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Par Yvonne Stephen
1 juillet 2015 14:05
L’ennemi est partout. Il ne surgit pas de nulle part. Il est là, tout simplement, et prêt à vous lancer un «ça gaze ?» qui ne fait rire que lui. Il a de l’humour noir – mais pas forcément la couleur, contrairement à ce que l’on pourrait penser –, le CO2. Le dioxyde de carbone est un gaz incolore et non toxique, et il est le principal gaz à effet de serre (celui qui fait bien du mal à notre couche d’ozone). La nature elle-même produit du CO2 (respiration des plantes, des animaux et des hommes ou encore éruption volcanique, incendie de forêt et décomposition de matière organique). Néanmoins, l’homme – ses inventions et ses actions qui carburent à l’huile lourde et au fioul – a fait augmenter le taux de CO2 dans l’atmosphère. Pas top !
Bien sûr, les grandes entreprises et les grandes puissances sont à pointer du doigt. La société de consommation également. Celle où vous évoluez, celle à laquelle vous participez. Chacun à son niveau peut tenter de faire la différence, donc. Comment ? En faisant des petits gestes conscients au quotidien, en attendant que l’État mauricien prenne ses responsabilités (dans la lignée de son concept défunt «Maurice île Durable»). Goindo Nundraj estime qu’à la maison, au bureau et dans sa vie de tous les jours, un individu peut faire la différence : «Il faut que nous nous posions la question de savoir si ce que nous faisons a un impact positif ou négatif sur l’environnement.»
Sonnette d’alarme
Le jeune a conçu, avec d’autres jeunes de sa localité, des maisons écologiques dans les écoles primaires. Une initiative citoyenne dans l’optique de conscientiser et de donner des exemples concrets sur les façons d’être plus respectueux envers l’environnement. Des décisions nécessaires à prendre, car plus les années passent, plus la situation devient alarmante. Des écologistes, des citoyens et des personnalités éco-conscientes du monde le reconnaissent et tirent la sonnette d’alarme. Malgré de nombreuses rencontres internationales et plusieurs sommets, la situation va en s’aggravant.
Dans quelques mois se tiendra la 21e Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP21). Elle aura lieu du 30 novembre au 11 décembre à Paris. L’objectif : aboutir à un accord afin de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète en dessous de 2°C, en prenant des mesures réelles et efficaces. Maurice y sera présente et soumettra une Intended Nationally Determined Contribution où les objectifs de l’île concernant la réduction d’émission de CO2 seront explicités. C’est avec l’aide de la France que ce document sera rédigé. Il y a quelques jours, un Protocole d’Entente a été signé entre le ministre de l’Environnement, Raj Dayal, et Laurent Garnier, l’ambassadeur de France à Maurice, afin que Maurice puisse bénéficier de l’expertise française. Des discussions au sommet pour décider de l’avenir de la planète.
Consommer moins
Des échanges où le citoyen ne se retrouve pas forcément. Néanmoins, au quotidien, il peut faire la différence. «C’est à chacun d’entre nous de prendre ses responsabilités. Ensemble, nous pouvons faire la différence», explique Fabiani Balisson, Project Manager de la Plateforme Citoyenne. Ce mouvement écologiste a organisé, quelques semaines de cela, une séance mauricienne du World Wide Views on Climate and Energy (il s’agit d’une consultation mondiale sur le climat et l’énergie). Il en ressort que les Mauriciens interrogés sont très concernés par le réchauffement climatique, mais ne sont pas satisfaits par les résultats des rencontres onusiennes sur ce sujet. Ils estiment que des mesures contraignantes doivent être appliquées afin que la réduction des gaz à effet de serre soit effective et réelle.
Au niveau étatique et mondial, des décisions sérieuses doivent être prises. Des engagements aussi. Mais vous pouvez également vous engager à votre niveau. «La distribution d’ampoules économiques avait coûté environ Rs 40 millions. Ça semblait énorme. Mais ça a permis d’économiser 15 mégawatts à l’heure de pointe et d’éviter la construction d’une nouvelle centrale», poursuit Fabiani, estimant que c’est un exemple qui démontre bien que les petites initiatives amènent souvent de grands résultats. Une lampe halogène, tendance et pas chère, c’est le top ? Oui, mais non. Ces luminaires sont énergétivores et font grimper la note d’électricité. Et pour faire simple, réduire les émissions de CO2 = consommer moins.
Même constat pour les appareils électroménagers. Vous avez trouvé la bonne affaire ? Elle est à Rs 5 000 de moins que votre marque traditionnelle. Vous jubilez ! Patientez quelques secondes avant de sortir la carte bancaire : «Il existe désormais un grading des appareils électroménagers. Il est possible de trouver des informations sur leur consommation d’électricité, entre autres, afin de savoir s’ils sont meilleurs pour l’environnement.» Soyez vigilant, cette tendance européenne existe à Maurice (d’ailleurs, nos électroménagers sont importés) : «Elle existe également pour les ampoules.» Prendre son temps, lire les étiquettes, se renseigner, poser les bonnes questions et ne pas rechercher – absolument – la bonne affaire en matière de prix, ça fait du bien à la Terre.
Savoir se débarrasser des choses cassées aussi. «Cette loi devrait exister : une compagnie qui a vendu un réfrigérateur doit le reprendre pour en retirer les bonnes pièces et obtenir du raw material», souhaite Goindo Nundraj. Moins de déchet, plus de recyclage, moins de production, moins de consommation d’énergie. Un équilibre utopique. Mais les grandes choses commencent souvent par de petites initiatives : «Donner une nouvelle vie à des objets, les utiliser et les réutiliser. Ne pas jeter parce qu’il y a un autre, un plus tendance.» Les valeurs consuméristes doivent être modifiées : «Dans nos maisons écologiques, nous montrons les différentes façons de réutiliser, par exemple, les bouteilles en plastique.»
Éco-conscient
D’autres gestes au quotidien peuvent réduire les déchets : utiliser des contenants qui ne sont pas jetables, utiliser des déchets ménagers pour faire du compost et cultiver ses propres légumes. Tous les gestes pour être plus éco-conscient permettent de participer au mouvement de réduction du CO2. «C’est le secteur du transport à Maurice qui est le plus gros contributeur de nos émissions de CO2», explique Fabiani Balisson. Il faut du transport pour tout : transporter les légumes et les fruits, les déchets, les meubles, les électroménagers, mais aussi les personnes. Si au niveau de la production, vous ne pouvez pas faire grand-chose, au niveau de vos déplacements, c’est possible. Ne pas prendre la voiture pour «aller à la boulangerie qui se trouve à 500 mètres», par exemple. «Nous avons trop de ressources finalement. Mais il faudrait se demander : que ferais-je si je n’avais ni voiture ni essence ?» lance Goindo. Sortez la «BM double pieds» – comme le dit un petit dialogue local bien à la mode – plus souvent.
Pour Fabiani, les autorités doivent prendre des décisions pour que le citoyen puisse agir à son niveau : «Pas un bon service de transport en commun ? Les gens vont continuer à prendre leur voiture. Pas de trottoir ni de piste cyclable ? Il n’y a aucune sécurité, comment penser vert quand on se demande si on ne va pas mourir sur la route ?» Les initiatives citoyennes peuvent donner un élan, un momentum – actuellement, Goindo organise un Youth Sustainability Forum à l’Université de Maurice, par exemple –, mais il est nécessaire que, dans ce mouvement, les instances gouvernementales suivent : «Les gens pourraient produire de l’électricité avec des panneaux photovoltaïques sur leur toit. Mais il n’y a pas d’encouragement, d’incentives de la part du gouvernement.»
Un panneau photovoltaïque par toit par famille, ce serait déjà une avancée de taille vers la réduction des émissions de CO2. Mais en attendant d’y arriver, vous pouvez bien sûr mettre en œuvre des mesures simples que l’on connaît tous : pratiquer le covoiturage avec des gens de confiance, éteindre les lumières d’une pièce quand on la quitte, ne pas laisser ses appareils en mode «veille», consommer des produits locaux, ne pas surchauffer une pièce (surtout en hiver, surtout dans les hauts) et ne pas sur-utiliser la climatisation (ouvrez les fenêtres de votre maison et de votre voiture). À 5 degrés de moins que la température extérieure, ça fonctionne ! Autant d’habitudes à adopter pour faire reculer l’ennemi.
Ça nous regarde tous !
Une consultation pas comme les autres. Celle qui se fait actuellement dans le monde : le World Wide Views on Climate and Energy. Et Maurice va y apporter sa pierre suite à un événement organisé par la Plateforme Citoyenne. Des Mauriciens ont répondu à des questionnaires et ont fait part de leur point de vue sur le changement climatique. 76,62 % d’entre eux se disent très concernés par les conséquences du changement climatique (personne n’a confié ne pas être concerné). Ils estiment que les résultats des négociations des Nations unies sur le climat depuis 1992 n’ont pas permis de lutter contre le changement climatique (70,13 %). Néanmoins, ils préconisent que «le monde devrait décider à Paris de faire tout ce qui est en son pouvoir pour limiter un réchauffement de la température moyenne» à 76, 62 %. Sur la responsabilité de prise en charge de cette «lutte», le panel mauricien est partagé. 66,23 % estiment qu’il s’agit d’une responsabilité mondiale à travers un accord international ou un traité sur le climat et 79,22 % pensent qu’il s’agit essentiellement de celle des citoyens et de la société civile. Vous pouvez voir l’ensemble des résultats pour Maurice et pour l’ensemble des pays concernés sur le lien suivant : http://bit.ly/1QJ4CSL.
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