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Par Yvonne Stephen
23 janvier 2024 13:47
Duel Dhurmea/Husnoo. Navin Ramgoolam le martèle : Ram Dhurmea n’est qu’un «bouc-émissaire». Le terme scapegoat est largement utilisé par l’opposition parlementaire et extraparlementaire qui se rejoint sur ce point : le directeur général suspendu de la météo, Ram Dhurmea, a été choisi pour assumer la «faillite» du gouvernement. «Pour se sauver de sa propre incompétence, de son incapacité à gérer les crises, Pravind Jugnauth met tout sur le dos d’un fonctionnaire !» harangue Nando Bodha de Linion Moris. Ashok Subron de Rezistans ek Alternativ rappelle que c’est à Pravind Jugnauth de prendre ses responsabilités au lieu de shift the blame : «Pravin, pa blam lezot, twa ki Premie minis, to sistem ki enn dezast !» C’est le chef du gouvernement, après la journée dramatique du 15 janvier, qui avait annoncé la démission du directeur général de la météo. Depuis, les choses ont pris une tournure inattendue.
◗ Des documents. Du côté du MSM, on avance que Ram Dhurmea a été «politisé» par l’opposition, d’où son refus d’accepter ce que les autorités qualifient d’erreurs de la station sous sa direction. Des documents ont circulé cette semaine : une correspondance adressée au chef de la fonction publique où Ram Dhurmea dit n’avoir jamais démissionné et dit refuser d’être le «scapegoat» et ce qui semble être un document officiel fourni par la Météo aux autorités qui indiquent la dangerosité de la situation le lundi 15 janvier. D’ailleurs, le dimanche 14 janvier, soit la veille des événements traumatisants, le ministre Anwar Husnoo, responsable de la National Emergency Operations Command (NEOC) du National Disaster Risk Reduction and Management Centre, devait assurer, en conférence de presse, qu’il y avait une grande possibilité qu’aucune alerte ne soit en vigueur le lendemain. Plus tard, le même jour, Ram Dhurmea tenait un autre discours, évoquant un passage en classe 2.
◗ Le ministre des Collectivités locales attaque. Anwar Husnoo s’est exprimé, acceptant plus ou moins que les autorités n’avaient «peut-être pas pris des décisions en temps voulu». Il a, néanmoins, précisé que ce n’était pas de sa responsabilité : «Ce n’est pas moi qui décide de mettre la classe III. C’est la décision des techniciens. Je suis leur avis.» Il s’est aussi fendu d’un communiqué le mercredi 17 janvier, suite à la correspondance de Ram Dhurmea (où il dit qu’il n’a pas démissionné), pour rappeler que le directeur de la météo n’a pas donné des informations exactes concernant Belal et ses implications, et a suspendu ce dernier de ses fonctions avec effet immédiat… deux jours après la démission annoncée par le PM.
◗ Une vidéo qui fait débat. Dans le JT de la MBC le jeudi 18 janvier, une vidéo a été diffusée : on y voit Ram Dhurmea, lors d’une réunion du National Crisis Committee dire que le «worst-case scenario» pour «tomorrow» serait de maintenir l’alerte de classe 1. Ces images font polémiques et les détracteurs du gouvernement estiment que les images ont été manipulées. L’avocat du directeur de la météo suspendu, Me Gavin Glover, avance également qu’il y a eu manipulation et assure que son client attend avec sérénité d’assister à un comité disciplinaire.
«Négligence criminelle». Les trois leaders de l’alliance de l’opposition parlementaire ne mâchent pas leurs mots concernant la gestion de la crise et au niveau des prévisions. Navin Ramgoolam, Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval étaient face à la presse, ce jeudi 18 janvier. «Le monde voit le degré d’incompétence de ceux qui nous dirigent aujourd’hui. Il y a des incapables à la tête de notre pays. Les images de ce qui s’est passé le lundi 15 janvier sont apocalyptiques. La situation était chaotique : pa kone ki sanla an sarz ! C’est de la négligence criminelle», dit Navin Ramgoolam.
Démissions ! Dans le même élan, les leaders ont réclamé la démission de Pravind Jugnauth : «Li pa fit for purpose sa boug-la. Par aksidan ki linn vinn PM. Li pou touy sa pei-la», lance Paul Bérenger. Mais aussi celle d’Anwar Husnoo. Demande de Nando Bodha de Linion Moris également : «Le Premier ministre est fautif et doit step down ; il a, une fois de plus, démontré son incapacité à gérer les situations de crise et de calamité et c’est lepep qui doit payer les pots cassés. Anwar Husnoo aussi doit démissionner ; il est responsable des drains, des pompiers, des districts councils, de tous les services d’urgence.»
Bruneau Laurette de One Moris demande, lui, la démission de tout le gouvernement : «Il s’agit d’une responsabilité collective ; rien n’a été fait pour prévenir ce qui s’est passé. Aujourd’hui le pays est à terre. Un pays ki zordi pe roule par des "pa mwa sa… li sa".»
Manque de planification. Pour Xavier-Luc Duval, le gouvernement ne prend pas ses responsabilités face au changement climatique : «Nous en avons fait les frais cette semaine. Mais qu’est-ce qui va se passer si cela arrive la semaine prochaine ? Les effets du changement climatique vont frapper encore. Et cela va arriver souvent. Que propose le gouvernement dans l’immédiat et sur le long terme ?» Le leader du PMSD évoque les drains placés dans Quatre-Bornes sans aucune planification : «Où va l’eau ? Enn rezwenn lot sans aucune planification… Et, du coup, il y a des problèmes là où il n’y en avait pas.» Paul Bérenger rappelle que la construction des drains a coûté des milliards sans que cela ne soit une réelle solutition: «Par miliar pe depanse pou bien pir ek pe bez kass.»
La question du Metro Express dans la ville des fleurs est aussi au cœur des critiques. «Sous notre leadership, il était question d’une construction sur pilotis. Les experts singapouriens avaient évoqué les risques d’inondation», souligne Navin Ramgoolam. Il évoque tout un travail qui se fait en amont pour préparer le pays à la saison cyclonique : «Depuis novembre, il faut le drainage des zones humides… Nanien pann fer.»
Pour un plan d’évacuation. Xavier-Luc Duval est d’avis qu’un plan d’évacuation de la capitale aurait déjà dû être mis en place : «On dit aux employés de rentrer chez eux, d’accord. Mais ils ne savent pas quelle rue est praticable, quel est le moyen de transport public encore à leur disposition. Que se passe-t-il pour ceux qui sont venus par le métro alors qu’il ne fonctionne plus ?» Autant de questions qui prouvent un manque criant de gestion et de planification avance le leader de l’opposition.
Des travailleurs pris au piège. Les politiciens de l’opposition sont tous du même avis : Pravind Jugnauth et son gouvernement ont mis en danger la vie des travailleurs. De plus, Navin Ramgoolam estime que ce n’est pas possible d’avoir deux catégories de travailleurs : «Pa kapav tret sekter piblik ek prive diferaman.» Ashok Subron, lui, fustige la représentation sur le National Crisis Committee : «Il n’y a pas de représentant des travailleurs ni du ministère du Travail !» Les recommandations des syndicalistes concernant le comité n’ont pas été entendus, dit-il. Il blâme sans détour, Pravind Jugnauth d’avoir fait si peu de cas de la vie des travailleurs. Et dénonce le «mépris» exprimé envers les employés du privé.
Demande d’enquête. Mais pas de celle qui est en cours : «C’est le PMO qui s’en charge… Le résultat, ce sera un cover-up», avance le leader du PTr qui demande une Judicial Enquiry du bureau du DPP et une commission d’enquête. Nando Bodha abonde dans le même sens : «Une commission d’enquête doit être instituée dans les plus brefs délais afin de situer les responsabilités. Le rapport doit être aussi disponible très vite afin de prendre les dispositions qui s’imposent.»
«Politisation de la météo». L’opposition parlementaire et extra-parlementaire s’élève contre ce qu’elle qualifie de « politisation de la météo». Depuis la Mauritius Meteorological Act (2019), ce n’est plus le PMO qui gère mais bien le ministère des Collectivités Locales avec des Powers of Minister polémiques. «C’est Pravind Jugnauth qui a enlevé son indépendance au directeur de la météo. C’est lui le plus grand coupable», dit Navin Ramgoolam. Pour Paubl Bérenger «inn donn sa a enn miniss inkonpetan».
«Pa kone si pa ena mor ankor ?» C’est Navin Ramgoolam qui s’interroge sur cette question : «Avek sa gouvernma bizin atann nou a tou ; komie zot pe kasiet ?» Un questionnement qui rejoint celui de Bruneau Laurette de One Moris. Il se demande où sont passés les SDF de la capitale : «Ceux qui ont l’habitude d’être derrière le cinéma et le Jardin de la Compagnie sont introuvables ; ena boukou missing.»
Il n’a aucun doute. «Gouvernma inn travay osi vit ki kapav pou remet nou pei dibout», a dit Joe Lesjongard, lors d’un point de presse le samedi 20 janvier. Il a salué l’engagement du Premier ministre et a assuré que les nuages autour du clash Husnoo-Dhurmea se dissiperont : «La vérité finit toujours par triompher.» Concernant les critiques, il a déclaré que le gouvernement n’a aucune leçon à recevoir de l’opposition. Bobby Hureeram a, lui, assuré que de nombreux projets de drain sont en cours.
Les politiciens de tout bord saluent les compensations prévues par les autorités. Les automobilistes dont les véhicules ont été piégés dans les inondations seront aidés à travers la FSC ; l’argent sera ensuite récupéré auprès des assurances. Les petits planteurs (Rs 10 000 par arpent), les éleveurs (entre Rs 10 000 et Rs 25 000 pour les animaux morts), les pêcheurs (Rs 10 000 pour la réparation de bateaux endommagés) et les producteurs de miel (Rs 5 000 par colonie d’abeilles) sont aussi concernés par les aides du gouvernement post-Belal. Il s’agit d’annonces faites par le ministre des Finances Renganaden Padayachy, qui animait un point de presse, le vendredi 19 janvier. Si ces aides sont les bienvenues, l’opposition dans son ensemble estime qu’il faudrait aller plus loin et tendre la main aux personnes dont les maisons, et ce qu’elles contiennent, ont été endommagés par les fortes pluies.
Le CEB prévoir le paiement de Rs 2 000 (avec la collaboration de la MRA) pour chacune des 50 000 familles qui ont été privées d’électricité pendant au moins 12 heures d’affilées lors du passage du cyclone.
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