue synthétique est beaucoup plus élevée chez le genre masculin. La drogue synthétique est une nouvelle drogue à Maurice ; elle est à sa phase très initiale. Alors, le genre masculin, à cause de son désir de transgresser les normes et de montrer sa virilité, en consommerait plus. Cette drogue, jusqu’ici, était inconnue des femmes, mais tout doucement, les hommes introduiront cette drogue aux femmes et de cela, l’ampleur chez la femme prendra et sera peut-être comparable à la tendance qu’on retrouve dans d’autres pays. C’est-à-dire les femmes et les filles qui sont plus enclines à consommer pour composer avec leurs problèmes émotionnels ou relationnels.
Quels sont les dégâts que causent ces drogues ?
Étant donné que les drogues sont fabriquées dans des laboratoires illégaux, leurs ingrédients et leur puissance peuvent énormément varier. Ce qui fait qu’il est impossible de savoir ce qui les compose réellement ou les effets qu’elles peuvent avoir sur quelqu’un. Certaines drogues sont mélangées à de l’alcool ou des drogues illicites, ce qui aggrave les effets secondaires. La consommation des drogues de synthèse peut diminuer les inhibitions et encourager des comportements à risques, en augmentant les chances qu’un adolescent conduise en ayant consommé ou ait des rapports non protégés. De nombreuses drogues de synthèse ne peuvent pas être détectées par l’analyse d’urine ou d’autres méthodes de dépistage, ce qui rend l’estimation du niveau d’intoxication difficile.
Et qu’en est-il de leurs effets ?
Les effets immédiats agréables sont : une ivresse, une relaxation extrême, une amnésie et une sensation de détachement. D’autres effets indésirables sont : hallucinations, crise de panique, sentiments paranoïaques ou encore des idées suicidaires. Les effets physiques immédiats : nausée, changements significatifs de tension artérielle, crises d’épilepsie, discours inarticulé et perte de connaissance. Ces drogues peuvent même entraîner une insuffisance cardiaque, un arrêt du cœur, des problèmes de respiration fatals, une hyperthermie, un coma, voire la mort.
Quels sont les signes auxquels nous devons prêter attention pour veiller si quelqu’un de notre entourage en est victime ?
Les signes de consommation excessive sont comme suit : changement de comportement, isolation de la famille et être défensif à propos de la consommation de drogues. Perte ou prise de poids injustifiée, changements liés à l’hygiène ou l’apparence personnelle, confusion ou désorientation, paranoïa, troubles du sommeil : insomnie, agitation et cauchemars, vol d’argent aux membres de la famille, baisse des résultats à l’école ou au travail, et difficultés à entretenir des relations.
Est-ce qu’on peut sauver quelqu’un de l’emprise de cette drogue ?
Le traitement est difficile car ne sachant pas exactement ce que le patient a consommé, on traite généralement les symptômes. Tout comme la détoxification, des thérapies de discussions psychologiques sont proposées aux patients et à la famille. Ainsi, il s’agit d’expliquer comment le traitement lié à la drogue synthétique diffère de celui lié aux autres drogues. Il s’agit aussi d’aider la personne à développer son sens de la responsabilité plutôt que d’endosser le rôle de victime afin d’éviter le retour des mauvaises habitudes : la rechute.
Qu’est-ce qui devrait être fait pour contrer ce fléau ?
Au niveau national, des programmes de prévention doivent être institués. Il faut miser sur l’éducation de masse à travers les médias. Il faut parler de ces dangers à la maison et à l’école. Il revient aussi aux parents et aux enseignants d’en parler. Pourquoi pas aussi en parler dans les lieux de travail ? Au niveau des hôpitaux, tout un travail est fait pour l’après-traitement sur comment prévenir la rechute.
Si plusieurs ONG ne cessent d’attirer l’attention sur le nombre de jeunes qui se tournent vers les drogues synthétiques et les ravages que causent ces produits, Anil Gayan, le ministre de la Santé, ne partage pas le même avis. «La situation n’est pas alarmante», a-t-il déclaré le mercredi 29 juin devant la commission d’enquête sur la drogue. «Est-ce que les jeunes ont accès facilement à de la drogue de synthèse ? Je ne sais pas dans quelle mesure c’est vrai», a-t-il aussi ajouté.
Parlant du cannabis, le ministre a déclaré qu’il est dangereux et qu’il ne doit pas être accessible au public. «Aucun parent ne souhaite que son enfant ait accès à ce produit», en affirmant aussi que la dépénalisation et la décriminalisation de ce produit sont hors de question. «We’ll have a whole country who will be ‘‘nisa’’ all the time», a-t-il également déclaré.
À une question de Paul Lam Shang Leen, président de la commission, qui a demandé à Anil Gayan si l’alcool ne devait pas être banni dans ce cas, ce dernier, même s’il a souligné que c’est un problème social, estime qu’un consommateur d’alcool peut dessaouler alors qu’avec le cannabis, «once you get high, you want to get higher».
Publicité