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Hélène Bidard, adjointe à la maire de Paris : «Nous allons utiliser la version en créole à Paris quand cela sera nécessaire»

9 mars 2020

Quelle est l’importance d’un outil comme le Violentomètre dans la lutte contre les violences faites aux femmes ?

 

Pour faire de la prévention, il est très important de produire des outils pédagogiques. Le Violentomètre permet aux jeunes femmes de situer leur relation de couple sur une règle. Vert : tout va bien, la relation est saine, profite ! Orange : vigilance, il y a de la violence. Et rouge : tu es en danger, protège-toi, demande de l’aide. À partir de situations de la vie courante, les jeunes femmes peuvent comprendre ce qui est normal ou non, ce qui doit changer. Mais je dois dire, pour l’avoir testé largement, que cela marche aussi pour les adultes ! Je crois beaucoup à la prévention chez les jeunes, qui seront les adultes de demain, mais qui sont surtout surexposé/es aux violences et peu sensibilisé/es, dans une société encore malheureusement très empreinte de sexisme.

 

Comment expliquez-vous la hausse des féminicides en France ?

 

En 2019, 149 féminicides ont été décomptés en France et le compteur ne s’arrête pas. Déjà 15 femmes sont mortes dans ces conditions depuis le 1er janvier 2020. Je ne sais pas s’il s’agit d’une hausse ou du fait qu’ils soient mieux identifiés ou qu’on en parle plus. Dans tous les cas, chaque féminicide est un féminicide de trop. La sécurité des femmes et des filles se joue avant tout dans la sphère privée. Les pouvoirs publics ont selon moi une grande responsabilité. À commencer par l’État qui, malgré un «grenelle des violences conjugales» en grandes pompes, n’a toujours pas annoncé de financement supplémentaire pour éradiquer le phénomène. Or, la lutte contre les violences a un coût. Il faut investir dans la formation des policiers, dans les suites judiciaires, dans l’hébergement des femmes victimes et des enfants. À Paris, malheureusement, nous pallions trop souvent le manque de responsabilité au  niveau national.

 

Comment le Violentomètre a-t-il été accueilli en France ?

 

Nous avons presque été dépassé/es par son succès ! D’abord, il a reçu le Prix Territoria de l’innovation publique. C’est une grande fierté pour moi car il est rare qu’un outil concernant l’égalité femmes-hommes soit récompensé ; bien que je sois convaincue que l’intégration du genre dans les politiques publiques soit un levier d’innovation et de modernisation. Ensuite, nous avons reçu des dizaines de demandes de municipalités, de départements, de régions, de services publics comme des hôpitaux, des centres d’action sociale, et même à l’étranger, pour que nous autorisions sa diffusion. Des associations féministes, des organisations syndicales, des ONG l’ont, elles aussi, partagé. C’est pour moi la preuve qu’il y a un réel besoin et que le Violentomètre est utile et efficace.

 

Que pensez-vous de la démarche de la Platform Stop Violans Kont Fam qui a choisi d’introduire le Violentomètre et le faire traduire en créole ?  

 

Je vous en remercie ! Le Violentomètre est maintenant traduit en sept langues ! Le travail de la plateforme est très important à Maurice. Pas une seule sphère de la société, pas un seul territoire, pas une seule communauté ou milieu social n’échappe aux violences faites aux femmes. Le travail de terrain des associations, des plateformes, des militant/es féministes est fondamental car c’est dans la prévention de proximité, dans l’accompagnement quotidien des victimes que l’on peut empêcher les violences ou en sortir. La langue est un facteur supplémentaire de vulnérabilité quand il faut s’adresser aux institutions en France. Nous allons utiliser la version en créole, ici à Paris, quand cela sera nécessaire !

 

Marie-Noëlle Elissac-Foy

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