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Dr Ryszard Oleksy : «500 espèces de plantes s’appuient sur les chauves-souris pour polliniser leurs fleurs»

28 octobre 2015

Dr Ryszard Oleksy : «500 espèces de plantes s’appuient sur les chauves-souris pour polliniser leurs fleurs»

Pouvez-vous vous présenter ?

 

Je suis un étudiant postdoctoral à l’Université de Bristol, au Royaume-Uni, et je travaille en collaboration avec la Mauritius Wildlife Foundation (MWF).

 

Parlez-nous de l’organisme…

 

C’est une ONG qui se consacre à la protection des espèces endémiques et de la faune et la flore indigènes de l’île. Les réalisations effectuées à Maurice sont connues et ont débuté dans les années 70. Par exemple, grâce à la MWF, plusieurs espèces ont pu être sauvées de l’extinction. Parmi celles-ci, le kestrel, l’echo parakeet et le pink pigeon.

 

Quel est le rôle des chauves-souris dans l’écosystème ?

 

Les chauves-souris frugivores jouent un rôle très important dans la dispersion des semences. Elles sont très mobiles et capables de parcourir de longues distances la nuit lorsqu’elles sont à la recherche de leur nourriture. Aujourd’hui, partout dans le monde, les forêts sont très fragmentées et les chauves-souris font partie des quelques animaux capables de voyager entre des îlots de forêt et de disperser les graines.

 

De plus, elles sont très utiles dans le processus de pollinisation des plantes et sont parfois les seuls vecteurs d’échange génétique entre les fragments forestiers isolés. En outre, les chauves-souris ont la capacité de déféquer en vol, ce qui leur permet de disperser les graines dans les espaces défrichés et de contribuer ainsi la régénération forestière. Sur les petites îles océaniques comme Maurice, les chauves-souris sont décrites comme un élément essentiel à la régénération et l’entretien d’une forêt tropicale.

 

La plupart des gens ignorent que plus de 500 espèces de plantes s’appuient sur les chauves-souris pour polliniser leurs fleurs. C’est le cas, par exemple, pour la mangue, la banane et la goyave.

Parlez-nous des espèces de chauves-souris que l’on peut trouver à Maurice ?

Des trois espèces de chauves-souris frugivores qui étaient initialement présentes à Maurice – Pteropus niger, Pteropus subniger et Pteropus rodricensis –, seule la Pteropus niger a survécu. La Pteropus subniger a disparu au XIXe siècle en raison de la chasse et de la déforestation. La Pteropus rodricensis est toujours présente à Rodrigues, mais est menacée. La Pteropus niger, que l’on ne trouve qu’à Maurice, est également menacée.

 

Que pensez-vous de la décision de réduire de 20 % la population de chauves-souris dans l’île ?

 

Cette décision me semble tout à fait déraisonnable et peut avoir de très lourdes conséquences. Plusieurs organisations internationales s’y opposent fortement.

 

La façon dont elles seront tuées vous choque-t-elle ?

 

Les chauves-souris seront abattues. Il est très probable qu’elles seront plutôt blessées et qu’elles souffriront un long moment avant de mourir. Les femelles seront une cible facile. Même si la femelle meurt rapidement, son bébé restera attaché à elle et mourra de faim.

 

Les autorités considèrent que les chauves-souris représentent une  nuisance, car elles causent du tort aux plantations. Votre avis ?

 

Les chauves-souris ont souvent été considérées comme une nuisance. Elles se nourrissent de fruits commerciaux comme le letchi et la mangue. Toutefois, elles ne mangent pas 100 % des fruits des arbres. Nous devons nous rappeler que les chauves-souris frugivores ne sont pas les seuls animaux de l’île. Il y a aussi quelques oiseaux qui se nourrissent de fruits ainsi que les rats et les singes. Des recherches ont démontré que les chauves-souris sont responsables d’environ 11 % des dommages sur les grands manguiers, tandis que les arbres de moins de 6 mètres sont affectés principalement par les oiseaux. Les chauves-souris n’ont presque pas d’influence sur les petits arbres. En dehors de cela, d’après mes observations, les fruits ne sont pas récoltés à temps et plus de 20 % des dommages sur les mangues et les letchis sont causés par un surmûrissement des fruits, le vent et les fortes pluies.

 

Il a été démontré, en Australie  et en Thaïlande, que la protection des arbres à l’aide d’un châssis – car il ne faut pas mettre le filet directement sur l’arbre – offre une protection totale contre les oiseaux et les chauves-souris. On devrait opter pour cette solution à Maurice. Certes, cela exige du travail, mais une fois que le dispositif est installé, il est utile pendant plusieurs années et le problème est résolu. Il est préférable de consacrer les efforts à protéger les fruits plutôt que de s’asseoir et de blâmer les animaux.

 

Selon les autorités, la population de chauves-souris est passée de 55 000 à 90 000 individus ces dernières années. Et elle continuerait de croître. Qu’en pensez-vous ?

 

Ce n’est pas un fait. Comme 98 % de la forêt primaire a été détruite dans l’île, le pays ne peut contenir un grand nombre de chauves-souris. Il y a un manque d’habitation pour elles et un manque de nourriture. Si le nombre de 90 000 chauves-souris est mis en avant, nous savons de notre côté que c’est une surestimation et que, fort probablement, il y a environ 50 000 chauves-souris.

 

Que se passera-t-il si les autorités ne revoient pas leur décision d’abattre des chauves-souris ?

 

Cette décision met en danger les chauves-souris locales et l’extinction est même à craindre.

 

Comment peut-on contrôler la population de chauves-souris ?

 

La population est régulée naturellement par les cyclones. Depuis 2002, Maurice n’a été touché par aucun gros cyclone.  Mais si cela se produisait après un abattage sélectif, l’espèce pourrait être menacée d’extinction.

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