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Incidents à la Citadelle : artistes et organisateurs condamnent et revendiquent

30 octobre 2023

Les membres de communauté voudraient, comme ils l'ont martelé pendant longtemps, des endroits et des conditions plus adaptés à l'organisation de leurs événements.

Ils viennent à nouveau de l’avant pour dire leur mécontentement et leurs frustrations. Après les incidents à La Citadelle, il y a eu, évidemment, une grande indignation au niveau des artistes. Cela s’est d’abord manifesté à travers plusieurs vidéos et posts venant d’artistes comme Mr Love ou Gérard Louis, qui ont condamné les tristes événements du samedi 21 octobre, tout en appelant au calme et au dialogue, alors que d’autres comme Anne Ga et le groupe Patyattan, qui étaient sur scène lors du fameux concert à La Citadelle, ont préféré faire des posts sur les réseaux sociaux pour surtout mettre l’accent sur le très beau moment que c’était avant les incidents…

 

Mais la grosse mobilisation s’est faite lors d’une conférence de presse le mercredi 25 octobre, où les artistes et les organisateurs d’événements ont pris la parole, avec plusieurs questions qui sont revenues sur le tapis concernant, notamment, les endroits où on peut faire des concerts tranquillement, sans qu’il y ait ce genre d’incidents.

 

À cette occasion, Bruno Raya a martelé : «L’heure est à l’unité et c’est bien que tous les bords politiques aient condamné cet acte, mais le problème reste le même. Nous n’avons toujours pas d’endroits spécifiques pour faire nos concerts. Et quand nous avons des endroits, c’est toujours un long chemin pour avoir tous les permis, dont les plus importants sont donnés à quelques jours de l’événement ou carrément la veille.» Plusieurs autres organisateurs d’événements, dont Bryan Rush et Abhishek Gooransingh, ont aussi parlé du chemin de croix et du stress pour en organiser, et demandent que toutes ces conditions soient revues. Autre aspect décrié : le «prétexte» de «pollution sonore» pour faire les concerts commencer et finir plus tôt, ce qui, selon les organisateurs, n’est pas encore ancré auprès des Mauriciens.

 

Jean-Jacques Arjoon, dit Zanzak, a, lui, parlé avec beaucoup d’émotion : «Nous ne sommes pas naïfs ; la campagne électorale a commencé dans un contexte ethno/politico/religieux et l’événementiel se trouve dans les griffes de ce contexte. J’ai bien écouté les avis de tout un chacun sur les réseaux sociaux, dont ceux de plusieurs imams. Quand je vois la palette de musulmans indignés par les événements, je pense que nous sommes sur la bonne voie et je dis aux politiciens : blie si pou sey raviv laflam kominal. Et après ces événements, d’autres questions se posent : quelle sécurité pour les artistes ? Qui est responsable de notre sécurité ?»

 

«Ne pas arrêter de faire des événements»

 

Quant à Victor Genestar, le fondateur de La Isla Social Club, partenaire du groupe hôtelier Attitude pour l’organisation du Gran Konser à la Citadelle, bien que choqué, ne veut pas s’arrêter à ce qui s’est passé : «C’était une intrusion violente et soudaine qui nous a fait peur à tous (…) Mais sommes unis dans cette peur, nous devons laisser ces incidents derrière nous, laisser la police faire son travail et ne pas arrêter de faire des événements.» Et dans cette foule qui était paniquée le samedi 21 octobre, il y avait aussi Percy Yip Tong, producteur de Kaya et plusieurs autres formations musicales. Il fait partie de ceux qui ont tenu tête, dans le calme, au groupe de personnes venu faire du désordre à La Citadelle – on peut d’ailleurs le voir et l’entendre sur l’une des vidéos qui ont été largement partagées sur les réseaux sociaux, nous montrant la panique et le chaos. Il tire deux analyses de ce qui s’est passé, tout en soulignant que ce n’est qu’une analyse et qu’il ne pointe du doigt ni ne critique personne, car pour lui, l’initiative d’un tel concert avec des éléments comme la musique locale, le lieu de patrimoine, l’approche familiale et touristique, est juste géniale.

 

«Il y a tout d’abord le point de vue d’un membre du public. Il faut comprendre que cet événement était très touristique, avec un public bon enfant, très familial, où chacun avait la sécurité de ses proches comme priorité, avec aussi des touristes. Concernant l’organisation, je pense que vu que c’était un concert familial, il y a eu le service d’ordre habituel. Si c’était un autre type de concert, il y aurait peut-être eu plus de bouncers et peut-être que toutes ces personnes violentes n’auraient pas pu entrer, d’autant que le lieu ne possède qu’une entrée et une sortie. Aussi, c’était un concert où il n’y avait pas de barrière entre les artistes et le public. Les enfants jouaient à l’arrière de la scène, on pouvait venir tout devant, ce qui a fait que le groupe de personnes a pu facilement monter sur scène. Et finalement, il y a eu le choix de la chanson finale sur la paix, sujet à controverse visiblement, même si elle ne justifie nullement les actions violentes qu’on a vues. Je pense qu’il n’y aurait pas eu ce désordre si on avait choisi le One Love de Bob Marley ou une chanson de Kaya.»

 

Percy Yip Tong, ajoute aussi que le problème va beaucoup plus loin. «Après 55 ans d’Indépendance, on doit encore voter pour des élections en fonction des castes, des religions. Il est où le mauricianisme ? On se rend compte que la Voice of Mauritius n’est pas entendue, parce qu’elle est trop paisible, alors que d’autres voix plus communales se font plus tonitruantes et sont, malheureusement, entendues. C’est pour ça qu’il faut lutter contre ça, contre ce communalisme qui nous a amenés à un acte – n’ayons pas peur de le dire – terroriste. La cellule psychologique mise en place démontre bien qu’on parle de traumatisme dû à un acte terroriste, certes sans morts ni blessés, mais avec le même niveau de haine que l’on a pu voir dans d’autres pays.»

 

Les artistes et organisateurs d’événements sont unanimes à dire : plus jamais ça !

 


 

Le ministre Teeluck réagit pendant que la Citadelle ferme ses portes

 

Il était attendu au tournant. Lors de la conférence de presse des artistes et des organisateurs d’événements le mercredi 25 octobre, tout ce beau monde avait souligné l’absence de réaction du ministre des Arts et du Patrimoine culturel Avinash Teeluck. Ce dernier a finalement fait entendre sa voix, d’abord sur les ondes de Radio Plus : «Nous allons apporter du réconfort, nous sommes en train de voir si nous pouvons dédommager les artistes car leur matériel a été endommagé.»

 

Et ce samedi, lors de la conférence du MSM, il est revenu sur le sujet : «Il y a actuellement une étude pour voir quels sont les endroits convenables pour la tenue des concerts ; dans le dernier Budget, on a notamment parlé du stade Anjalay, mais nous avons aussi besoin d’une expertise et de la mise en place de toute une logistique, d’autant qu’il a beaucoup été question de pollution sonore ces derniers jours.» Le ministre a également déclaré que la Citadelle fait justement partie de ces lieux à l’étude qui sont considérés pour la tenue d’événements culturels et artistiques. Avinash Teeluck a aussi défendu les services de renseignement, évoquant un «incident malheureusement spontané». «Aux USA, malgré tous les services de renseignements, il y a quand même des fusillades violentes dans des écoles et autres endroits», a-t-il ajouté.

 

Par ailleurs, la mairie de Port-Louis et la police ont rejeté la demande de la Voice of Hindu, qui voulait faire un spectacle, suivi de prières, à la Citadelle dans le cadre des célébrations marquant l’arrivée des travailleurs engagés à Maurice le 2 novembre. Un événement qui se tiendra finalement à Trianon. De plus, le lord-maire Issoop Nujurally a déclaré qu’aucun permis ne sera délivré pour la tenue d’événements à la Citadelle jusqu’à nouvel ordre et que des travaux de rénovation seront aussi entrepris pour y garantir plus de sécurité lors des événements à venir.

 

L’incident à la Citadelle reviendra également sur le tapis au Parlement lors de la séance de ce mardi : Nando Bodha de Linion Moris demandera au Premier ministre de s’assurer que le public est en totale sécurité lors de ce genre d’activités. Osman Mohamed posera, pour sa part, des questions sur des incidents dans la région de Fort Adelaide et au Champ de Mars. Richard Duval posera, lui, des questions sur la protection des artistes dans les concerts. Et Eshan Jhuman et Farhad Umeer interrogeront le gouvernement sur les mesures de sécurité prises par la police le soir de l’événement et demanderont si les services de renseignements avaient eu vent, à l’avance, des incidents qui ont eu lieu…

 


 

D’autres événements qui ont fait des mécontents…

 

Dans le passé, beaucoup ont ouvertement montré qu’ils n’étaient pas d’accord avec certains événements culturels et artistiques, réclamant des censures (parfois acceptées) ou faisant des actions parfois fortes. Il n’y a qu’à voir toute la polémique autour de la projection de The Kerala Story en mai dernier, suite à laquelle le film n’a tout bonnement pas été projeté au MCiné de Trianon sur ordre de la police pour des raisons de sécurité. Des individus avaient même débarqué dans la salle de cinéma pour tenter d’empêcher la projection du film !

 

Et si on veut parler de concert, souvenez-vous de celui de la chanteuse Susheela Raman en 2012, à l’initiative de l’agence Immedia : l’artiste de World Music avait été contrainte d’enlever une chanson en honneur au Dieu Muruga de sa playlist, suite à l’objection et à la pression d’un groupe socio-culturel, causant un tollé à l’époque.

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