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Français vivant à Maurice : Pour ne pas craindre le pire

5 juin 2016

Toutest parti d’une impulsion du cœur. Un coup d’amour pour un homme ou pour une femme. Un élan de lovepour une île, un peuple, une façon de vivre. Une envie, aussi. Celle de s’inventer et d’aimer ailleurs. De se construire un avenir, pour des raisons financières et/ou d’emploi, sur un petit bout de terre échoué. Les Français qui ont décidé de vivre à Maurice font un peu partie du paysage local. Une présence symptomatique des liens qu’a leur pays d’origine avec notre république depuis des centaines d’années. Une présence qui ne crée que très rarement des vaguelettes. Néanmoins, cette semaine, leur ambassade a été au cœur d’un acte de violence. Des coups de feu ont été tirés à la rue Saint-Georges, où elle se trouve, et des tags menaçants ont été inscrits sur le mur de cette bâtisse…

 

De quoi faire réagir l’ambassadeur, Laurent Garnier, qui a émis un communiqué appelant les ressortissants français à plus de prudence : «L’ambassade a été victime cette nuit d’actes de vandalisme et d’intimidation (inscriptions murales au nom de «l’État islamique», coups de feu) alors que les locaux étaient fermés. Nous sommes pleinement mobilisés et en contact permanent avec les autorités locales afin de renforcer les dispositifs de sécurité de l’ambassade et des emprises françaises. Nous invitons la communauté française à rester vigilante.» Alors que l’ombre du terrorisme (il ne s’agit, pour l’instant, que d’une supposition) plane sur cette «attaque» qui a eu lieu le lundi 30 mai, comment ces Français vivent-ils dans cette île qu’ils aiment ? C’est la question que nous leur avons posée.

 

Et c’est, en général, avec beaucoup d’humour qu’ils commentent la situation, en assurant ne pas vouloir quitter Maurice ou vivre dans la peur. Une façon de se rassurer, d’éviter de craindre le pire et de penser au meilleur, expliquent-ils. De puiser leur force dans la magie de l’île qu’ils connaissent et où ils se sentent encore en sécurité, alors que dans leur pays d’origine, le menaçant Daech n’a pas fait que des graffitis.

 

Marie de Commarmond, vice-présidente de l’Association démocratique des Français à l’Étranger (ADFE), qui vit à Maurice «depuis tellement longtemps», confie qu’elle et les Français que son association représente vivent «une vie tout à fait normale»depuis les événements : «Nous n’avons pas d’inquiétude particulière. Nous pensons et espérons qu’il ne s’agit là que d’un acte isolé. Mais par mesure de précaution, nous suivons les consignes de l’ambassade de France.»Celle qui se considère plus mauricienne que française l’avoue, elle n’a pas pris très au sérieux les messages d’intimidation : «Peut-être que j’ai tort. Mais les raisons derrière ces agissements peuvent être multiples et pas forcément liées au terrorisme.»

 

Sandra Mussard, responsable de communication dans un hôtel de l’île, suit la même piste de réflexion. Une façon de se rassurer : «Quand j’ai eu vent de ce qui s’est passé, je me suis dit que ce devait être des petits rigolos qui voulaient faire peur. Je n’ai pas eu l’impression que c’était quelque chose d’organisé. Daech frappe directement.»Mais si elle se trompe, dit-elle, elle ne perd pas pour autant espoir : «Si c’est un acte d’intimidation, ça vient d’un groupuscule isolé. Et il ne faut pas le prendre au sérieux et lui donner trop de pouvoir et de crédit. Je fais confiance aux autorités. Je ne me sens pas dans l’insécurité à Maurice. C’est toujours une destination de cœur.»Et elle doit le rester, affirme-t-elle. Quelles seront les répercussions de ces événements sur les arrivées touristiques venant de France ? Seul le temps le dira.

 

Pour l’instant, néanmoins, sur la page Facebookde l’ambassade de France, on peut découvrir quelques messages d’inquiétude de Français voulant visiter l’île. Jean-Philippe Caussin de Perceval a les arguments pour rassurer les esprits échaudés : «Maurice est une destination sûre ! Il n’y a pas de doute là-dessus. Et je m’y sens bien. C’est une minorité d’une minorité qui a fait ça. D’ailleurs, je me suis dit que c’était l’œuvre de gamins. Malheureusement, ça peut ternir l’image de Maurice. J’espère que ce ne sera pas le cas.»Il s’est bien amusé, dit-il, des erreurs grammaticales des tags.

 

Luc Stempin également : «Quand tu vois les tags, tu te dis qu’ils sont ridicules les pseudo-terroristes. Leurs fautes d’orthographe font plus rire qu’autre chose. Les gens qui ont fait ça se sont ridiculisés.»Il préfère en rire plutôt que de se laisser aller au fatalisme : «Ma première réaction : même dans ce pays, où on pouvait se sentir en sécurité, ce genre de chose peut arriver. Mais je me dis que de toute façon, la situation va s’auto-régler. Les Mauriciens ne vont pas laisser ça arriver.»

 

Toutefois, si les événements de ce début de semaine sont au cœur des discussions, un autre événement anime la communauté française à Maurice : les épreuves du baccalauréat. Marie-Christine Fin, qui évolue dans le milieu scolaire et qui est présidente de l’ADFE, explique qu’il y a bien de l’inquiétude, mais que pour l’instant, l’angoisse qui prend le dessus concerne les épreuves de fin de cycle secondaire : «On espère que tout va bien se passer, sans incident. Après, c’est vrai que les élèves sont un peu choqués. Et qu’on se dit qu’on n’est à l’abri nulle part en fin de compte.»

 

Marine (prénom modifié à sa demande) espère, elle, encore se sentir chez elle et en sécurité dans son île de cœur : «Je ne m’inquiète pas. Mais c’est vrai que ce sont les premières attaques ouvertes contre des Français. S’il doit arriver quelque chose, vaut mieux faire profil bas. En même temps, je ne suis pas persuadée que la seule raison de la colère de ces personnes relève du terrorisme.»Elle évoque les transactions des Français qui étalent leur argent, qui vendent des propriétés hors de prix et évoluent dans l’île avec une certaine arrogance : «Je ne parle pas comme une expatriée parce que cela fait très longtemps que je suis ici. Je dis simplement ce que je vois et qui peut provoquer des frustrations.»

 

Ces explications pour expliquer les derniers événements violents ne sont pas roses, confie-t-elle, mais elle préfère privilégier cette explication pour expliquer – mais non pour excuser – la colère qui a maculé les «attaques» de l’ambassade de France. Parce que, il y a bien des années, elle a eu un coup de cœur pour une île. Depuis, elle y est attachée et ne veut pas avoir à s’en aller…

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