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Journée mondiale du bandeau blanc contre la pauvreté | Dans le cercle vicieux des démunis de la société

4 juillet 2016

Des habitants de Bambous nous content leur misérable vie.

Unsalaire minimal annoncé, mais dont on se demande quand il sera implémenté… Plus de 100 000 travailleurs du secteur privé qui touchent moins de Rs 6 000 par mois (rapport du CTSP de mai 2013)… Le chômage qui fait des ravages… À Maurice, même si le gouvernement affiche une certaine volonté à faire reculer la pauvreté, force est de constater que les choses avancent lentement lorsqu’il s’agit de réduire l’écart entre riches et pauvres. Sans compter ceux qui ont du mal à sortir du cercle vicieux de la misère malgré tout ce qui est fait pour les aider…

 

Dans certaines régions de l’île, la précarité saute aux yeux. À l’instarde Cité La Ferme, à Bambous,où nous avons fait un tour dans le cadre de la Journée mondiale du bandeau blanc contre la pauvreté. Des maisonnettes en tôle complètement rouillées bordent une petite ruelle où marchent des enfants, pieds nus. Des femmes, assises sur l’asphalte, se coiffent à tour de rôle. Certaines des maisonnettes ont été partiellement détruites alors que des feuilles de tôle et des morceaux de bois jonchent le sol. «Sa bann dimounn la nepli res la. Zot inn gagn lakaz dan La Valette», explique une femme. Elle habite elle aussi dans l’un de ces abris de fortune. Mais par honte, elle refuse de témoigner de sa misère et nous laisse poursuivre notre route.

 

Àquelques mètres de là, André Nadal, 72 ans, est un visage connu de cette petite localité. Lui aussi vit dans une maisonnette en tôle à l’état déplorable. Son rêve :devenir un jour le propriétaire d’une maison décente. «J’ai travaillé durant des années comme chauffeur. Mais c’est un métier qui ne rapporte pas beaucoup. Avec six enfants à ma charge, la vie était dure. Aujourd’hui, ils sont tous mariés», confie le vieil homme.

 

Depuis 2001, il n’a eu d’autre choix, dit-il, que de squatter un terrain de l’État à Bambous, sur lequel il a construit une petite maison en tôle. «Lorsqu’il pleut, la maison s’inonde. Enn vre panie perse. Il y a deux ou trois ans, j’ai eu un terrain en bonne et due forme de l’État, à la route Geoffroy, Bambous. On m’a dit qu’une institution allait se charger de la construction et me faire avoir le matériel nécessaire. Mais jusqu’ici, je n’ai rien vu», souligne-t-il, l’air désespéré.

 

André touche seulement une pension de vieillesse et sa femme, retraitée également et plus jeune que lui de quelques années, ramène quelques sous supplémentaires à la maison en travaillant «dans la cour»La hausse accordée par le gouvernement sur la pension a changé notre vie à 90 %. Je lui suis très reconnaissant car maintenant on arrive à manger à notre faim. Mais il nous manque une maison décente.»

 

Un peu plus loin, nous croisons une femme qui porte un fagot de bois sur la tête. Que va-t-elle faire avec ce chargement qu’elle porte avec une aisance déconcertante ? Elle nous explique qu’il servira à faire bouillir l’eau pour le bain en cette période hivernale. Car sa situation financière ne lui permet pas de s’offrir une douche à gaz et encore moins une douche solaire. Chaque jour, elle emprunte les sentiers de Bambous, à la recherche de quelques morceaux de bois qu’elle fera ensuite brûler. «Mon mari est décédé depuis plusieurs années. Je vis seule. Entre les factures à payer et la nourriture qui coûte cher, je ne peux même pas mettre de l’argent de côté. Et je fais comme je peux. Je fais bouillir l’eau au feu de bois pour me doucher. Je fais plein de petites économies pour manger à ma faim», raconte-t-elle avant de poursuivre sa route.

 

Nous reprenons la route vers La Valette. Un village intégré de la National Empowerment Foundationoù, depuis des années, plusieurs ex-squatters ont reconstitué une vie saine en société. L’environnement en lui-même donne envie d’y séjourner, tant les maisonnettes sont bien entretenues et les jardins joliment fleuris. Il y a toutefois une misère invisible qui plane sur ce village où la sérénité règne pendant la journée. Car le soir, laissent entendre quelques habitants, le quartier se transforme en un monde où les dealers et consommateurs font loi.

 

«La drogue synthétique fait des ravages ici. Les adultes et même des enfants de 12 ans consomment ce poison et plongent des familles dans la détresse et la misère», confie une habitante du quartier, accompagnée d’un jeune homme de la localité. Ce dernier, poursuit notre interlocutrice pour appuyer ses dires, a plongé dans l’enfer de la drogue de synthèse depuis plusieurs mois.Révolté par lesrévélations de son amie, le jeune homme s’en prend à nous et nous intime de partir avant de revenir à de meilleurs sentiments quelques minutes plus tard.

 

Lui, c’est Joe*, 27 ans et père de deux enfants. Il vit séparé de leur mère depuis plusieurs mois. Sa descente aux enfers, explique-t-il, a commencé lorsqu’il a rencontré quelques personnes «ki ti deza dan zafer la».«Aujourd’hui, je ne suis pas allé bosser. Tro nisa», dit-il en éclatant de rire. Sa vie pourtant n’est pas drôle : «Je suis complètement endetté. J’ai emprunté de l’argent pour acheter de la drogue et je n’arrive pas à rembourser. Mon jeune frère de 21 ans est lui aussi accro. Il y a aussi des enfants du village qui me demandentils peuvent trouver ces produits.»Joe affirme qu’il veut s’en sortir. «Mais je ne sais pas si je vais y arriver. Je me demande s’il y a des traitements pour mon addiction. Je ne sais plus quoi faire.»

 

Dans la misère poussent, hélas, souvent d’autres fléaux comme la drogue ou l’alcool qui rendent la situation encore pire et inextricable… Parfois, il suffit d’un rien. D’une main tendue, d’une aide bienvenue, d’un bon encadrement pour que les choses commencent à changer.

 

(*prénom fictif)

 


 

Lovebridge : un pont pour lutter contre la misère

 

Un logement décent pour une vie décente aide à combattre la pauvreté et permet de rendre à l’homme sa dignité. Mais ce combat passe aussi par un accompagnement social. Et c’est là l’objectif du projet du Curepipe Starlight Sports Club, baptisé Lovebridgeet qui s’appuie sur l’accompagnement des familles et non sur l’assistanat. Ce projet, soutenu par le gouvernement qui y injectera la somme de Rs 100 millions pour son application sur une base nationale, est un exemple type du partenariat entre l’État et les ONG afin de faire reculer la pauvreté dans l’île. Reste à espérer que d’autres projets similaires verront bientôt le jour.

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