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8 juin 2016 03:40
Depuis 2007, la République de Maurice est signataire de la Convention relative aux droits des personnes autrement capables. Le pays s’est ainsi engagé à mettre en place les structures institutionnelles et légales nécessaires pour faire respecter les droits fondamentaux des handicapés et favoriser leur intégration dans la société. Or, après près d’une décennie, le dernier rapport des Nations unies sur les droits des handicapés souligne que Maurice a encore du chemin à faire dans ce domaine.
Notre pays a certes fait des efforts. Le document cite l’interdiction de toute forme de discrimination à l’égard des employés autrement capables dans l’Employment Rights Act(2008), la création d’une base de données sur le handicap en 2012, l’augmentation substantielle du budget social en faveur des handicapés ainsi que la mise sur pied d’un comité national pour assurer un suivi des personnes handicapées, sous la responsabilité du ministère de la Sécurité sociale.
Mais il y a encore des progrès à accomplir pour réellement faciliter la vie des handicapés. Sur le plan juridique, le rapport des Nations unies estime que les lois mauriciennes sur le handicap sont fragmentées et que certaines définitions légales ne sont pas conformes à celles de la Convention. Il y a notamment une incohérence concernant la définition de handicapped person are disabled persondans l’Equal Opportunities Act (2008), l’Employment Rights Act (2008), l’Income Tax Act (1995) et le Training and Employment of Disabled Persons Act(1996). On note d’ailleurs que ce dernier n’a pas été amendé après la signature de la Convention. Le rapport dénonce l’utilisation d’un langage désobligeant envers les personnes autrement capables dans certaines lois, mais aussi dans des documents concernant des programmes mis en place par les services publics ou des entreprises privées.
Sur le plan scolaire, on reproche à Maurice de perpétuer la ségrégation des enfants autrement capables dans le système éducatif, qui n’applique toujours pas le principe d’éducation inclusive. Cette critique arrive à point nommé puisqu’à l’heure d’adopter le Nine-Year Schooling, le gouvernement mauricien a l’occasion de se pencher sur la question. Dans le domaine médical, l’approche des services publics de santé vis-à-vis des personnes en situation de handicap est aussi incompatible avec la Convention.
Concernant les infrastructures, les Nations unies recommandent que Maurice révise les lois portant sur la construction, l’aménagement urbain, l’habitat et les routes afin d’offrir une meilleure accessibilité aux handicapés. Dans le rapport, un expert s’est notamment inquiété du nombre insuffisant de toilettes spécifiquement adaptées et d’un problème d’accès aux transports en commun pour les personnes en fauteuil roulant.
Les conclusions et recommandations de ce document ne laissent pas insensible Saajid Dauhoo, 36 ans. Cet habitant de Beau-Bassin est atteint d’un déficit auditif depuis la naissance. «Je suis sourd de l’oreille droite et la capacité auditive de mon oreille gauche est limitée à 20 à 30 %. Il est clair que notre système éducatif n’est pas en faveur des enfants en situation de handicap», soutient-il en se basant sur son expérience personnelle.
«On doit s’intégrer etfaire face à la compétition sans aucun soutien logistique, infrastructurel et pédagogique. Il m’a fallu fournir beaucoup d’efforts pour m’adapter au système. En primaire, j’étais dans une école publique, mais mes parents ont dû me transférer dans un établissement privé, sans quoi je n’aurais jamais obtenu le CPE. J’avais du mal à suivre les professeurs car il n’y avait pas de matériel adapté à mon handicap. Je devais lire sur les lèvres en même temps que je prenais des notes. Un appareil auditif coûtait près de Rs 100 000 à l’époque et il fallait le changer tous les trois ans. Tout le monde n’avait pas les moyens», explique le jeune homme qui est aujourd’hui consultant en fiscalité dans une grande entreprise de l’île.
Si son parcours d’élève à Maurice a été un parcours du combattant, il a découvert un autre système au Royaume-Uni lors de ses études supérieures. Il y a bénéficié, précise-t-il, d’un soutien logistique dans son université et du cadre juridique britannique, beaucoup plus favorable à l’intégration des personnes en situation de handicap. Il milite aujourd’hui pour que Maurice adopte un système d’éducation inclusive et revoit son approche générale du handicap. «On est en 2016 et Maurice peine toujours à rendre meilleure la vie des handicapés, que ce soit en termes d’éducation, d’infrastructures, de respect de la personne ou d’accès à l’emploi. Selon la loi, toute entreprise de plus de 35 salariés doit compter au moins 3 % d’employés en situation de handicap. Mais peu d’entreprises privées et publiques respectent ce quota.»
Même s’il reste beaucoup à faire, Maurice adhère aux principes de la Convention internationale. Les Nations unies attendent donc des progrès d’ici l’examen du prochain rapport. Ses experts estiment que les recommandations adressées au pays l’aideront à surmonter ledéfiauquel il est confronté : faire que les personnes en situation de handicap deviennent des citoyens comme les autres.
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